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Issoufou-Bazoum : Une amitié au creux des vagues des aléas politiques

Il n’y a rien de plus fragile que les relations en politique. Un jour on s’aime, un autre on se déteste. Les coeurs vibrent au gré des intérêts qui en font des pauvres girouettes qui suivent la cadence des vents. Qui pouvait croire que certains hommes soient séparés ? Hama-Tandja et récemment Mahamane Ousmane- Doudou Rahama ? De belles histoires qui ont fini dans la boue, dans la trahison.

Le tandem Tandja-Hama, plus fort par le ciment du compagnonnage politique de plusieurs décennies, n’a pas résisté aux aspérités de la politique et des calculs des hommes, aux manipulations et trahisons. On se demandait, comment la relation Issoufou-Bazoum pourrait faire l’exception pour tenir même dans les turbulences et la lutte des clans qui ébranlaient le parti depuis quelques années. Venant plus au pouvoir pour leurs clans que pour le Niger, ces deux hommes n’avaient aucune chance de ne pas aller dans la confrontation et, ce, depuis que leurs intérêts, désormais divergents, devraient se télescoper pour finalement pourrir les relations entre les deux hommes et leurs clans. Oubliant que, s’ils avaient jusqu’ici tenu avant d’arriver au pouvoir, c’est qu’ils ne savaient pas que la lutte pour une même cause qui était alors pour eux le pouvoir convoité et la misère qu’ils avaient en partage, et ainsi les épreuves de la vie qui rassemblent, ne pouvaient que les rendre solidaires dans les moments qu’ils avaient connus et traversés, ensemble, dans la ferveur socialiste, avant que la ferveur de l’argent ne vienne les enivrer et les étourdir pour ne plus savoir s’aimer. Au pouvoir, la réalité est tout autre. Mais ils n’avaient pas cette expérience.

Premiers signes…

On se rappelle que c’était déjà au premier mandat que les premiers signes de contradiction et de divergences apparaissaient entre les deux hommes, notamment lorsqu’il s’était agi de clarifier la paternité du PNDS-Tarayya ; débat qui avait obligé Bazoum, alors président du parti et ministre des Affaires Etrangères, de sortir pour clarifier le sujet, disant que le parti est le leur, que c’est eux qui l’avaient créé et que c’est bien plus tard qu’Issoufou Mahamadou venait les rejoindre et prendre sa direction. Cette réaction du président-philosophe du PNDS, à l’époque, était déjà perçue par certains milieux du parti comme une défiance à l’égard d’Issoufou Mahamadou, alors président de la République. Pour certains observateurs, son renvoi du gouvernement trouvait là sa justification, avant que, revenant à de meilleurs sentiments, et peut-être par le lobbying de certains milieux du parti et peut-être même de l’International Socialiste, l’on oblige les deux hommes à se retrouver, à taire leurs ressentiments et à se réconcilier. Ainsi devenait-il ministre de l’Intérieur pour préparer sa candidature. Les coeurs qui se blessent, se portent quelque venin, ne peuvent plus être les mêmes. Comme dirait l’autre, le ver entrait dans le fruit, irréparable. On s’aimait, juste par intérêt.

L’autre signe incontestable des divisions qui se creusaient au sein du pouvoir vient de la création du mouvement Hamzari qui confirmait le malaise jusque-là latent qui éclatait alors au grand jour. Depuis, l’on avait compris qu’il y avait des gens qui n’agissent que pour le président Bazoum, quand d’autres, pour un autre agenda, soutiennent sans réserve l’ancien président, si ce n’est pour la cause du Fils qu’il poursuit, quand, pourtant, il n’avait plus à se mêler d’affaires politiciennes dans son parti. Tout le monde avait compris qu’il voulait régenter le parti pour la promotion politique de son rejeton qu’il voulait propulser au sommet du parti et de l’Etat et s’agaçait que Bazoum lui tienne tête sur certains choix, cherchant à s’affranchir de son diktat pour faire échouer ses plans et ses projets.

