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Lettre au président de la République (BM) : Monsieur le Président, le berger peut-il dormir alors que le loup est dans la bergerie ?

Cela fait deux semaines que j’ai repris ma lettre au président de la République et ma motivation est claire : vous éviter de tomber dans les travers et les dérives de l’autre, bourré de méchanceté gratuite à l’endroit de son peuple. Ces travers et ces dérives, vous le savez mieux que moi, relevaient plus d’un choix délibéré que d’erreur commise de bonne foi. Et à moins que vous poursuiviez la destruction du Niger, tel que l’autre s’y était employé pendant une décennie entière, vous ne pouvez pas, vous ne devez pas, faire comme lui qui a fait prospérer et ériger la corruption en mode de gouvernance, protéger et promouvoir ses auteurs, ériger la rupture d’égalité des citoyens devant la loi en règle de justice, etc.

Je ne suis point inquiet par rapport à votre détermination à changer de paradigmes dans la gouvernance, aussi bien politique qu’économique et sociale. Cependant, vous devez savoir que l’autre ne vous laissera pas faire et j’ai bien peur qu’il ne multiplie, ces derniers temps, les actes de sabotage subtils, histoire de vous lier à vie à ses casseroles. C’est une perspective dont j’ai déjà perçu plein de manifestations et j’ai tenu à les partager avec vous. Je pourrais être dans l’erreur. Mais, c’est le risque à prendre lorsqu’on assume des responsabilités comme les miennes. Seuls ceux qui n’agissent pas ne commettent jamais d’erreur.

Mon rôle est de vous apporter ma contribution bénévole à la réalisation des desseins que vous avez déclinés le 2 avril 2021, notamment dans le cadre de la lutte contre la corruption. Pour y arriver, je ne peux pas ne pas lire les évènements, les analyser et les interpréter. Je vais, donc, vous donner ma lecture de certains évènements qui semblent s’enchaîner.

Monsieur le Président,

Je vais être tranchant et ne croyez pas à une impertinence de la part de votre serviteur. Etes-vous vraiment le maître à bord ou un simple docker à bord du bateau ? Ma question n’est pas aussi saugrenue. Depuis quelque temps, j’ai l’impression que certains membres de votre gouvernement dansent à une musique qui n’est pas la vôtre, du moins, pas celle que vous avez fait entendre le 2 avril 2021.

C’est d’abord Hassoumi Massoudou qui danse sur la radio française à une musique macabre qui nous avait écorché les oreilles tant de fois sous l’autre. Jeter le discrédit sur les autorités d’un pays africain frère, soientelles issues d’un coup d’État militaire, n’est pas dans les cordes diplomatiques nigériennes. C’est un cru de l’autre. Je n’oublie pas bien sûr que vous avez servi, durant les 10 années de l’autre, ce dessein qui n’honore pas le Niger. Mais, j’ai le devoir de vous juger sur des faits et actes posés en tant que chef d’État, aux commandes du Niger. C’est pourquoi je vous fais grâce de tout ce que vous avez pu dire et/ou faire lorsque vous étiez membre du gouvernement de l’autre.

Après Hassoumi, c’est ensuite, je ne sais plus qui d’autre, qui décide, dans les méandres du pouvoir, de faire procéder au transfèrement d’Ibou Karadjé dans une totale illégalité, histoire de montrer à nos compatriotes que rien, absolument rien, n’a changé dans la gouvernance et que ce sont eux qui décident, jusqu’à preuve du contraire, qui doit aller en prison. Ce sont des pratiques contraires aux valeurs que vous avez déclinées lors de votre investiture. Les ressusciter vise un double objectif : semer le doute dans l’esprit des citoyens et vous porter l’estocade dans ce que vous envisagez de meilleur pour le Niger, c’est-à-dire la lutte contre la corruption.

