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Lettre au président de la République (BM) :Monsieur le Président, Si vous voulez faire la lutte contre la corruption et que vous voulez, en toute occasion qui vous est offerte, rendre hommage à l’autre alors que vous savez ce que je sais, il y a manifeste

Cette fois-ci, je crois qu’il n’y a plus de possibilité à faire prévaloir le doute, c’est bien l’armée française qui a tiré à balles réelles sur les populations nigériennes, à Téra. La vérité vient d’abord de Paris, la capitale française d’où le journal Libération a titré que « les cartouches récoltées après la tuerie de Téra (mort de 3 Nigériens) sont de calibre OTAN » et n’appartiennent donc pas aux gendarmes nigériens ». Un autre a bien écrit, à la Une : « À Téra, l’armée française ouvre le feu ». Dès lors, je ne comprends plus pourquoi vous avez sanctionné le ministre Alkache Alhada, ministre de l’Intérieur en poste au moment des faits et le commandant de la Gendarmerie nationale, le général Salifou Wakasso, dont les éléments, une quarantaine, ont escorté le convoi militaire français. Je me demande, en fin de compte, ce que vous avez cherché dans ces limogeages qui ne se justifient que par une volonté tenace à défendre une certaine France immaculée qui n’aurait d’autre objectif que de nous aider dans la lutte contre la corruption. Auriez-vous sanctionné injustement Alkache Alhada et Salifou Wakasso ? L’auriez-vous fait pour satisfaire la thèse française selon laquelle ce ne sont pas les soldats français qui ont tiré sur les populations nigériennes ? L’auriez-vous fait pour faciliter aux autorités françaises la défense de la thèse selon laquelle ce sont les gendarmes nigériens qui ont tiré à balles réelles sur leurs concitoyens ? Bref, je suis sidéré que les Français eux-mêmes doigtent les militaires français mais qu’au Niger vous sanctionniez un ministre et un général de Gendarmerie au lendemain des faits incriminés.

Monsieur le Président,

Cette façon de faire vous semble-t-elle être un acte patriote ? J’en doute personnellement. Du côté du Burkina Faso, les choses se passent à l’inverse de ce qui se passe chez nous. J’ai appris que le jeune enfant – il a 14 ans et s’appelle Aliou Sawadogo – qui a descendu un drone de surveillance français a eu tous les honneurs dans son pays. Il a été célébré comme un héros national et selon des informations qui sont devenues virales sur les réseaux sociaux, l’Etat burkinabè lui a offert le cadeau de ses rêves en l’incorporant dans une école militaire. Au Niger, vous avez plutôt sanctionné le ministre de l’Intérieur pour avoir fait publié un communiqué indiquant que c’est l’armée française qui a tiré à balles réelles sur les populations ainsi que le Haut commandant de la Gendarmerie nationale qui a escorté l’armée française en territoire nigérien. Ce n’est pas beau du tout.

Malgré tous ces actes anachroniques, je maintiens que, entre l’autre et vous, le fossé est immense. C’est, je dirais, la nuit et le jour. Je ne partage pas votre volonté et vos actes tendant à satisfaire les lubies des autorités françaises. Je les condamne d’ailleurs avec la plus grande fermeté, mais j’ai tout de même essayé d’en comprendre les tenants et les aboutissants, comme dirait l’autre. C’est vrai que vous êtes pratiquement pris entre le marteau et l’enclume, ne sachant finalement quoi faire face à des choix qui s’excluent catégoriquement. Vous ne pouvez pas vouloir servir le Niger et la France en même temps. Et vous ne pouvez pas non plus vouloir du rassemblement de vos concitoyens tout en pratiquant la continuité, cette hideuse continuité dont vous connaissez, mieux que moi, les conséquences sur ce pays, son unité, sa cohésion, la démocratie, etc.

La continuité, vous savez sans doute mieux que moi les conséquences désastreuses pour le Niger pour avoir inspiré, dès vos 100 premiers jours au pouvoir, l’idée de « Rassembler pour avancer » au lieu de l’anachronique « Consolider pour avancer ». en homme averti, vous avez compris qu’il n’y a, pour le Niger, aucune avancée possible dans la consolidation de ce que notre pays a subi sous le joug de l’autre. Vous avez su désamorcer la bombe en décrispant quelque peu le climat social et politique avec un style qui n’a rien à voir avec les méthodes de l’autre. Cependant, je dois vous faire remarquer votre plaidoyer pour la France et celui qui a passé son temps à servir les intérêts français a noirci votre tableau. Est-ce votre choix que vous affichez ainsi ? Le peuple nigérien, vous devez le savoir, n’a plus confiance en son partenaire français et il a d’excellentes raisons de se méfier de cet ami qui veut être à la fois ami à notre pays et ami des maîtres de Kidal, la localité qui, selon les propres confessions de l’autre, abrite tous les trafiquants et terroristes du Sahel. Or, Kidal est sous la protection de l’armée française. Peut-on être à la fois ami au Niger et ami aux terroristes qui endeuillent le Niger ?

Monsieur le Président,

Quel est l’intérêt de la présence des forces militaires étrangères sur le sol nigérien ? J’ai remarqué que des cohortes entières d’hommes armés dits terroristes traversent les frontières nigériennes, en centaines, sur des motos et des véhicules, tuent, incendient et emportent des dizaines de têtes de bétail parfois. Sou l’œil impuissant de populations doublement meurtries. À Téra, en moins de temps qu’il ne faut, l’armée française a rapidement fait décoller un avion pour aller asperger les populations de gaz lacrymogène. À quoi nous servent véritablement ces bases militaires étrangères ?

En attendant que vous songiez à vous décider à les bouter dehors pour travailler avec les pays qui acceptent un partenariat gagnant-gagnant, je voudrais vous présenter mes encouragements personnels à persévérer dans la voie dans laquelle le président du MPR Jamhuriya, Albadé Abouba, vous appelle avec insistance. Je sais que vous appréhendez le sujet avec beaucoup d’appréhensions et à présent que votre alibi est tombé, Albadé Abouba, qui le fait certainement de tout cœur pour son pays, ne va pas lever le pied de l’accélérateur. Au contraire, il va continuer de plus belle son combat, somme toute, noble et bénéfique pour le Niger. Vous êtes, donc, au pied du mur et comme on dit, c’est à l’œuvre que l’on reconnaît les bons artisans.

Pour ma part, je voudrais vous dire que vous n’avez pas mieux à faire que cela, l’acte étant de nature à compenser votre récente sortie médiatique sur la présence militaire française au Niger. Mieux, il vous permettra d’engranger un gain politique incommensurable, car le Niger, pour l’Histoire, vous en saura gré.

Monsieur le Président,

Ne gâchez pas ses belles tendances que vous avez dessinées et qui ont suscité l’espoir de tout un peuple. La lutte contre la corruption et le terrorisme sont assurément deux axes de travail qui sont de nature à vous valoir la reconnaissance éternelle du peuple nigérien. Mais, à condition que vous vous y mettiez sérieusement. Si vous voulez faire la lutte contre la corruption et que vous voulez, en toute occasion qui vous est offerte, rendre hommage à l’autre alors que vous savez ce que je sais, il y a manifestement problème. Personne, pas même le plus imbécile de nos compatriotes, ne vous comprendrait. Sachez séparer le bon grain de l’ivraie et dites-vous bien que parler trop sans agir détruit un chef d’Etat.

Mallami Boucar