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Lettre posthume au combattant suprême MIKO ISSA, Docteur d’Etat, Historien, Spécialiste de l’ARÉWA (1er janvier 1945 - 06 août 2020)

06 août 2020 - 06 août 2023, trois ans déjà que tu nous as quittés sur la pointe des pieds sans te retourner. En te rendant encore une fois cet hommage à la troisième année de « ton départ », j’ai en mémoire ce 10 novembre 2020 historique du prononcé du délibéré de la Cour de justice de la CEDEAO relatif au contentieux de la chefferie du Canton de Tibiri par Arrêt ECW/CCJ/JUD/26/20 pour lequel tu avais mis toute ton énergie de ton vivant.

La Cour communautaire avait en effet dit ce jour «qu’il y’a eu violation de leur droit à la non-discrimination et avait donc «Ordonné à la République du Niger de prendre les dispositions pour faire cesser la violation des droits de l’homme en rétablissant le droit du lignage Sarkin Aréwa à la succession de la chefferie du Canton de Tibiri ;»
Cette victoire administrative et judiciaire inédite t’appartient plus que tout autre, puisque ce n’était un secret pour personne, et je l’avais dit tantôt, tu étais notre combattant suprême. Un combattant de notre cause Aréwa, littéralement « espace de ARI », Akazama ARI, bien sûr, ton ancêtre lointain, fondateur de cet espace appelé Aréwa. Celui qui t’aura légué le nom BA’ARI, retranscrit BA’ARE par l’état civil du colon, signifiant en réalité les gens de ARI, afin de faire la différence avec tes autres cousins maternels avec lesquels ils partagent cet espace de l’Aréwa. Ta passion du célèbre Royaume du Rounkoundoum, qui en se scindant en deux (2) entités, a donné naissance au Takatsaba, correspondant au canton actuel de Guéchémé et au Royaume du Katarma, qui correspond, au centimètre près, à l’actuel Canton de Tibiri, j’en témoigne, était sans limites.

L’Histoire du peuple Arewa, la vraie Histoire, que tu as pu reconstituer à l’aide de décennies de recherches archivistiques menées de Niamey à Dakar (l’ancienne capitale de l’AOF) en passant par Kebbi et tous nos villages historiques que Birnin Falla, Douméga, Sakari-Kiada, Nassaraoua et Zoumbou aura été déterminante pour le rétablissement de nos droits légitimes successoraux mérite d’être contée aux générations pour lesquelles tu as pu consentir ces énormes sacrifices :

Notre illustre ancêtre, Akazama ARI, un prince du Bornou fut le fondateur vers 1600 de la chefferie originelle Sarkin-Aréwa qui, suite à des dissensions entre les descendants connut des démembrements qui avaient abouti à la création de six (6) entités souveraines : Aréwa-Nord (Matankari/Dogondoutchi) ; Katarma ; Takatsaba ;
 
Lido ; Kara-Kara et Zabori existant à l’arrivée en 1899/1900 des puissances coloniales anglaise et française.

C’est ainsi que la chefferie Sarkin-Aréwa du Katarma fut fondée vers 1784 par Toukouyou Maïyaki Maïdoka Moussa et son frère Na Allah Maïyaki Maïdoka Moussa qui, à la date d’arrivée des puissances coloniales Anglaise et Française, avait connu dix (10) souverains, répartis dans les cinq (5) principales cités ou agglomérations : Birni N’Falah; Nassaraoua ; Zoumbou, Douméga et Sakari/ Kiada.

Les descendants de Samna Karhé Tounkara nos cousins remontent l’origine de notre canton à la fondation par ce dernier d’une principauté indépendante (imaginaire) de Tibiri en 1849 avec l’aide de Sarkin Kabi Yacoubou Nabami d’Argoungou (1848-1854). En réalité, la création et l’évolution du canton de Tibiri, des actes du pouvoir colonial, sont une autre histoire succinctement rappelées, ci-après.

