Skip to main content

Les organes de transition au Niger (Suite) : Par Me Yahouza AMANI, Avocat à la Cour

La déclaration finale de la première édition de Lomé Peace and Security  Forum sur les transitions politiques, dans les pays en crise en Afrique de l’Ouest et la gouvernance en Afrique  et le communiqué final de la réunion du Conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine sur la situation de notre pays, publiés respectivement les  22 et 23 octobre 2023 renforcent la volonté populaire et politique du peuple nigérien et de ses dirigeants pour asseoir une transition politique de rupture.

C’est dans cette optique qu’il est important de continuer à dégager des pistes de réflexions sur les organes de la transition au Niger comme entamées dans la précédente publication parue sur le même site de Nigerdiaspora.

La phase de présélection par le comité de grands chefs doit aboutir à la sélection trois d’équipes composées chacune de quatre personnes candidates pour le présidium de la structure consultative à installer.

Le présidium peut être limité dans sa composition par un président, un secrétaire général et deux rapporteurs suivant le mécanisme électif ou consensuel basé sur le principe de la critique, de l’autocritique et de la synthèse par le corps des représentants de toutes les couches nationales.

  1. La sélection des membres du présidium par le corps des représentants

Il appartient aux équipes candidates de proposer chacune d’entre elles une note de breffage limitée à une quinzaine de pages. La synthèse générale des propositions issues des consultations locales ou des assises nationales déjà faites au préliminaire sera en autres la source de la note de breffage.

  • La synthèse des consultations locales

On sait que les nouvelles autorités avaient déjà posé les jalons de la phase préliminaire par l’organisation des consultations locales ou des assises nationales au niveau de chaque région du pays.

Les conclusions issues des différents travaux dans les huit régions du pays devraient être analysées, tamisées et faire l’objet d’une synthèse générale.

 Cette dernière doit en conséquence être validée collégialement par le secrétariat du CNSP et le gouvernement avec des enrichissements en tenant compte dans grandes orientations axées des réformes essentielles et indispensables. C’est cette synthèse générale sous forme de rapport pouvant être nommé d’avant-projet de nouveau pacte républicain qui servira à la réalisation de la note de breffage par chaque équipe candidate au présidium de la structure consultative à venir.

  • La Présentation des notes de breffage par chaque équipe candidate

La note de breffage à l’adresse du corps des représentants doit sur la base des besoins spécifiques du Niger faire des propositions des solutions dans les domaines (social, politique, culturel, économique, juridique, constitutionnel) avec des outils et des procédures appropriés.

Les propositions doivent être placées dans le contexte du point 32 de la déclaration finale de la première édition de Lomé Peace and Security Forum 2023[1] qui souligne leur importance dans les transitions politiques et de la gouvernance.

Il est à rappeler que les points 2 et suivants de la même déclaration trouvent les transitions politiques en Afrique comme des occasions de changements, de réformes audacieuses et de  transformations sociopolitiques profondes, plus inclusives et  participatives, d’où l’importance de leur prise en compte dans la note de breffage.

 C’est à cet effet que le corps des représentants va analyser, examiner et porter son choix sur la note de breffage présentée par l’équipe qualifiée tout au long du processus.

 Les impératifs de  renforcement des institutions et de traitement des causes profondes  de la crise tels souscrits dans la déclaration précitée doivent être des valeurs d’appréciation et de validation des différentes notes de breffage présentées par les équipes candidates au corps des représentants. Le processus du choix des membres pouvant constituer le présidium de la structure consultative à installer sera complété par soit un consensus du corps des représentants soit par un vote majoritaire. Après cette phase, vient celle de l’installation des membres du présidium et de la fixation de ses missions.

  • L’installation des membres du présidium et la fixation ses missions

L’installation des membres du présidium relève des services de protocole d’Etat mais il appartiendra au secrétariat du CNSP, au comité de neuf grands chefs et au gouvernement collégialement de fixer les missions du présidium à travers une synthèse globale de tout le processus les phases de la présélection et de la sélection.

  • L’installation des membres du présidium de la structure consultative

C’est un domaine qui ressort de la direction du protocole d’Etat en fonction des règles d’usage et diplomatiques. La question de la prestation du serment pour les membres du présidium doit être abordée différemment. En effet, le serment confessionnel entretenu par la classe politique semble inapproprié du fait non seulement qu’il constitue une personnalisation de l’exercice des pouvoirs par certains dirigeants mais aussi du fait de l’absence de sanction cohérente et de ses limites. L’admission du serment confessionnel justifiée par l’absence de confiance au sein de la classe politique nigérienne procède de ses faiblesses et de sa culture des conflits d’intérêts dans les rapports politiques. Une telle analyse a été menée dans une de mes publications antérieures. [2]

  • La fixation des missions du présidium

Diriger, orienter et synthétiser les débats, penser, identifier, proposer un modèle de société démocratique avec des structures fiables et des règles d’organisation et de fonctionnement des pouvoirs publics, poser les jalons de la constitution, du code électoral, des précis politiques, des réformes des systèmes administratif, comptable, financier et judiciaire,  revoir le cadre légal et réglementaire des forces de sécurité et de défense tant dans la formation, l’encadrement et les moyens humains et financiers, proposer un schéma évolutif d’exécution et indiquer les sources internes et externes de financement etc..,  peuvent être les missions à assigner au corps des représentants sous la direction du présidium suivant une participation active, inclusive, riche, diversifiée et patriotique.

Les points 2, 3, 4, 6 et 10 du communiqué adopté par le Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l'Union africaine (UA), à sa 1180e réunion tenue le 23 octobre 2023[3] sont des repères d’une contribution à l’échelle africaine pour la réussite des transitions politiques en Afrique.

Le choix de la durée de trois années pour le cas du Niger me semble raisonnable pour pouvoir poser les jalons solides des réformes politiques, institutionnelles, économiques dans la prise en compte des principes cardinaux d’une société démocratique adaptée et évolutive.

Il ne sert à rien de se lier par des injonctions externes ou communautaires pour la durée de la transition au détriment de l’indépendance du pays et de ses intérêts dans le concert des nations.

La souveraineté du Niger doit s’affirmer dans les relations internationales notamment par des règles constitutionnelles assez rigides dans toute éventualité de renouement des accords de coopération bilatérale avec la France ou régionale avec certains pays membres de la CEDEAO. 

Le financement des formations politiques doit être rediscuté et le corps des représentants doit réfléchir sur un mécanisme efficace de lutte contre toute ingérence externe dans la gestion des affaires relevant de la sphère de la souveraineté du Niger.

La présente analyse semble assez résumée et ce choix est délibéré et se justifie par l’ouverture d’esprit qui doit caractériser le processus décisionnel des nouvelles autorités dans la gouvernance de la transition politique de rupture au Niger.

Par Me Yahouza AMANI

Avocat à la Cour

 

[1] https://icilome.com/2023/10/declaration-finale-de-la-premiere-edition-de-lome-peace-and-security-forum/

[2] Le Serment confessionnel imposé aux Juges nigériens ou la négation des principes fondamentaux de la République, in Revue du Syndicat Autonome des Magistrats du Niger, Juin Juillet 2005, p.1

[3] https://www.peaceau.org/fr/article/communique-de-la-1180eme-reunion-du-cps-tenue-le-23-octobre-2023-et-consacree-a-la-situation-en-republique-du-niger