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Apaisement social : Après les paroles, les nigériens attendent toujours les actes

Dans une interview accordée à Jeune Afrique, en mai 2023, le président de la République, Bazoum Mohamed, à propos des relations avec le principal parti de l’opposition, le Mouvement démocratique pour une fédération africaine (MODEN/FALumana Africa, disait : « Nous avons une bonne relation avec le Lumana et je lui reconnais sa contribution au climat d’apaisement qui prévaut ». Venant de Bazoum Mohamed, ces propos valent son pesant d’or, même si l’on peut imaginer qu’ils ont fait grincer des dents quelque part.Mais ce n’est pas le plus important. Ce qui est important, c’est la contribution de Lumana au climat d’apaisement dans un contexte où notre pays est confronté à des défis multiples dont le terrorisme et le banditisme qui sévissent sur la quasi-totalité du territoire national. Un moment où il a besoin de tous ses fils et toutes ses filles pour se relever. Et que le président de la République, himself, reconnaisse, de si vive voix, la part importante de Lumana dans le climat politique apaisé qui prévaut présentement. Un parti qui a toujours été présenté, à tort, comme le diable en personne et l’empêcheur de tourner en rond, au point au Lumana et ses dirigeants ont fait l’objet, depuis sa création, de traitements les plus iniques. Ils sont nombreux les responsables et militants de Lumana qui sont devenus des habitués de la Police judiciaire, de la DGSE et de la prison. Malgré tout, Lumana a, aujourd’hui, fait le choix d’aider à apaiser le climat social et politique. Ce qui lui vaut d’ailleurs des critiqueset des supputations de tous les genres. C’est cet effort d’élévation et de dépassement de Lumana, pour le seul intérêt du pays, que le président de la République a reconnu. Les nigériens le savent, quand Bazoum prend la parole, il dit ce qu’il pense être la vérité, sans mâcher ses mots, sans chercher à faire plaisir à X ou Y. Des fois, sans s’encombrer du politiquement correct. Ses propos sont généralement largement commentés sous l’angle de ce qu’un homme politique doit ou non dire. Et, depuis qu’il est à la tête du pays, sous l’angle de ce qu’un président ne doit pas dire. Là n’est pas le problème. Mais, quand un président de la République parle après avoir fait le constat, ce constat doit être suivi de mesures correctives ou incitatives. Il doit prendre des décisions. Un dirigeant ne dit pas ce qu’il va faire, la campagne étant terminée, mais fait ce qu’il a à affaire. Si Lumana a contribué à l’apaisement du climat social pour l’intérêt du Niger, il est des prérogatives du président de la République, pour le même intérêt du Niger, d’élargir les détenus politiques, ces personnalités politiques arrêtées et poursuivies suite aux manifestations postélectorales. Ce sont ces mêmes personnalités qui sont pour beaucoup dans l’apaisement du climat social. Le président de la République a le pouvoir de les faire libérer, puisque ce sont des prisonniers politiques. Et une fois élargies, elles mettront leur audience et leurs compétences au service de la nation. Ce d’autant plus que quand on peut le plus, on peut le moins. C’est un axiome très clair et simple. Bazoum, en tant que président de la République, a déclaré, le 25 février 2022, lors de sa conférence des cadres qu’il a animée au Centre de Conférences Mahatma Gandhi, qu’il a fait libérer des terroristes.

Des personnes qui ont pris les armes contre leur pays et leurs frères, et qui ont semé la mort et la désolation dans plusieurs contrées du pays. Parlant justement de ces terroristes, Bazoum dit, sans ambages, avoir « libéré d’autres de Koutoukale qu’on m’a conseillé de libérer lors des réunions du Conseil national de la sécurité », dans le cadre de la recherche de la paix dans notre pays. Pourtant ceux-ci ont massacré, tué, incendié, pillé. Pendant ce temps, des hommes politiques sont encore sous le coup de poursuites pour leurs opinions politiques dans un contexte de campagne électorale. La question qui se pose est alors la suivante : un terroriste qui a assassiné, pillé, incendié, pris les armes contre son pays et ses propres frères, mérite-t-il plus d’égard qu’un homme politique qui critique un régime ou se prononce sur des élections ? Répondre par l’affirmative à cette question fait froid au dos. Un terroriste, autrement un assassin, serait alors mieux traité qu’un homme politique, un lumaniste. Sinon, si le chef de l’Etat peut libérer de dangereux terroristes pour la recherche de la paix et la cohésion sociale, cette mesure peut être aisément étendue aux hommes politiques, des personnalités qui ont, pendant des décennies, servi le Niger. Dans la vie des nations, il y a des moments où il faut savoir faire les compromis nécessaires pour pouvoir avancer. On ne fait pas la paix avec ses amis. Et maintenant que le président luimême a reconnu à Lumana d’avoir contribué à apaiser le climat social, l’on attend de lui qu’il libère ces hommes politiques et qu’ils recouvrent tous leurs droits afin qu’ils puissent prendre pleinement part à l’oeuvre de (re)construction nationale. Pour un chef de l’Etat, faire un constat et s’y limiter, sans prendre les décisions logiques qui en découlent, est une simple profession de foi. Pire, un aveu d’impuissance. Et, là, c’est grave. Très grave même.

Bisso