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Résurgence des coups d’Etat : Cette nouvelle bourde de Massaoudou Hassoumi

Le renversement du président Roch Marck Christian Kaboré, en début de semaine dernière, aggrave la situation de la France au Sahel. Son précarré de l’espace qu’elle cherche coûte que coûte à garder jalousement est en train de lui échapper progressivement. Le Mali n’est plus sous le contrôle effectif de la France depuis le coup d’Etat du Colonel Assimi Goïta, tombeur du régime d’Ibrahim Boubacar Keïta décédé récemment. Le Burkina Faso vient d’emboîter le pas à la Guinée Konakry et le Mali, la semaine dernière seulement, avec l’éviction du président Kaboré du pouvoir par une junte militaire dirigée par le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba. La même pression exercée par la CEDEAO et la France sur Bamako va certainement s’appliquer contre Ouaga. Peut-être pas avec la même dureté. La première sanction vient juste de tomber ce vendredi 28 janvier 2022, à l’issue de la visioconférence des chefs d’Etat de l’organisation communautaire. Elle s’est traduite pour l’instant par la suspension du Burkina Faso de toutes les instances de la CEDEAO, en attendant d’autres plus dures, qui ne manqueront pas de suivre si d’aventure la junte burkinabé venait à opposer une résistance au diktat de la CEDEAO et de la communauté internationale relativement à la durée de la transition. Ce qui n’est pas exclu, au regard notamment du soutien populaire dont elle jouit aussi.

Devant cette résurgence des coups d’Etat au Sahel dans un contexte sécuritaire très difficile, le ministre français des Affaires étrangères, Jean- Yves Le Drian, et son homologue nigérien, Massaoudou Hassoumi, ont eu une séance de travail, la semaine dernière à Paris, pour examiner la situation. Laquelle séance de travail a été sanctionnée par une conférence de presse animée par les deux diplomates. Pourquoi Massaoudou seul à Paris pour discuter du sujet avec Le Drian, alors qu’il y a la Mauritanie et le Tchad qui font partie aussi des 5 pays du Sahel où la France intervient avec sa force militaire Barkhane dans la lutte contre le terrorisme ? A priori, on peut supposer que c’est parce que parmi les trois pays ‘’disciplinés’’ de l’espace géographique, le Niger s’affiche i n c o n t e s t a b l e m e n t aujourd’hui comme le seul allié inconditionnel de la France dans la zone. A la suite du président Bazoum Mohamed, qui n’a eu de cesse de défendre bec et ongles la nécessité de la présence de la force française Barkhane au Sahel dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, son ministre des Affaires étrangères fait preuve même du même zèle outrancier dans la revendication systématique des positions de l’ex-puissance coloniale concernant la situation tumultueuse que traverse le Sahel.

Niamey et Paris, sur la même fréquence inaudible

N’Djamena et Nouakchott ne sont pas tellement affichées derrière la France comme Niamey qui ne rate jamais, pour ainsi dire, une occasion pour montrer son indéfectible alignement sur les positions de l’ex métropole. La Mauritanie et le Tchad, qui est actuellement dans un processus de transition dont la conduite ne préoccupe pas tellement la France, font preuve en tout cas d’une certaine retenue quand il s’agit de se prononcer sur la gestion des crises qui affectent les pays du Sahel. A l’image de leur mentor Issoufou Mahamadou, le président Mohamed Bazoum et son camarade, ministre d’Etat des Affaires étrangères, Hassoumi Massaoudou, font preuve d’une inféodation sans commune mesure vis-à-vis de la France au nom du Niger. Le Mali comme le Burkina Faso sont des pays souverains. Nous sommes un voisin direct de ces deux pays avec qui nous partageons pratiquement tout : l’espace géographique, les peuples, l’histoire, la culture, l’économie, etc. Au regard de ces différentes considérations, nous avons le devoir impérieux de les soutenir lorsqu’ils traversent des moments de crises, ou à tout le moins, éviter de le jeter en pâture pour faire plaisir à la France, comme le font avec délectation les camarades roses au pouvoir.

