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Tensions de trésorerie Attention, mains basses et prédation sur les ressources publiques !

C’est un secret de Polichinelle, les finances publiques du Niger se portent mal, en ce deuxième trimestre de l’année 2023. Même au trimestre précédent et en fin 2022, elles n’étaient guère flamboyantes. Les causes profondes de ce marasme financier sont multiples, car à la fois structurelles et conjecturelles. Structurelles, parce qu’il s’agit d’abord d’une économie rentière très dépendante de la conjecture internationale, favorable ou défavorable.

Alors, comme toutes les économies de cette nature, l’économie nigérienne subit de plein fouet les chocs exogènes dus à la baisse ou à la chute des cours mondiaux des matières premières, dans un contexte international profondément marqué par les effets dévastateurs de la pandémie du COVID-19 et les effets de leviers de la relance post-pandémie dans les grandes économies de la planète. Du coup, la balance commerciale du Niger devient très déficitaire, obligeant ainsi le pays à recourir à l’endettement public pour rééquilibrer son budget. Cette sécheresse financière actuelle est aussi conjecturelle, car sans doute, elle est la conséquence logique de la gestion présente du Ministère en charge des finances, une gestion patrimoniale aux antipodes de l’orthodoxie budgétaire et financière classique. L’absence de réformes structurelles majeures pour moderniser et diversifier l’économie nationale a souvent contraint le jeune ministre des Finances, Ahamat Jidoud, à recourir à des solutions mal élaborées, comme l’introduction brutale de la facture électronique certifiée dans une économie à dominante informelle.

Même dans les pays considérés comme les champions attitrés du capitalisme libéral, les gouvernements tendent, généralement, vers un abaissement des impôts, a fortiori dans des Etats en développement où il s’agit d’encourager l’entreprenariat et autres initiatives chez de jeunes opérateurs économiques. Tel fut, ou aura été le destin de cette réforme ‘’nihilisante’’ de l’esprit d’entreprise dans une économie en transition comme la nôtre !

La conséquence majeure directe et immédiate de cette situation débouche sur des tensions de trésorerie permanentes dues aux charges de la dette intérieure et extérieure contractée quelques années plus tôt et arrivée à échéance. En plus des difficultés à mobiliser les ressources externes, les ressources internes, pour l’essentiel, sont affectées au payement de la dette interne et externe de l’Etat. Mais, l’aspect le plus important concerne surtout le règlement de la dette interne, là où l’arbitraire, le clientélisme, le paternalisme joue les premiers rôles. C’est à ce niveau que se pose le véritable problème, c’est-à-dire dans le choix des priorités nationales. Or, justement, la grande partie de cette dette publique interne concerne le payement des factures des marchés ou contrats publics passés avec des opérateurs économiques d’obédience du système politique en place. L’essentiel de ces ressources internes va dans les comptes privés de ces opérateurs économiques proches du régime en place, puisque même les salaires des agents publics ne sont pas payés en totalité sur ces ressources internes, mais bien souvent par d’emprunts ou avances de la BCEAO dans le cadre de la stabilisation sociale de ses Etats-membres. A titre d’exemple, il paraîtrait que, rien que pour le mois d’avril, c’étaient plus de 150 milliards de francs CFA qui auraient été payés au titre de la dette publique interne. Le gros de ce pactole serait relatif au payement de factures des marchés ou contrats publics attribués à d’opérateurs économiques proches de l’ex-président de la République, Issoufou Mahamadou. Parfois, ces marchés ou contrats publics n’ont pas été exécutés correctement, mais, cela n’a pas empêché que des payements aient eu lieu.

Voilà, aujourd’hui, la réalité, la gestion patrimoniale et clanique des finances publiques, aux seules mains du système politique actuel en dehors duquel la survie économique et financière de ceux qui en sont exclus devient un défi de tous les jours ! Le résultat final de tout cela apparaît clairement dans le dernier rapport général public de la Cour des Comptes avec des ministres milliardaires en deux années de fonctions seulement, car politique et affairisme débridé au sommet de l’Etat riment parfaitement. Crésus et politicards dégénérés ont désormais un destin lié. Pauvre Niger!

Adamou Maiga