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Sortie médiatique de l’opposition et de la société civile : Simples déclarations de principe ou annonces des bras de fer ?

Le samedi 8 janvier 2022 sonnet- il la fin de la période de grâce pour Bazoum Mohamed, porté au pouvoir à l’issue d’une élection controversée en avril 2021 ? Rien n’est moins sûr. Ce jour, en tout cas, marque deux évènements majeurs qui n’ont pas eu cours depuis quelques mois lorsque le tout nouveau président investi a entrepris de faire foi de bonnes intentions pour un changement de paradigmes dans la gouvernance. Des engagements qui sont restés au stade de simples professions de foi, le Président Bazoum ayant été incapable de donner le moindre début de réalisation aux desseins et intentions qu’il a clairement affichés et pour lesquels il a requis le soutien et l’accompagnement des organisations de la société civile. La première déclaration, enregistrée au cours de la matinée, est venue des partis politiques d’opposition qui reprennent visiblement du poil de la bête. L’élection présidentielle qui a porté Bazoum Mohamed au pouvoir, l’injustice, la rupture d’égalité des Nigériens devant la loi, les arrestations et incarcérations arbitraires d’opposants et d’acteurs de la société civile, etc., ont été à nouveau dénoncées et contestées avec véhémence.

Le sort du scandale du ministère de la Défense nationale, la situation alimentaire, l’insécurité qui menace, à la fois l’intégrité du territoire national et la souveraineté de l’Etat, l’installation anarchique des forces armées étrangères sur le sol national, les accointances suspectées entre les barons du régime et les trafiquants de drogue, l’inféodation du système judiciaire aux dignitaires du Pnds Tarayya, ont été aussi au menu de la déclaration des partis d’opposition regroupés au sein d’une coalition dénommée Cap 2021/ ACC/FRC et alliés. Des partis d’opposition qui disent déterminés à se battre, entre autres, pour restaurer le respect de la souveraineté nationale, la préservation et la protection de l’intégrité territoriale, la défense de la démocratie, des valeurs et principes de la République, de l’Etat de droit et des droits humains, la préservation et le renforcement de l’unité et de la solidarité nationale.

Cette déclaration restera-t-elle lettre morte ou aura-t-elle une suite conséquente de la part des partis d’opposition ? Ouvre-t-elle une nouvelle période de bras de fer avec le pouvoir ? Peut-on faire prévaloir des arguments de bonne foi face à des gens de mauvaise foi ? La problématique est corsée pour les partis d’opposition qui manquent de cohérence et de stratégies efficientes pour faire face aux défius qu’elle se promet de relever.

« L’affaire du MDN ne sera pas enterrée », dixit les OSC

De leur côté, les organisations de la société civile regroupées au sein d’Alternative espace citoyens de Moussa Tchangari, de TLP-Niger (Tournons la page) de Maïkoul Zodi, di Rotab d’Ali Idrissa, se sont illustrées l’après-midi à travers un communiqué de presse rendu public à l’issue de leur regroupement. Dans ce communiqué, les organisations de la société civile ont particulièrement relevé la renonciation de l’Etat à se porter partie civile dans le scandale des fonds de l’armée détournés, consacrant ainsi l’impunité pour les auteurs qu’on a déchargés de tous les griefs graves (corruption, faux et usage de faux, surfacturation, etc.). Comme les partis d’opposition, les Osc ont réitéré leur volonté de poursuivre le combat judiciaire jusqu’à ce que les auteurs et leurs complices paient le prix de leurs forfaits.

Il y a quelques mois, les faucons du Pnds Tarayya le contraignent, à la grande surprise des Nigériens, à se débarrasser de son conseiller en communication, luimême militant du Pnds, Waziri dan Madaoua. Un garçon assez brillant dont le péché, selon ses détracteurs du Pnds, serait d’avoir suscité une comparaison, malsaine, entre les premiers pas de Bazoum Mohamed et son prédécesseur, l’objectif subtil étant de démolir le parrain pour promouvoir le protégé. Un pêché inexcusable pour lequel Bazoum Mohamed ne lui a été d’aucun secours.

L’affaire Ibou Karadjé, dont les préjudices pour l’Etat sont estimés à huit milliards de francs CFA, a été étouffée du jour au lendemain alors que le Président Bazoum a dit et répété sa détermination à mener une lutte féroce contre la corruption. Dans son discours d’investiture, il a notamment expliqué pourquoi il entendait mener sans merci ce combat. Un autre engagement devenu à l’épreuve des faits, une profession de foi sans lendemain. Les commanditaires et complices d’Ibrahim Amadou dit Ibou Karadjé, nommément cités par l’intéressé, n’ont pas été inquiétés pour le moins du monde. C’est même le Premier ministre, Ouhoumoudou Mahamadou, également cité dans l’affaire, qui s’est payé le luxe d’annoncer, au détour d’un entretien, que l’affaire est close car le coupable et tous ses complices ont été appréhendés et placés sous mandat dépôt.

L’étouffement du scandale du MDN, la goutte d’deau qui fait déborder le vase

Bazoum Mohamed n’a pas fait que décliner ses intentions lors de son discours d’investiture ou à l’occasion de rencontres qu’il a personnellement initiées avec les organisations de la société civile. Il a dit et répété aux micros et caméras des médias internationaux que la lutte contre la corruption et les infractions assimilées est son cheval de bataille et qu’il ne faiblira pas face à cet engagement. Interrogé sur les détournements des fonds destinés à l’équipement des Forces armées nationales (Fan), Bazoum Mohamed a répondu que l’enquête sera poursuivie et que quiconque est impliqué répondra de ses actes devant la justice. Pourtant, l’affaire vient d’être étouffée, au grand bonheur de ceux qui ont construit leurs fortunes sur ces milliards détournés et l’affaiblissement de l’armée nigérienne. Par une ordonnance judiciaire datée du 22 décembre 2021, l’Agence judiciaire de l’Etat, agissant pour le compte de l’Etat, décide de ne pas se constituer partie civile. Un abandon systématique de toute poursuite à l’encontre de ceux qui, pendant des années, ont soutiré des caisses de l’Etat des dizaines de milliards par le truchement de fausses factures, d’armements et d’équipements militaires défectueux, etc.

La goutte d’eau qui a fait déborder le vase est venue de ce décret signé le 7 octobre 2021 et qui modifie désormais le régime applicable aux anciens présidents de la République accordés aux anciens chefs d’Etat.

Un décret taillé sur mesure à l’avantage de l’ancien président, Issoufou Mahamadou dont le statut de polygame est singulièrement pris en compte. Deux maîtres d’hôtel, deux assistants, deux véhicules avec chauffeurs, deux véhicules pour gardes du corps, etc., il y a de quoi susciter la révolte des partis politiques et des organisations de la société civile. Mais, sont-ils en mesure d’assumer leurs colères et agir en conséquence ? Les jours et semaines à venir le diront.

Doudou Amadou