Jugez-en, à travers ces propos du ministre Massaoudou, à l’occasion de la récente conférence de presse de Paris qu’il a conjointement animée avec son homologue français Le Drian. Parlant du soutien du peuple malien à la transition militaire, le chef de notre diplomatie a qualifié cela de ‘’patriotisme frelaté’’. C’est une insulte à l’endroit du peuple malien. Emanant d’un ministre d’Etat et pas des moindres, celui des Affaires étrangères du Niger, le qualificatif ne sied pas. Absolument pas du tout ! Ce sont des centaines de milliers de Maliens qui sont descendus dans la rue dans plusieurs localités du pays pour exprimer leur soutien à la junte militaire. Massaoudou d’ajouter : ‘’Nous ne comprenons pas que des chefs militaires qui ont échoué sur le terrain (…) prennent le pouvoir politique et au nom d’un patriotisme ‘’frelaté’’ fassent appel des mercenaires pour défendre leur territoire. Je ne sais pas ce que ça veut dire, mais pourtant ils se prétendent patriotes’’.

Ça rime à quoi ce zèle outrancier de Massaoudou dans le cadre de la gestion de la transition militaire malienne ? Plaire à la France, montrer que le Niger reste et demeurera le rempart de protection des positions de la France au Sahel ? Comme il fallait s’y attendre, la réaction d’indignation vis-à-vis des propos de Bamako n’a pas tardé. Le Premier ministre malien, Choguel Maïga, lui a répondu de façon magistrale, mais civilisée, par respect au peuple nigérien, en lui lançant ce défi de taille : si le ministre d’Etat Massaoudou pense que le peuple nigérien partage sa posture belliqueuse vis-à-vis du Mali, il n’a qu’à lancer une manifestation pacifique de rue pour mesurer sa popularité au sein de l’opinion de son pays. En est-il seulement capable ?

La réponse est évidemment non ! Massaoudou dit aussi qu’ils vont tout faire pour faire courber l’échine aux putschistes du maliens et Burkinabé. ‘’Les coups d’Etat ne passeront plus au sein de l’espace CEDEAO’’, a-t-il en substance martelé. De quels moyens coercitifs la CEDEAO dispose-t-elle pour mettre fin aux coups d’Etat ? Qu’est-ce qui entraîne généralement les putschs militaires en Afrique en général et dans l’espace CEDEAO en particulier ? N’est-ce pas le déficit d’une gouvernance transparente et inclusive des Etats par les élites civiles qui résument la démocratie juste à des élections truquées ? Quand la volonté du peuple est confisquée par les tenants du pouvoir, quand la malgouvernance est érigée en mode de gestion de l’Etat par des élites civiles mues uniquement par les avantages et privilèges que le système politique de gouvernance leur accorde.

A quelle sauce le Burkina sera-t-il mangé ?

Les relations entre la France et le Mali se sont considérablement dégradées suite au coup d’Etat du colonel Assimi Goïta contre le régime d’IBK, décédé récemment. A l’origine du pourrissement du climat en Paris et Bamako, la junte malienne refuse obstinément de se plier devant la pression de la CEDEAO (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) téléguidée par la France, qui veut à contraindre la junte militaire à organiser de nouvelles élections le plus rapidement possible pour remettre le pouvoir aux civils. Un discours inaudible à Bamako. Pas question d’aller à des élections dans la précipitation, il faut d’abord tout remettre à plat, en élaborant de nouveaux textes, repenser la gouvernance démocratique, pour éviter de tomber dans les mêmes travers de gestion à l’origine de l’intrusion régulière de l’armée dans l’arène politique. Ceci nécessiterait au bas mot 4 an, selon la junte, qui jouit d’un large soutien populaire. C’est cela l’essentiel, et c’est sur cette base que la junte malienne maintient le cap. A quelle sauce le Burkina Faso sera-t-il mangé ? Pour sûr, après la suspension, d’autres sanctions suivront à l’issue de la rencontre des chefs d’Etat qui a eu lieu ce jeudi dernier.

Taweye