Le pouvoir colonial de l’époque organisa la partie Ouest du Katarma que lui rétrocéda l’Angleterre en 1907, en l’érigeant en un unique canton de Douméga par arrêté n°1277 du 31/12/1907 du gouverneur général de l’AOF Dakar. Ensuite, par trois (3) restructurations successives opérées en 1912, 1918 et 1935, le pouvoir colonial transforma le canton originel de Douméga, en actuel canton de Tibiri, avec transfert de son chef-lieu de Douméga à Tibiri en 1935 et substitution de la chefferie authentique Sarkin Arewa du Katarma. Le dernier Sarkin Aréwa, Chef de canton Maiyaki Ba’aré Kaka, grand-père de l’ex président Ibrahim Mainassara Baré, régna de 1912 à 1935 avec Douméga comme capitale.

Le village de Tibiri a été fondé vers 1800 par des Rouafawas qui l’avaient dirigé jusqu’en 1993. Samna Karfé était né entre 1818 et 1819, soit 18 à 19 ans après la création dudit village. Le village de Tibiri fut fondé par les Rouafawas venant de Birnin Fallah et des Gobirawas provenant de Tibiri Maradi (à l’origine du nom du village) à l’époque avec l’accord de Sarkin Aréwa de Nassarawa (1820-1854).

Le canton de Nassarawa a été créé en même temps que ceux de Tibiri et de Douméga nouveau par le même arrêté N° 1806 du 29/10/1912 du gouverneur de l’A.O.F. Mais ledit canton de Nassaraoua a été supprimé et rattaché au canton de Tibiri par décision N°27/02/1918 du Gouverneur du Niger à Zinder.

En 1935, l’unification des trois (3) cantons a donné naissance au canton de Tibiri (avec son ressort actuel).

C’est pourquoi la conclusion de la Cour de la CEDEAO était sans appel : «le rattachement administratif des cantons de Douméga et de Nassarawa à celui de Tibiri, (1912, 1918 et 1935), laisse intacts les droits successoraux des princes du Lignage Sarki Aréwa qui leur viennent de l’Histoire….En effet, le canton de Tibiri est indivisible et les princes Sarakounan Aréwa et l’autre lignage jouissent d’un même statut de prince héritier»…. Les droits de succession du lignage Sarki Arewa leur viennent de l’histoire. En effet, le canton de Tibiri est indivisible et que ses princes Sarkin Arawa et Goubés jouissent d’un même statut de la chefferie traditionnelle ».

La leçon à retenir de cette Histoire du Katarma, est qu’il n’y a jamais eu la création d’un principauté de Tibiri qui n’est que le fruit d’une imagination et le premier canton de Tibiri a été créé ex nihilo par le colon pour assouvir ses desseins de domination des citoyens qu’il a trouvé en 1906 quand la partie Ouest du royaume du Katarma lui fut rétrocédée par son homologue anglais qu’il désignait par indigènes.
Cette réorganisation était faite dans l’intérêt de l’administration coloniale, c’est pourquoi Marc Henri Piault1, a écrit : « Sans doute est-ce à Tibiri que le modèle français s’appliquait le mieux et sans que puissent encore se déceler les rivalités qui entrainèrent les administrateurs français à supprimer peu à peu les différentes chefferies rivales de l’Ancien Takarma, au profit d’un vaste canton de Tibiri ».
Pour toutes ces oeuvres, je puis t’assurer qu’avec ma soeur Baraka, ta veuve dévouée, tes enfants nous continuons à gaver ton âme des seules nourritures dont elle a désormais besoin pour ton repos éternel : nos prières.

Repose en paix au Firdhaous, Docteur Miko Issa.

A Niamey, le 06 août 2023

Ton petit frère Djibrilla Baré Mainassara –comme toi, Petit-fils et arrière petit- fils de Sarkin-Aréwa Maiyaki Ba’aré Kaka (1919-1954) et de Maiyaki Kaka Daoura (1876-1910), respectivement 12ème et 10ème Souverains du Katarma précolonial (actuel Canton de Tibiri)