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Pouvoir et lutte de clans : Pourquoi Bazoum Mohamed ne peut pas s’affirmer?


Il reste un peu plus de deux mois pour Bazoum Mohamed fasse le tour des 12 premiers mois de son mandat. Un an au cours duquel il a tenté, non sans peine, de tourner la situation sociopolitique et économique catastrophique léguée par son prédécesseur à son avantage. Ses tentatives, soutenues par une large partie des citoyens, ont vite tourné à l’échec. Face aux acteurs de la société civile qu’il a rencontré de nouveau le 13 janvier passé, il a luimême reconnu les limites de ses capacités en parlant d’obstacles. Une formule décente et politiquement correcte pour admettre l’existence de goulots de résistance dans sa famille politique. Il n’y a rien de surprenant, la corruption qui a gangrené le pays et ruiné l’État n’est que le fait de ses partisans. C’est, donc, sur le plan, une mission impossible que Bazoum Mohamed s’est prescrite. Bien que régulièrement commis pour des missions de vérification, des auditeurs ont buté au refus catégorique, voire à la colère de certains pontes du régime.

Sur le front social, le Président Bazoum essaie de colmater en mettant à profit les espaces de liberté dont il bénéficie.

Il a notamment pris l’engagement de ne plus entraver les manifestations publiques. Une ouverture qui fera certainement baisser la tension sociale d’un cran. Faisant suite à cet engagement du Président Bazoum, le président du Conseil de ville de Niamey a rencontré les acteurs de la société civile pour leur déclarer qu’il n’a plus de raison de s’opposer à leurs manifestations publiques qui doivent toutefois être pacifiques. Deux manifestations sont d’ores et déjà dans le pipeline. La première, prévue pour hier, dimanche 23 janvier, a été reportée par les organisations de la société civile en vue de mieux le préparer. Quant à la seconde, elle est envisagée pour le 30 janvier prochain. Ces manifestations vont inaugurer le retour du Niger au respect des normes et principes démocratiques et permettront du coup de désamorcer la bombe sociale en latence.

Le combat que mène Bazoum Mohamed est des plus tragiques

S’il a de quoi faire valoir sur le front social, le Président Bazoum traine toutefois des casseroles, s’accommodant aisément de l’existence, dans de nombreuses prisons nigériennes, de prisonniers politiques et d’opinion. Lors de la rencontre avec les acteurs de la société civile qui ont abordé le sujet, Bazoum Mohamed n’a rien trouvé de mieux que se défendre de n’y être pour rien. « Ce n’est pas moi qui les ai arrêtés », a-t-il rétorqué à ses interlocuteurs. Une façon pour lui d’évoquer, sinon la séparation des pouvoirs, du moins l’existence d’un autre pouvoir sans visage. Quoi qu’il en soit, la libération de ces prisonniers, que des sources indiquent être en centaines, n’est pas pour demain. Et c’est justement là où ça cloche. Bazoum Mohamed, selon des sources concordantes, a bien nourri l’intention, à l’occasion du 18 décembre, de faire libérer tous les prisonniers politiques et d’opinion. Mais il a été rapidement convaincu d’abandonner cette idée et de ne plus y penser.

Le combat que mène Bazoum Mohamed est des plus tragiques. Il essaie d’avancer sur un terrain miné, mains et pieds liés. Doublement handicapé, il vogue à tous vents, sans savoir exactement vers quelle destination précise le mèneront les courants. Il veut convaincre de sa bonne foi, mais manque cruellement de moyens d’action pour corroborer ses intentions et ses discours par des actes concrets. Selon une source politique proche de son cercle, le Président souffrirait de plus en plus de cet écart qui le discrédite et le montre continuellement sous les traits d’un président kama-mini. Une accusation qui était perçue, avant l’élection controversée qui l’a porté au pouvoir, comme le fait de détracteurs.

Le Président souffrirait de plus en plus de cet écart qui le discrédite et le montre continuellement sous les traits d’un président kamamini

Aujourd’hui, à l’épreuve des faits, le constat est fait : Bazoum Mohamed n’a pas toute la puissance du pouvoir que lui confère la Constitution. S’il continue dans cette logique, son échec est non seulement assuré, mais il va vivre en permanence dans le ridicule. Peut-être aussi, comme s’est interrogé notre source, être appelé président et jouir des privilèges liés à la fonction lui suffisent amplement. Selon certains analystes politiques, Bazoum Mohamed lutte contre plus fort que soi. L’enjeu est de taille. S’il s’affirme comme l’attendent les Nigériens, particulièrement sur ces aspects de la politique intérieure, Bazoum Mohamed ne fait pas qu’effacer Issoufou Mahamadou, il l’enterre, y compris dans son propre camp politique. Déjà détesté par une frange importante de ses compatriotes pour ce qu’il a fait du Niger en 10 ans de pouvoir, Issoufou Mahamadou risque gros si son successeur et protégé réussisse. En clair, l’ancien président, qui règne toujours sur le système, n’a pas intérêt à voir Bazoum Mohamed réussir là où il a échoué. L’ancien président va, donc, continuer ses grenouillages afin de demeurer le grand gourou du régime, celui auprès de qui l’on tire sa légitimité. Le Président Bazoum n’échappe pas à cette règle, lui qui a été contraint de se séparer de son conseiller en communication et qui a dû avaler bien de couleuvres dans la gestion des affaires publiques.

Doudou Amadou