Skip to main content

Amères vérités : Ce n’est ni la Halcia ni l’Inspection générale de l’État, encore moins les journalistes et les acteurs de la société civile, qui peuvent...

Amères vérités : Ce n’est ni la Halcia ni l’Inspection générale de l’État, encore moins les journalistes et les acteurs de la société civile, qui peuvent là où le président de la République ne peut pas.

Le Président Bazoum Mohamed sait-il réellement ce qu’il fait ? Sait-il où il veut aller ? A-t-il vraiment conscience qu’il navigue à vue, sans repères ? Sa rencontre avec les acteurs des organisations de la société civile (Osc), le jeudi 13 janvier 2022, en dit long sur les courants contraires qui font tanguer sa chaloupe. Des courants contraires qu’il essaie, sachant pourtant l’impossibilité de le faire, de concilier, ramant sans cesse à contre-courant, dans une débauche d’énergie et de salive qui ne servent pratiquement qu’à amuser la galerie. Encore une fois, devant les acteurs des Osc réunis en nombre dernier et en qualité, il a renouvelé ses promesses et ses engagements à réaliser ce qu’il a déjà présenté lors de son investiture comme son cheval de bataille. Ah, peut-on faire la lutte contre la corruption en protégeant ses acteurs ? Assurément, non. Pourtant, le chef de l’État veut y croire. Il veut non seulement y croire, mais il compte aussi faire adhérer à son affaire des hommes de grande qualité qui lui ont toutefois fait l’honneur de répondre à son appel. Moussa Tchangari, Ali Idrissa, Maïkoul Zodi, Nouhou Arzika et les autres sont allés l’écouter et lui répondre. Et durant quatre heures d’échanges, ils lui placidement rappelé leurs positions et leurs principes, non sans avoir fait le constat, amer et décevant, que la lutte contre la corruption n’a plus aucun sens du moment où l’affaire du ministère de la Défense nationale a été scandaleusement étouffée du fait de l’État. Un État qu’il dirige depuis le 2 avril 2021 mais qui croule visiblement sous le poids de son prédécesseur, Issoufou Mahamadou.

Issoufou Mahamadou n’a perdu beaucoup de temps pour commencer à poser des actes tendant à montrer les limites objectives de son successeur. À tous ceux qui tendent à proclamer la fin de son pouvoir et les réjouissances face à des perspectives heureuses dont les couleurs ont été annoncées par Bazoum Mohamed, l’ancien président a répondu de la plus belle manière. Il prend des vacances annuelles, assorties de bains de foule, en même temps que le président en titre, il s’invite dans les débats à Oslo, lors du sommet sur le changement climatique et dernièrement, il se fait recevoir à l’Elysée, avec tous les honneurs dus à un chef d’État, dans le même timing que le président Bazoum. Sur le plan intérieur, les choses sont plus subtiles. Il est particulièrement remarqué la présence de l’homme à travers des têtes et des actes. La conséquence est que la lutte contre la corruption, qui suppose un succès politique de Bazoum Mohamed, est vite hypothéquée, sur fond d’opposition, ouverte et tenace, de certains ténors du régime. Bazoum Mohamed le sait et l’a implicitement reconnu devant les acteurs de la société civile en exprimant sa volonté de poursuivre, malgré les obstacles, la lutte contre la corruption.

N’est-ce pas pathétique de voir un chef de l’État, investi de tous les pouvoirs constitutionnels, parler d’obstacles internes à la réalisation de ses desseins ? N’est-ce pas assez clair que Bazoum Mohamed avoue son impuissance à conduire les affaires de l’État comme il le souhaite ? N’est-ce pas, enfin, une belle allusion à ce que les Nigériens soupçonnent si fortement, c’est-à-dire qu’il y a un État dans l’État et que Bazoum Mohamed n’a pas les commandes de cet Etat virtuel ? L’illustration de cet État dans l’État, c’est l’abandon, par l’État, de toutes charges contre les auteurs, complices et commanditaires des détournements du ministère de la Défense nationale.

Quel est cet État qui a déclaré au doyen des juges d’instruction qu’il renonce à être partie civile dans ce scandale sans commune mesure pour ses conséquences financières, sécuritaires et sociales pour le Niger ? Cet État n’est pas vraisemblablement celui qui est visible.

C’est triste pour le Niger. C’est triste d’autant plus que c’est tout de même le président de la République qui a parlé comme s’il s’agissait d’un dépositaire de pouvoir d’Etat secondaire. Si l’on se fie au compte-rendu des Osc, Bazoum Mohamed ne fait pas face à des obstacles uniquement sur la question de la lutte contre la corruption. Il est dans la même situation en ce qui concerne aussi les fraudes aux concours et examens, les recrutements complaisants, le trafic d’armes, de drogue et de carburant et pire, l’équipement des forces de défense et de sécurité. Il a exprimé, ont rapporté les Osc, sa volonté de poursuivre ces combats malgré…les obstacles. Un bel aveu qui ne nécessite aucun commentaire supplémentaire.

Si Bazoum Mohamed, le président de la République, le chef suprême des armées, le magistrat suprême, fait face à des obstacles qu’il a cru devoir évoquer devant les acteurs de la société civile, qui d’autre a le pouvoir, alors ? Ça veut dire, concrètement qu’il ne faut pas s’attendre à un miracle avec Bazoum Mohamed. Il ne faut s’attendre à rien du tout, d’ailleurs. Car, ce n’est ni la Haute autorité de lutte contre la corruption et les infractions assimilées (Halcia), ni les auditeurs de l’Inspection générale de l’État, encore moins les journalistes et les acteurs de la société civile qui peuvent là où le président de la République ne peut rien. Ne cherchez pas midi à 14 heures, vous perdez votre temps. S’il est possible de voir midi à 14 heures, alors, il est possible de remonter le temps. En vérité, Bazoum Mohamed, et c’est cela qu’il a confessé devant les acteurs de la société civile, n’a pas les coudées franches pour être celui qu’il aspire être. C’est un rêve avorté et il vaut mieux, en tout état de cause, s’en tenir aux faits plutôt qu’aux paroles.

BONKANO