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Lettre au président de la République (BM) : Monsieur le Président, J’ai eu tort de penser que vous avez à coeur de faire mentir les pronostics,….

J’ai eu tort de penser que vous avez à coeur de faire mentir les pronostics, tant défavorables pour vous, et que les générations montantes et futures apprendraient, de votre expérience, que l’attachement à un pays ne se mesure pas uniquement à l’aune d’actes d’état-civil.

J’ai vraisemblablement eu tort d’avoir misé sur vous, vos desseins et vos capacités à rebondir, un jour, comme un président de la République jouissant et appliquant, selon son libre arbitre, les pleins pouvoirs qui lui sont conférés.

J’ai eu tort d’avoir cru que vous voulez instaurer une nouvelle gouvernance selon des paradigmes totalement contraires à ceux que l’autre a fait prévaloir afin d’inverser la tendance des pratiques suicidaires et criminelles qui, depuis une décennie entière, ont été érigées en mode de gouvernance.

J’ai certainement eu tort d’avoir pensé que vous avez réellement la volonté de vous attaquer à la corruption, comme vous l’avez si bien expliqué et soutenu lors de votre discours d’investiture, le 2 avril 2021 et que vous allez effectivement débarrasser le Niger de cette pègre qui s’est si bien illustrée dans l’affaire du ministère de la Défense nationale, entre autres.

J’ai eu tort d’avoir imaginé que vous seriez capable de vous émanciper de l’autre, avec tout ce que cela suppose comme espoir pour un tout peuple, dépouillé de ses richesses, de ses ressources, mais également de ses libertés et de sa souveraineté.

J’ai eu tort de croire en votre volonté de donner une chance à ce pays, tant meurtri par des pratiques malsaines dont vous appréhendez mieux que quiconque les conséquences sur le présent et l’avenir de ce pays.

J’ai enfin eu tort de penser que vous avez à coeur de faire mentir les pronostics, tant défavorables pour vous, et que les générations montantes et futures apprendraient, de votre expérience, que l’attachement à un pays ne se mesure pas uniquement à l’aune d’actes d’état-civil.

Monsieur le “Président”

J’ai eu tort sur toute la ligne. Je voulais tant servir, aveuglé par mon désir immense d’apporter, comme on dit, ma petite pierre à l’édifice. J’ai tant mal de savoir que mon pays, en général, n’est évoqué que pour rappeler que nous sommes derniers ; les derniers dans le classement de l’IDH (Indice de développement humain) du Programme des Nations Unies pour le développement (Pnud), précisément dans des domaine où vous (vous, du Pnds Tarayya) vous étiez proclamés champions sans égal et au cours d’une décennie où les ressources, financières notamment, ont été immenses.

J’ai écouté votre ministre des Affaires étrangères qualifier le patriotisme des autorités militaires de la Transition malienne de frelaté, j’ai bien eu envie de pleurer de dépit pour mon pays, englué dans les turpitudes d’une gouvernance au service d’intérêts qui sont loin d’être les nôtres. Ah, que c’est si vrai, l’adage de chez nous qui dit que l’on ne sent jamais l’odeur nauséabonde de ses aisselles. Entendre Hassoumi Massoudou parler de patriotisme frelaté à propos d’hommes qui se battent pour arracher l’intégrité et la souveraineté de leur pays provoque pratiquement un infarctus pour ceux qui savent comment le Niger est gouverné depuis une décennie.

Monsieur le “Président”

Vous conviendrez sans doute avec moi que le patriotisme frelaté, c’est plus chez ceux qui composent avec l’étranger pour gruger leurs peuples que chez ceux qui sont résolus à défendre la souveraineté de leur pays. Oubliez tout esprit partisan et méditez profondément ce propos que j’emprunte volontiers à un certain Bonkano, plein de discernement. Voici ce qu’il a dit :

Le patriotisme frelaté ? Nous, on connaît, au Niger. Laissez les Maliens tranquilles. Eux, au moins, ils osent, se battent, pour restaurer l’intégrité de leur territoire et la souveraineté nationale. C’est toujours comme ça, ce sont ceux qui sont les plus “sales” qui sont promptes à pointer les autres du doigt. Faisons un peu la leçon à Hassoumi Massoudou et à ses camarades.

Le patriotisme frelaté, c’est d’avoir créé un compte bancaire à BNP Paribas au nom de la Sopamin et d’avoir fait virer, à partir dudit compte, 200 milliards de francs CFA dans un compte logé à Dubaï, au profit d’une société appartenant, entre autres, à un escroc international. Le patriotisme frelaté, c’est d’avoir acheté pour le compte du président de la République du Niger (par vos soins) un avion d’occasion qui a près de 16 ans de vols commerciaux — Imaginez le nombre de vols — à un prix plus élevé que celui du neuf, à crédit en sus alors que, outre les multiples inscriptions budgétaires, vous avez également pris d’Areva (un cadeau) …d’euros pour le même motif.

