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Lettre au Président de la République Mohamed Bazoum : Monsieur le Président, on ne ruse pas avec son peuple

En fin de compte, c’est le général Salifou Modi qui a payé les pots cassés de cette politique de défense et de sécurité dictée par le terrain, la logique du conflit et la volonté de gagner la guerre contre le terrorisme. Un terrorisme qui, vous le savez mieux que moi, a germé sur le terreau préparé, fertilisé et arrosé par des pays qui se disent amis du Niger mais qui ont un tout autre agenda. Est-il si difficile de voir la main de la France dans ce sort ingrat réservé au général Modi ? Un ami, très perspicace et informé, m’a fait remarquer dès le lendemain de la visite du chef d’Etat-major général des armées françaises que les carottes sont cuites pour le général Salifou Modi. Il m’a clairement expliqué qu’après ce contact avec le colonel Hassimi Goïta, la France ne peut souffrir de le voir à la tête des armées du Niger, un pays dans lequel elle peut tout se permettre, y compris en tuant froidement sans avoir de compte à rendre. Il m’a dit que le général Thierry Burkhard allait exiger et obtenir la tête du général Modi. Dès le lendemain de la visite de ce dernier à Bamako, suivie de l’arrivée de cette délégation militaire française, le 11 mars, mon ami m’a fait observer que le chef d’Etatmajor ne survivrait pas à cette entrevue que vous avez eue avec vos amis français. Il m’a expliqué que vous allez bientôt vous débarrasser de lui et même lorsque vous lui avez conféré le grade de général de corps d’armée, il n’a pas varié dans son verdict, m’indiquant avec un brin de sarcasme qu’il s’agit là d’un cadeau d’adieu. C’est fait depuis le 31 mars 2023 où, sans trembler, vous avez signé le décret qui le remplace par le général Sidikou Issa. Je vous plains sincèrement et vous accuse personnellement d’avoir prêté le flanc aux desideratas d’une nébuleuse qui méprise royalement le Niger et ses intérêts. Le général Modi, tout le monde le sait, n’a pas pris l’avion de son propre chef pour aller chez Assimi Goïta. C’est un soldat et comme tel, il est tout entier dévoué à l’obéissance et à la discipline, la force principale des armées. Il a exécuté un ordre. Votre devoir de chef suprême des armées était de le protéger, pas de le livrer à la vindicte d’une nébuleuse qui obéit manifestement selon une logique qui n’a rien à voir avec les intérêts du Niger et de son peuple.

Si c’est vraiment la France qui vous a tordu le bras pour faire partir le général Modi, vous assumez là une grave responsabilité qui n’honore pas le président de la République que vous êtes. Pour deux raisons essentielles : premièrement, sauf à vouloir le signifier, vous n’avez pas été placé à la tête du Niger par la France pour obéir aux autorités françaises comme le ferait le préfet de Corse ou de Gironde. Deuxièmement, si c’est le cas, vous ne rendez pas service à votre peuple qui, vous le savez parfaitement, sent le France comme le loup dans la bergerie ; un peuple que vous avez juré, la main sur le Saint Coran, de servir loyalement.

Monsieur le “Président”

J’ai l’impression que le ciel nous tombe sur la tête. Connaissez-vous un certain Bahardine Maydoune Arafe ? Eh bien, ce serait un chef de milice libyen , un arabe Ouled_Souleyman qui serait recherché par le général Aftar (un des belligérants libyens) et qui aurait trouvé refuge dans le Sahara nigérien grâce à la bienveillance d’agents de renseignements et d’officiers de la Garde nationale. Ce serait lui, l’auteur, de l’attaque contre un convoi militaire entre Arlit et Tiberketen. Il serait également l’auteur de l’attaque d’un autre convoi militaire, il y a un an, au bout duquel 120 kilos d’or ont miraculeusement disparu.

Sur cette deuxième attaque, le sieur Bahardine Maydoune Arafe aurait bénéficié de la complicité de hauts gradés de la Garde nationale. Sans donner du crédit à cela, je sais toutefois que ce n’est pas la première fois que des gardes nationaux ont été cités dans un trafic… de drogue notamment. Je suis moi-même perplexe. Sauf votre respect, je crois que vous êtes, face à la pourriture actuelle, dans l’obligation de lever le doute dans l’esprit de vos compatriotes et de les rassurer sur le fait que tous ces individus aux mains tachées du sang des Nigériens n’ont pas d’atomes crochus avec les autorités nigériennes. L’exercice ne sera pas aisé pour vous d’autant plus que vous avez, vous-même, déclaré publiquement avoir fait libérer des terroristes pour favoriser la “paix”. Mais, essayez toujours, ça vaut mieux que ce silence pesant dans lequel vous vous êtes enfermé alors que soupçons graves et accusations s’enchaînent.

Monsieur le “Président”

Hier, je suis malencontreusement tombé sur une déclaration d’un groupe de partis politiques de l’opposition qui ne font pas dans la dentelle pour vous acculer par rapport à la situation, désastreuse, je le reconnais, dans laquelle le Niger s’enfonce de plus en plus. Dénommé « Front de l’opposition politique Mouvement démocratique pour les actions démocratiques des insoumis du Niger et de l’Afrique (MADINA-AFRICA), ces Nigériens revendiquent, entre autres, (1) la tenue d’un forum national inclusif pour tracer les perspectives devant mettre fin à l’insécurité au Niger ; (2) le départ sans condition de toutes les forces étrangères présentes au Niger ; (3) l’ouverture de sincères négociations avec les centrales syndicales et solutionner particulièrement les problèmes de l’école nigérienne, surtout en mettant fin à la contractualisation ; (4) la révocation du DG de la CARENI et la mise en place d’un système diligent de paiement immédiat des pensions avant toute réforme ; (5) la libération immédiate de tous les leaders politiques et d’opinion. Notre pays, il faut l’admettre, traverse des heures sombres. Vous avez fait tant de discours que vous vous êtes emmêlé les pinceaux et vous voilà désormais dos au mur par rapport à la lutte contre l’insécurité et la corruption que vous disiez être vos deux chevaux de bataille. Vos partisans ont fait trop de bruits, mais je suis au regret de vous dire que derrière ce boucan insipide, il y a un échec cuisant dont vous êtes certainement conscient. Les faits, a dit le sage, rattrapent toujours la langue et vous avez sans doute compris qu’on ne ruse pas avec son peuple. Lisez l’histoire secrète de la guerre du Golfe, vous en serez édifié.

Mallami Boucar