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Phobie du coup d’État : Tentatives réelles ou coups fourrés du régime ?

Ça y est ! C’est reparti pour une nouvelle série sans doute. Bazoum Mohamed, qui n’a pas encore un an à la tête de l’État, a sa première tentative de coup d’État. Plusieurs personnes seraient actuellement en détention. Mais on ignore encore quels sont les militaires mis en cause. Quoi qu’il en soit, les «conjurés» n’ont aucune chance de se tirer d’affaire. Il y en a tellement qui croupissent dans les prisons nigériennes depuis près de 11 ans. Pour la plupart d’entre eux, l’opinion nationale n’en sait pas plus que ce qui est révélé officiellement. On arrête des individus, civils et militaires, qui sont ensuite placés en mandat de dépôt pour atteinte à la sûreté de l’État. Pas plus. Selon un officier de gendarmerie qui a requis l’anonymat, « les dossiers d’instruction ne comportent pas grand-chose. Généralement, il n’y a qu’un échange téléphonique, autant dire des propos interprétés à la guise de celui qui poursuit ». Les militaires incriminés dans ces genres d’affaires dont on ne connaît pas la crédibilité sont nombreux. Des officiers, des sous-officiers, des hommes de rang. Nombreux sont les Nigériens qui estiment que la récurrence avec laquelle le régime dit avoir déjoué des tentatives de coups d’État fait froid dans le dos et font croire à des mises en scène. En 10 ans, Issoufou Mahamadou, l’ancien président, a révélé trois tentatives de coups d’État contre son pouvoir. Cependant, pas une seule fois, les armes que les prétendus conjurés envisageaient d’utiliser n’ont été montrées. Des actes posés ? Personne n’en sait grand-chose.

Issoufou Mahamadou, qui a fait part de trois tentatives de coup d’Etat en une décennie, a été élu à plus de 97% en 2016. Quant à Bazoum Mohamed, il a été porté à la tête de l’État avec 54% des suffrages, en 2021. Pourquoi y aurait-il, donc, autant de tentatives de coups d’État ? Ce sont tout de même des hommes qui bénéficient largement des suffrages des Nigériens. S’ils ont été élus démocratiquement suivant des procédures régulières et transparentes, l’incompréhension est totale. Autant de tentatives de coup d’État, s’ils sont réels, ne peuvent provenir que de larges courants de contestation populaire. Bazoum Mohamed, tout comme Issoufou Mahamadou, n’a pas usurpé le pouvoir pour vivre dans la crainte permanente d’un coup d’État. Et selon les indicateurs fournis dans les bilans annuels d’Issoufou Mahamadou – en attendant le tout premier de Bazoum Mohamed – le Niger n’a jamais été aussi bien gouverné et ses ressources mieux gérées. D’ailleurs, l’ancien président a engrangé tellement de médailles, de décorations et de prix qu’il ne plus où en mettre.

Dans la sagesse populaire nigérienne, teintée de fatalisme religieux, le destin est implacable. Musulmans dans leur majorité, les Nigériens croient en la force du destin, formé par la volonté divine. Les dirigeants nigériens seraientils des adeptes d’un autre courant de pensée ? Lorsqu’on regarde dans le rétroviseur, à l’exception des tentatives de coup d’État du régime actuel, tous les autres sont suffisamment documentés pour les contester. En 1976 et en 1983, notamment, les faits étaient suffisamment illustratifs pour croire à une mise en scène. Avec Issoufou- Bazoum, c’est toujours le même scénario. Un beau matin, des gens sont arrêtés, accusés de conspiration, placés sous mandat de dépôt et jugés, dans le meilleur des cas, le plus tard possible. Selon des informations recueillies auprès de sources judiciaires crédibles, les juges en charge des dossiers portant sur la sûreté de l’État sont toujours dans des postures délicates. Chacun prie pour qu’on ne lui confie pas de tels dossiers. Le problème, c’est que les contenus des dossiers laissent à désirer.

En attendant d’être objectivement fixés sur la réalité de ces tentatives de coups d’Etat, les Nigériens, dans la plupart des cas, croient en des mises en scène politico-politiciennes visant à se débarrasser de personnes préalablement ciblées par le régime sur la base de simples propos. Presque personne ne croit vraiment en la crédibilité de ces affaires. Où, donc, se situe le problème ?

À moins que le régime soit en train, comme le croient de nombreux Nigériens, d’inventer ces histoires pour «isoler « toutes les personnes qui gênent par leurs opinions et/ou leurs positions visà- vis de la gouvernance actuelle du Niger, il est surprenant que les performances flatteuses du régime ne soient pas reconnues et saluées. De l’ingratitude de la part des Nigériens qui ne comprennent pas la chance qu’ils ont eu d’avoir des gouvernants aussi vertueux et aussi dévoués au bien public ? Si ce n’est pas la phobie du complot qui le fait agir comme dans les régimes totalitaires, celui de Niamey ne peut justifier cette récurrence de tentatives de coups d’État que par une extrême impopularité et des victoires électorales sans fondement démocratique.

Laboukoye