Skip to main content

Lettre au président de la République (BM) : Monsieur le Président, je dois m’incliner devant les faits, têtus, qui vous accablent et reconnaître que vous ne serez sans doute jamais le héros attendu de ....

Lettre au président de la République (BM) : Monsieur le Président, je dois m’incliner devant les faits, têtus, qui vous accablent et reconnaître que vous ne serez sans doute jamais le héros attendu de la lutte contre la corruption.

Le dimanche 9 janvier 2022, à Accra, vous avez, de concert avec d’autres chefs d’État, décidé d’étouffer le Mali. Venant de chefs d’État africains, souvent frontaliers du Mali et partageant les mêmes réalités et les mêmes défis, sécuritaires et économiques, je ne comprends pas les visées des décisions que vous avez prises. Pour le compte de qui et pourquoi avez-vous pris cette panoplie de mesures à l’encontre du peuple malien ?

Est-ce pour la démocratie que vous le faites ? J’en doute fort puisque vous savez mieux que moi comment les élections, levier de la démocratie par l’alternance au pouvoir qu’elles permettent, sont loin, très loin, d’être exemplaires. Votre cas, tout comme celui d’un Alassance Dramane Ouattara, n’est pas si exemplaire pour exiger des autorités maliennes ce que vous n’avez su justifier.

Est-ce pour le respect des valeurs de la République ? Laquelle ? Pas celle, en tout cas, qui distingue et traite les citoyens selon la règle de l’appartenance politique et qui fait barrage à la justice comme cela se passe, chez nous, depuis plus d’une décennie.

Au nom de quel principe et de quelles valeurs avez-vous décidé d’étouffer le Mali ? J’ai, en vain, cherché à comprendre vos motivations. Je me suis finalement résolu à écouter et à prendre en compte l’avis d’un ami qui m’a demandé de ne pas chercher midi à 14 heures. Il m’a expliqué que vous n’avez fait que porter la voix et la position de la France à l’encontre du Mali. Pour lui, les chefs d’État réunis à Accra n’ont été que des porteurs de voix de la France qui agissent par procuration pour la France. Vos propos du 9 septembre 2021, rappelés à l’occasion, le prouvent amplement. Voici ce que vous avez déclaré : «...Les mesures de fermeture des frontières et tout le reste…, ça n’existe pas dans le traité de la Cedeao. Voilà pourquoi nous, Niger, nous n’avons pas préconisé cela…Et nous avons pris les mesures de sanctions prévues par la Cedeao. Nous ne sommes pas allés au-delà… ».

Si l’on y sent le chaud et le froid, on relève également une gêne immense. Vos propos, mi-figue, mi-raisin, indiquent clairement que l’on vous a imposé ces mesures innommables. C’est comme si l’on vous a demandé de vous poignarder ou plutôt de poignarder vos pays et vos peuples.

Monsieur le Président,

Derrière ces propos, j’ai décelé un drame intérieur qui vous ronge. Vous n’avez ni les moyens de vos desseins politiques, ni le courage de vos opinions et de vos positions. Cela s’est déjà vérifié sur la question de la lutte contre la corruption ou encore sur d’autres questions politiques majeures dont j’ai eu connaissance. Aujourd’hui, et à la lumière de ce sommet des chefs d’État de l’Uemoa et de la Cedeao, deux institutions sous régionales que de très nombreux africains considèrent comme des instruments de la France,

Monsieur le Président,

Je me suis imposé un pari que je viens de perdre et j’ai tenu, par honnêteté intellectuelle, à vous le dire tout de suite. MiMisant sur vos discours enchanteurs sur la lutte contre la corruption, J’ai pensé que je pourrais, malgré tout ce qui a entouré votre arrivée au pouvoir, utiliser à votre égard le mot président sans être obligé de lui faire porter ces malheureuses accolades dont j’ai affublé l’autre pendant des années et qui s’apparent, du point de vue de l’esprit, à des chaînes ou à des menottes. Je constate amèrement que le dicton selon lequel on ne fait pas du neuf avec du vieux est une vérité absolue. Il faut dire telles qu’elles se présentent et arrêter de spéculer sur un défi que vous ne pouvez pas manifestement relever. La lutte contre la corruption est, à l’épreuve des faits, trop large pour vos épaules que je m’interdirai volontiers de qualifier de frêles. Seulement, je dois m’incliner devant les faits, têtus, qui vous accablent et reconnaître que vous ne serez sans doute jamais le héros attendu de la lutte contre la corruption.

Le décret modifiant le régime applicable aux anciens présidents de la République, que vous avez si facilement signé le 7 octobre 2021, est la preuve que vous rêvez d’une mission qui est nettement audessus de vos moyens et de vos capacités d’action. Ce décret, vous le savez mieux que moi, est une loi taillée sur mesure pour l’autre et sans vous offenser le moins du monde, ce texte a donné de vous une image dégradante. C’est comme si vous vous êtes enlevé quelque chose de votre intégrité de président de la République, chef de l’État. Vous vous êtes, comme on dit dans le jargon médical, mutilé au point où personne ne vous reconnaît sous les traits du 2 avril 2021.

Monsieur le Président,

Croyez-moi, ce n’est pas de gaieté de coeur que j’ai décidé de vous accrocher désormais ces malheureuses accolades. Mais vous ne me donnez pas le choix. Vous avez si vite échoué sur des questions extrêmement sensibles pour vos compatriotes. Non seulement vous n’avez pas pu épingler à votre tableau de chasse la moindre affaire de corruption, mais le scandale-phare de votre régime, les détournements, sur plusieurs années, des fonds destinés à armer les Forces armées nigériennes a été étouffé. Le fait est d’ailleurs moins grave que la main qui l’a porté. Pour paraphraser l’autre, vous avez poignardé l’État dans le dos et on ne peut perpétrer un tel acte sans être, sinon complice, du moins indulgent, visà- vis de ceux qui sont mis en cause dans le scandale du ministère de la Défense nationale. Vous avez pourtant clamé, haut et fort, que les auteurs et complices répondront de leurs actes devant la justice. Vous l’avez fait à Niamey, vous l’avez fait en dehors du Niger, notamment sur les antennes de la BBC.

Je voudrais, à la lumière de ce que vous venez de cautionner à propos du scandale du ministère de la Défense, et ces avantages taillés sur mesure pour votre prédécesseur, vous demander humblement de vous interdire de parler de lutte contre la corruption. Ce n’est plus la peine. Personne ne vous croit plus.

Mallami Boukar