Monsieur le Président,

Vous êtes enseignant de formation et de carrière et vous savez que la répétition est pédagogique. C’est pourquoi je ne crois pas perdre mon temps à vous rappeler, chaque semaine, quelques bribes de vos engagements du 2 avril 2021. Ce jourlà, vous avez déclaré que, je cite : « …la meilleure façon de lutter contre la corruption est de sévir contre ceux qui s’en rendent coupables. Mon credo sera de miser principalement sur la pédagogie de l’exemple en ne tolérant d’aucune façon le principe de l’impunité … ». Ce transfèrement est dirigé contre vous en priorité et Ibou Karadjé n’est qu’une victime collatérale. Après le transfèrement d’Ibou Karadjé, comme un enchaînement pensé et réfléchi, c’est au tour de votre Premier ministre, Ouhoumoudou Mahamadou, de faire une sortie médiatique au cours de laquelle il s’est épanché sur l’affaire Ibou Karadjé dont il reste un protagoniste de première importance. À ce sujet, également, il s’agit, de mon point de vue, de marteler aux Nigériens que les moeurs du régime sont, malgré vos belles promesses, intactes. Le propos d’Ouhoumoudou ne dit pas autre chose que ceci : « nous sommes la justice et cela n’a jamais été aussi vrai qu’aujourd’hui ». C’est un message aux Nigériens, mais c’est aussi un avertissement pour vous. C’est choquant de l’admettre, mais c’est la réalité. Vous êtes le chef de l’État pour ignorer l’identité de celui qui a ordonné le transfèrement d’Ibou Karadjé. Vous n’ignorez pas non plus les raisons et les motivations liées au transfèrement d’Ibou Karadjé. Eh bien, tout semble venir du même cercle, celui des intouchables.

Ouhoumoudou Mahamadou, visiblement, s’est affranchi de tout devoir de rectitude et de subordination visà- vis de vous pour tenir un discours qui, je le sais, n’est pas de vous. Comment peut-il oser aller sur Télé Sahel pour donner de prétendues conclusions sur une affaire judiciaire dans laquelle il est un des protagonistes ? Je pourrais me tromper, mais j’ai l’impression qu’il joue une tout autre partition que la vôtre.

Monsieur le Président,

L’enfer, dit-on, est pavé de bonnes intentions et l’autre nous a amplement donné des raisons suffisantes de le croire. C’est cette expérience douloureuse qui explique que vos compatriotes soient encore réticents à manifester leur enthousiasme et leur soutien ferme à votre politique. Vous comprenez sans doute cette prudence de vos compatriotes, tellement pressés de voir la fin de la corruption et de l’impunité dans leur pays qu’ils oublient la rudesse de la mission, noble, que vous vous êtes engagé à remplir pour le bien de votre pays. C’est un sacerdoce que vous avez librement accepté de porter et le peuple nigérien vous en saurait gré. Si vous êtes sincère dans ce dessein, et je le crois personnellement, que Dieu vous aide à anéantir toute force qui s’y opposerait. Le Niger a besoin d’un sursaut patriotique et il certain que vous incarnez, aujourd’hui, ce sursaut patriotique.

Monsieur le Président,

Cette lettre, vous le savez, est ouverte à la lecture de vos compatriotes et certains prendraient sans doute mes propos pour de viles flatteries. Non seulement je n’en ai pas l’habitude, mais je suis sincère. C’est au nom de cet espoir de justice que vous incarnez que j’ai fait table rase de tout ce que vous avez pu faire et dire et qui avait donné de vous l’image d’un faucon du régime. Est-il plus heureux de constater que ce faucon est au fond une colombe qui a dû s’affubler de plumes convenables dans son milieu pour se confondre dans la masse et paraître comme un faucon ? Votre histoire est assez intéressante pour ne pas la conter.

Votre histoire, c’est celle d’un fils du pays qui a patiemment attendu d’être là où il peut changer les choses pour se révéler le héros d’une gouvernance nouvelle. N’en déplaise aux adeptes du “tout, tout de suite ou rien”, Vous avez un grand mérite, celui d’avoir courageusement décidé de faire de la lutte contre la corruption votre cheval de bataille. Vous avez d’autant plus du mérite que vous êtes issu de ce milieu que vous connaissez mieux que quiconque et dont vous connaissez les pratiques et les desseins. Votre mérite est grand, car vous connaissez mieux que quiconque jusqu’où peuvent aller ceux qui sont farouchement opposés à votre combat pour le Niger et son peuple.

Monsieur le Président,

Je vous l’avais dit, la semaine passée et vous devez sans doute me croire. Ne prenez pas à la légère les avertissements qui vous sont lancés. On ne va à la guerre comme dans une boîte de nuit. Le berger peut-il dormir alors que le loup est dans la bergerie ?

Votre dévoué serviteur,
Mallami Boucar.