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Lettre au président de la République (BM) : Monsieur le Président, ce qui est dit est dit, la goutte d’eau qui tombe au sol est irrécupérable

Sauf votre respect, je crois n’avoir aucun besoin de vous dire que vous avez commis des bourdes monumentales puisque, ailleurs, là où il sied de vous le faire savoir, une voix autorisée par le pouvoir inédit qu’il incarne dans votre système vous l’a dit vertement. Selon ce que mes oreilles de maure ont pu capter, votre interlocuteur était en boule contre vous et vous aussi, vous n’avez guère apprécié ses “remontrances”. Il vous reprochait notamment d’avoir trop parlé au point d’avoir révélé des choses que vous devriez garder secrètes. Personnellement, je ne lui donne pas tort, même si, par ailleurs, je ne pouvais pas savoir ce qu’il y avait derrière le peu que vous avez mis sur la place publique. Assurément, lui, il le savait et c’était à juste titre s’il vous faisait le reproche d’avoir trop claqué la langue.

Ce n’était pas, vous le savez de toute évidence, la violation du principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs qu’il vous reprochait, mais l’étalage de certaines relations que Mahmoud Salah, que vous connaissez si bien, a qualifiées d’incestueuses. Sur toute la ligne, votre interlocuteur avait raison, même si la fierté de président de la République qui vous animait avait pris le dessus. Les réactions successives des ministres de votre gouvernement le prouvent amplement. D’abord, celle du ministre de l’Agriculture, porteparole de votre gouvernement, qui avait tenté d’expliquer que ce n’était pas vous qui avait décidé de la libération des terroristes, mais bien le juge. Un exercice périlleux pour Abdoulkadri Tidjani et certainement inutile puisque ce que vous aviez dit lors de la conférence des cadres du 25 février 2022 était clair et vérifiable. Ensuite, celle du sieur Salissou Mahamadou Habi, un conseiller spécial auprès de vous, dit-il, qui s’est embrouillé dans un argumentaire dont il doit être, lui-même, en train de rire. Tous deux, j’imagine, comme d’autres qui sont dans les starting-blocks, ont essayé de vous tirer d’affaire, de corriger la bourde constatée. Seulement, la goutte d’eau qui tombe au sol est irrécupérable.

Monsieur le “Président”

Ce qui est dit est dit, n’en rajoutez pas en permettant à des pseudo-conseillers de prétendre récupérer la goutte d’eau tombée au sol. Vous avez tenu des propos extrêmement graves pour un président de la République. Contrairement à ceux qui ont quelque intérêt à vous trouver des excuses, voire, des mérites dans cet exercice qui s’est révélé contre-productif, je puis vous dire que libérer des terroristes qui ont massacré des Nigériens, civils et militaires, pillé, incendié et emporté du bétail, ou même les faire libérer par le juge, est un acte qui viole la constitution que vous avez juré, la main sur le Saint Coran, comme vous l’avez rappelé, de respecter et de faire respecter. Que vous ayez décidé de les libérer parce que vous pensez avoir les pouvoirs de le faire ou que vous ayez intercédé dans ce sens, le résultat est le même. Pire, il s’agit de terroristes, pas de rebelles. La nuance est de rigueur. Ce sont, donc, des individus qui sèment la mort et la désolation et la plupart, pour vous prendre au mot, ne sont même pas Nigériens, ils viennent d’ailleurs pour s’attaquer à notre pays, le déstabiliser, troubler la quiétude sociale, massacrer ses populations, incendier leurs greniers, emporter leurs troupeaux, etc. Vous avez dit les avoir libérés et reçus immédiatement à la présidence de la République, après leur avoir parlé le langage qu’ils comprennent. De quel langage s’agit-il ? Qui vous a initié à ce langage que comprennent les terroristes pour que vous ayez pu vous faire comprendre au point d’obtenir une accalmie dans la zone nord de Tillabéry ? En parlant d’ailleurs d’accalmie, je dois vous faire observer que pas plus tard le 20 février 2022, quelques 18 compatriotes ayant quitté Taroum à destination de Tizegorou, ont été massacrés et le camion qui les transportait, incendié.

Monsieur le “Président”

J’ai tant de questions à vous poser. Ces questions, bien évidemment, n’émanent pas de moi, mais de compatriotes qui ont pensé que mon rôle de conseiller peut leur permettre de faire parvenir leurs interrogations jusqu’à vous. Alors, je m’incline humblement devant cette mission, avec la fierté de rendre service à mon pays en servant de courroie de transmission entre le peuple et le chef de l’Etat que vous êtes. Entre autres questions, vos compatriotes se demandent par qui et pour quel intérêt vous êtes entré en contact avec les chefs terroristes que vous évoquez ? Le plus grave n’est pas d’avoir libéré ou fait libérer des terroristes, soit-il au nom de la paix. Quelle paix pouvez-vous construire avec des terroristes ? Un terroriste, c’est un homme sans foi, ni loi. Qui sont ces émissaires que vous dites avoir dans toute la zone et dont l’intermédiation ne met guère le Niger à l’abri d’attaques terroristes ? Ah, ces questions, je le sais, n’auront pas de réponses, tant vous avez eu le temps de vous entendre parler et d’évaluer la gravité des propos tenus.

Monsieur le “Président”

Permettez-moi, néanmoins, de vous demander comment vous définirez un président d’une République démocratique qui ne se gêne pas de libérer ou de faire libérer des terroristes mais qui garde en prison des hommes politiques et des acteurs de la société civile ? Moi, je suis dépassé, mais je mets vos propos sur le compte de la langue qui a devancé l’esprit, sans intention quelconque de lâcher ce qui est sorti. Ce sont des aveux graves et je crois que, après de tels propos, personne ne soutiendra qu’il n’y a pas de prisonniers politiques au Niger. Ces prisonniers politiques, généralement incarcérés pour des opinions politiques ou des déclarations jugées attentatoires à la sécurité de l’Etat, ont manifestement, dans votre logique, moins de mérite que les terroristes. Les considérez-vous comme pires que les terroristes pour les maintenir en prison alors que vous avez oeuvré à élargir ces derniers ? C’est un traitement de faveur que vous avez accordé à des terroristes et pour le moment, vos compatriotes doutent profondément de la motivation que vous avez avancée. Le militantisme pour la paix autorise-t-il ce que vous avez fait ? Sous quelles conditions vous avez libéré ou fait libérer ces terroristes ? Le Niger, malheureusement, continue de compter ses morts et je me demande bien, en fin de compte, si vos émissaires, si nombreux dans la zone, ditesvous, servent à quelque chose pour notre peuple. En attendant que vous les chargiez de rappeler aux terroristes libérés leurs engagements, moi, je vais prier pour le Niger et son peuple.

Mallami Boucar