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Amères vérités : Lorsqu’on a blâmé l’honorable Dogari d’avoir interdit des manifestations publiques, on doit également ...

Lorsqu’on a blâmé l’honorable Dogari d’avoir interdit des manifestations publiques, on doit également s’imposer le devoir, citoyen et démocrate, de lui reconnaître l’humilité et la grandeur de s’être remis publiquement en cause.

Il faut rendre à César ce qui est à César et reconnaître, en tout état de cause, ce qui fait les grands hommes. Oumarou Moumouni Dogari a certainement choqué son monde en interdisant systématiquement des manifestations publiques qui devraient avoir lieu à l’initiative des organisations de la société civile. Pour sa famille (politique), il ne fait pas que se discréditer aux yeux de l’opinion, il entame l’image et le crédit de son parti politique et de l’opposition tout entière. Pour la société civile, le député-maire et président du Conseil de ville de Niamey en fait trop, particulièrement depuis la rencontre entre le président de la République, Bazoum Mohamed, et les acteurs de la société civile, le 13 janvier 2022. Une rencontre au cours de laquelle le chef de l’État a solennellement promis qu’il n’entravera plus les manifestation publiques car, soulignait-il, il en a lui-même tellement joui pour en devenir un prédateur. Un engagement solennel sur lequel les organisations de la société civile ont tenu à prendre les autorités nigériennes au mot.

Oumarou Moumouni Dogari n’est pas, pourtant, un prédateur des libertés publiques et ceux qui se sont fondés sur une circonstance tout à fait affligeante pour le juger et l’accabler sont certainement allés vite en besogne. Non pas que l’intéressé n’a pas posé des actes susceptibles de lui valoir la volée de bois vert qu’on a remarquée, mais simplement parce que la gestion des affaires publiques place parfois les hommes dans des situations inconfortables, voire délicates. Des situations qui sont d’autant plus douloureuses qu’elles vous imposent un silence lourd à porter. C’est en cela qu’on dit que la responsabilité politique est un sacerdoce.

Oumarou Moumouni Dogari est tout de même élu sous la bannière du Moden Fa Lumana Africa et de la plus belle manière. Il est, certes, le dépositaire d’un pouvoir voulu par les citoyens de la ville de Niamey et cela va certainement au-delà des militants de son parti politique. Toutefois, l’exercice du pouvoir le place au confluent d’obligations parfois exclusives et donc, difficiles à concilier. Il faut avoir une tête forte, la lucidité mais aussi le dos large pour encaisser et Dogari, probablement au nom des équilibres nécessaires (responsabilités citoyenne, politique et institutionnelle) a fait le choix de la responsabilité et non d’un populisme de mauvais aloi.

Si Oumarou Moumouni Dogari ne met en avant que des préoccupations politiciennes, il ferait bien entendu bien plus qu’autoriser les manifestations publiques. Certains, que nous connaissons si bien pour les avoir vus à l’oeuvre au plus sommet de l’État, profiteraient de leurs stations pour créer la chienlit. L’honorable Dogari n’a pas suivi la voie de la force, mais plutôt celle de la loi et de la raison, quitte à en souffrir et à se faire couvrir d’insultes et de vilenies de toutes sortes. Il a choisi la responsabilité. Entre deux maux, il faut choisir le moindre, dit-on. Il ne s’agit pas de chercher des justifications aux actes du président du Conseil de ville. Cependant, il faut reconnaître qu’il a fait preuve de grandeur. Car, d’une part, l’erreur est humaine et d’autre part, seuls ceux sont dignes de hauteur, d’estime et de vertu savent se remettre en cause. Ce n’est pas à la portée de tout le monde. Certains, par orgueil mal placé et narcissisme, auraient persisté dans l’erreur.

La grandeur d’âme du député-maire, président du Conseil de ville de Niamey n’est pas seulement d’avoir replacé le curseur là où il faut. C’est également d’avoir pris la peine de s’expliquer et d’expliquer à ses compatriotes, car c’est aussi ça la gouvernance : chercher, en toutes circonstances, à abroger les distances entre gouvernants et gouvernés, à s’expliquer et expliquer ses actes. Il n’y rien de plus beau et de plus appréciable de la part d’un gouvernant. Oumarou Moumouni Dogari ne perd rien en consacrant à cette exigence de la gouvernance démocratique. Au contraire, en sacrifiant à cette obligation en tant que détenteur d’une légitimité populaire, le président du Conseil de ville de Niamey a fait preuve de magnanimité, certes, mais a surtout montré combien il doit aux citoyens. Il s’est incliné pour s’expliquer et très peu d’entre nous sont capables d’une telle humilité. Lorsqu’on a blâmé l’honorable Dogari d’avoir interdit des manifestations publiques, on doit également s’imposer le devoir, citoyen et démocrate, de lui reconnaître l’humilité et la grandeur de s’être remis publiquement en cause.

En tout état de cause, il est heureux de constater que le Niger renoue avec les normes et principes démocratiques tels que stipulés par la Constitution. C’est un fondamental qui ouvre la voie sur d’autres perspectives encore plus heureuses. Car, sans liberté, notamment celle d’expression, il n’y a pas de démocratie. Non seulement le Niger renoue ainsi avec les normes et principes démocratiques, mais il s’offre aussi les voies d’apaisement d’un climat sociopolitique trop tendu pour ne pas déboucher sur un épilogue malheureux. Il ne reste plus qu’à libérer tous les prisonniers politiques et d’opinion, remettre en selle le Conseil national de dialogue politique suivant la règle du consensus qui le régit et oeuvrer à relever les défis qui pressent : la lutte contre l’insécurité et les menaces qui pèsent sur la souveraineté ; le trafic de drogue qui sert à financer celle-ci ainsi que la lutte contre la corruption et les délits assimilés. Si le Président Bazoum s’aventure sur d’autres terrains que ceux-ci, à l’heure actuelle, soyez sûrs qu’il ne fera rien de bon pour le Niger.

Bonkano