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Amères vérités : Dans tout ça, « c’est nous, on mange ».

Il n’y a pas à épiloguer là-dessus, c’est l’armée française qui a tiré à balles réelles sur des manifestants nigériens qui s’opposaient à sa progression, à Téra, au Niger. Le communiqué officiel du ministre de l’Intérieur, Alkach Alhada, est clair, net et précis sur la question. « Dans la matinée de ce samedi 27 novembre 2021, le convoi de la force française Barkane, sous escorte de la Gendarmerie nationale, en route pour le Mali, a été bloqué par des manifestants très violents à Téra, région de Tillabéri, où elle a passé la nuit. Dans sa tentative de se dégager, elle a fait usage de la force, malheureusement, on déplore la mort de deux personnes et 18 blessés, dont 11 graves », a signé le ministre de l’Intérieur.

On peut le féliciter, au moins, d’avoir dit clairement qui a tiré à balles réelles et tué deux de nos compatriotes et blessé 18 autres, dont 11, grièvement. Alkache, de ce point de vue, mérite qu’on lui enlève le chapeau. La lâcheté et l’hypocrisie avec lesquels la conduite de la France au Niger est appréciée au sommet de l’Etat aurait pu conduire à prétendre que ce sont des soldats nigériens qui ont tiré sur leurs frères pour faire la route à l’armée française. Des voix le prétendent, d’ailleurs. Si tel est le cas, c’est encore éminemment, plus scandaleux. Des soldats nigériens tirer à balles réelles sur des manifestants nigériens pour faire plaisir à un autre pays, c’est un double drame. Si c’est cela qu’on essaie de camoufler en faisant porter le chapeau aux soldats français, les autorités nigériennes sont déjà tristement entrées dans l’histoire de leur pays.

Pour le moment, on s’en tient à la version officielle. Il n’y a aucune ambiguïté possible là-dessus, c’est la France, selon le ministre de l’Intérieur, qui a tiré à balles réelles et tué des Nigériens. Cette version officielle est d’ailleurs corroborée par maints témoignages venus de Téra, des personnes qui ont vécu les faits ayant rapporté, eux-mêmes, d’où sont venus les tirs. La France a, donc, tué à coups de feu deux manifestants civils nigériens et blessé 18 autres, dont 11 grièvement. La France a ainsi tué, de nouveau au Niger, en novembre 2021 comme elle l’a fait avec la tristement célèbre et macabre mission Voulet-Chanoine. Elle l’a fait, sans état d’âme, comme si elle était en territoire conquis et face à des moins qu’hommes.

En France, les manifestations des Gilets jaunes ont duré des mois entiers, avec des barrages un peu partout en France et des cas de violence répétés. Mais il n’y a pas un seul coup de feu, un seul mort de balles réelles. C’est pourtant la même France, mais sur deux tableaux différents. Au Niger, l’armée française dispose manifestement du droit d’user d’armes à feu, à balles réelles, en somme du droit de tuer.

Pour les Nigériens, le drame de Téra confirme, au besoin, ce qu’ils pensent : la France est complice dans l’insécurité qui prévaut dans leur pays, sinon commanditaire intéressée. Le fait qu’elle ait tiré, aussi facilement, pour se dégager, dit-on, est la preuve que la France n’est pas au Niger pour aider les Nigériens, mais pour leur nuire. « Ce que tu fais pour moi sans moi est forcément contre moi », dit-on. La conviction des Nigériens est que la France est dans une occupation territoriale qui est très éloignée de la lutte contre le terrorisme.

  1. Les Nigériens, il est clair, sont, dans une majorité écrasante, contre la présence militaire française. 2. Cette présence militaire, c’est tout autant clair, est imposée par des gouvernants qui ont manifestement tout à gagner à donner à la France que les citoyens lui contestent, lu refusent.
  2. Cette présence militaire française n’a rien d’une assistance désintéressée. Au contraire, pour les Nigériens, c’est la France qui attise le feu et l’entretient.

Le Président Bazoum, qui a rendu hommage à la force française en arguant qu’elle est là, presque à titre humanitaire, de façon désintéressée, pour lutter contre le terrorisme, n’a pas fait autre chose que d’insulter l’intelligence de ses compatriotes. Comment peut-il, sans sourciller, dire à ses compatriotes que leur uranium ne sert à pas à grand-chose à la France qui en tire beaucoup plus et de meilleure qualité, ailleurs ? Le ministre des Affaires étrangères français n’aurait pu mieux défendre les intérêts et l’image de la France, comme l’a si bien fait Bazoum Mohamed. Les médias français lui ont d’ailleurs retourné l’ascenseur, avec toutefois une pointe d’ironie qui devrait faire pleurer le président nigérien. Dans le titre du Figaro, on relève tout de suite cette ironie. « Le président du Niger «reconnaissant» envers la France et ses «sacrifices» », en prenant bien le soin de mettre les mots reconnaissant et sacrifices entre guillemets. Venant d’un journal français, c’est une claque pour Bazoum Mohamed qui doit dès lors avoir honte de sa prestation médiatique du vendredi.

En tout état de cause, la France politique, elle, est fière de Bazoum Mohamed qui, sur ce sujet en particulier, est en train de rassurer Emmanuel Macron. Il va sans dire que les avantages que Bazoum Mohamed et les siens ont à défendre la France et ses intérêts au Niger sont les mêmes qui ont motivé Issoufou Mahamadou à gouverner comme il l’a fait. Il préserve, c’est incontestable, les mêmes intérêts sur lesquels Issoufou Mahamadou a veillé pendant 10 ans et qui lui a permis, malgré sa malgouvernance, d’être coopté au prix Mo Ibrahim. Grâce sans doute à…Dans tout ça, « c’est nous, on mange ».

BONKANO.