Rumeurs sur le climat délétère entre les camps…

Et depuis, la rumeur ne fait que s’amplifier, faisant croire que les relations se détérioraient dans le parti où, dans le jeu de positionnement, les acteurs du parti, commençaient à se marcher sur les pieds. C’est à la suite de l’arrivée de Bazoum Mohamed au pouvoir que les choses devraient se précipiter même si, là encore, on feint de l’ignorer, faisant croire à ceux qui regardent qu’il n’en est rien de ce que les uns et les autres peuvent penser, l’amitié restant solide, avec le même ciment. Bluff. C’est à l’occasion de la célébration à Niamey, dans son écurie politique, du Prix Mo Ibrahim, le 19 mai 2023, que, intervenant, le président de la République de l’époque, Mohamed Bazoum, revenait sur ce qui serait pour lui des supposées dissensions au sein du parti, rassurant, non sans hypocrisie, que tout est vermeil entre eux et que personne ne peut voir leur amitié éclater. Il tentait de rassurer le parti, mais tout le monde savait que tout était gâté. Les militants trompés par un tel discours politicien, applaudissaient, ignorant la profondeur des rancoeurs entre les deux hommes et leurs clans. Aussi, dira-t-il : « Je lis avec amusement les nombreuses théories développées par toux ceux qui ont fait de notre relation actuelle, vous et moi, une spécialité et qui jouent aux Cassandres. Je voudrais leur dire une fois encore qu’ils en seront pour leurs frais et que, tel Drogo du roman Le Désert des Tartares de Dino Buzzati, il s’épuiseront à scruter l’horizon et à attendre en vain ». Sauf qu’on n’a pas entendu longtemps. Les uns et les autres, naïvement, avaient cru qu’une fois pour de bon, l’assurance est donnée que le parti ne va jamais s’éclater. Et le parti, ainsi qu’on le prédisait, s’effondre.

Les prédictions surréalistes du Philosophe sur la ténacité de leur amitié et de leur alliance politique n’auront pas tenu longtemps. A l’usure du temps, la barque craqua et elle chavire avec à bord les deux camps concurrents, avec tous, le 26 juillet 2023, surprenant les deux camps dans leurs chamailleries interminables sur le juteux pétrole dont la production allait croitre considérablement, leur donnant des envies immodérées. Dire que ça ne va pas entre les deux hommes, ce n’est ni de la malveillance ni même du commérage mais une manière de rendre compte de faits observables dans les cercles du pouvoir. La preuve la voilà : il a suffi de quelques temps pour tous de comprendre que les deux hommes arrivaient à un point où ils ne pouvaient plus se faire des concessions, décidés, chacun pour ses intérêts, à s’entredéchirer.

Au seuil du pourrissement…

Issoufou et Bazoum, comme tout être humain, ne sont faits que de chair, d’os et de coeur. Mais, ils l’oubliaient pour ne pas comprendre qu’en tant qu’humains, ils ne sauraient résister aux humeurs et aux affects. Ils ne sont que des humains, du reste. C’est sans doute à cause de l’harmonie qui manquait que leur système avait été défait, mettant fin à des chamailleries préjudiciables à l’effort que le pays devrait faire pour faire face aux défis qui se posent à lui. S’il est vrai que, pendant les premières semaines, pour espérer reconquérir le pouvoir, les deux camps affichaient hypocritement un semblant de cohésion pour se battre pour la même cause qui serait le retour de Bazoum au pouvoir, il faut reconnaitre que la farce ne dura pas longtemps. Ainsi a-t-on vu les pro-Bazoum et les pro- Issoufou se jeter la pierre, chacun accusant l’autre de n’avoir pas été loyal, et d’avoir provoqué la situation qu’ils vivent. Sur les réseaux et par presses interposées, la guerre des clans avait fait rage depuis qu’Emmanuel Macron, jugeant ce qui arrivait à Bazoum, ne voyait que des « trahisons politiques ».

Le monstre qu’on a dit invincible est à terre, gisant dans la boue de nouvelles inimitiés.

Par Mairiga