Le patriotisme frelaté, c’est d’avoir accepté ce cadeau, pas d’un Etat, mais d’une société privée afin de doter la présidence nigérienne d’un nouvel avion alors qu’il s’agit là d’une charge de souveraineté nationale et que le geste d’Areva, actuelle Orano, peut être parfaitement assimilé à de la corruption.

Le patriotisme frelaté, c’est d’avoir ces comportements belliqueux visà- vis du Mali, pays frère et voisin du Niger avec lequel nous partageons bien plus qu’une frontière, au nom de normes et de valeurs que vous ne portez pas et dont vous êtes très éloignés.

Le patriotisme frelaté, c’est cette attitude singulière que vous avez visà- vis du Mali et de ses autorités, une attitude de fermeté, voire d’agressivité et de violences verbales dignes d’une haine viscérale que rien d’autre ne justifie en dehors de la volonté de servir la France et ses intérêts.

Le patriotisme frelaté, c’est que vous partiez à Paris, pour vous en donner à coeur-joie pour mitrailler Assimi Goïta et tous les patriotes maliens sur fond de contrevérités et de désinformation médiatique sur la réalité qui prévaut au Mali. Une réalité qui ne souffre d’une confusion possible et qui établit clairement l’emphase, la parfaite convergence de vues entre les militaires au pouvoir et les populations maliennes.

Le patriotisme frelaté, c’est d’avoir détruit en une décennie ce qui a été construit depuis Diiori, consolidé par Kountché et âprement défendu par les autres. À croire que vous avez marchandé la cession d’une partie de la souveraineté nationale à la France, quitte à celle-ci de l’opérationnaliser selon ses moyens, ses stratégies et son mode opératoire.

Le patriotisme frelaté, c’est d’avoir détourné, en contexte de guerre, des milliards destinés à équiper les forces armées nationales (Fan), occasionnant des centaines de morts civiles et militaires, sans compter les centaines d’écoles fermées, les milliers de citoyens nigériens qui ont déserté leurs terroirs naturels sous les massacres et exactions de terroristes sur lesquels, d’ailleurs, il y a plein d’interrogations.

Monsieur le “Président”

Notre pays, le Niger, est à la croisée des chemins et vous devez rapidement prendre une résolution. Vous devez vous déterminer face à des choix qui s’excluent. Je puis toutefois vous dire que c’est plutôt facile, à condition que le Niger soit votre unique préoccupation. Il s’agit de choisir entre deux Niger : le premier, que vous connaissez bien puisqu’il a cours depuis près de 11 ans et que vous en avez un vécu personnel et le second, que vos compatriotes appellent de tous leurs voeux et que vous avez promis dans votre discours d’investiture du 2 avril 2021. En un mot comme en mille, vous avez à choisir entre un Niger miné par les détournements massifs des deniers publics, la corruption, les trafics de drogue et d’armes, la rupture d’égalité des Nigériens devant la justice, les emprisonnements sur des bases politiques et/ou d’opinion, l’impunité, les compromissions graves contraires aux intérêts du Niger et de son peuple…, ou un Niger où prévaudront la justice, l’égalité des Nigériens devant la loi, une lutte implacable contre la corruption, le trafic d’armes et de drogue, les libertés publiques ainsi que l’intégrité du territoire et la souveraineté nationale. Le choix, comme je le soulignais tantôt, n’est pas si difficile si vous avez réellement la conviction qu’il faut se battre pour un autre Niger que celui que l’autre vous a légué. Que vous n’y soyez pas étranger ne peut constituer un frein si vous êtes animé par la volonté de servir le peuple nigérien, conformément à votre serment. Le Niger qu’il faut bannir est un Niger que vous connaissez si bien. Or, pour être en mesure d’abattre un monstre, il faut le connaître dans ses forces et ses faiblesses. Vous connaissez le monstre qu’il faut abattre et je ne vous apprendrais pas comment vous devez vous y prendre pour y arriver. Cependant, je voudrais tout de même vous rappeler cette belle interview que vous avez accordée à Sahel Dimanche et dans laquelle, ministre de l’Intérieur à l’époque, vous avez expliqué, de fond en comble, les routes du trafic de drogue, le mode opératoire des trafiquants de drogue qui, aviez-vous rappelé, financent le terrorisme au Sahel.

Je ne donnerai pas tant de détails sur ce Niger que vous connaissez mieux que moi. Vous avez, donc, l’arme fatale pour tuer le monstre. C’est à vous d’en décider. La responsabilité ne se partage pas et vous le savez. Depuis le 2 avril 2021, vous êtes président de la République du Niger.

Mallami Boucar