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Les organes de transition au Niger : Par Me Yahouza AMANI, Avocat à la Cour

 

 La pratique importée de bilan de 100 jours de gouvernance serait-elle une exception dans la situation du Niger depuis le 26 juillet 2023 ? Le gouvernement mis en place et ses premières manifestions d’actions permettent-ils d’apercevoir des prémisses d’un bateau sans risque d’échouer sur les quais de désillusions et de déceptions non méritées ? A-t-on réfléchi sur les critères de présélection et de sélection des futurs responsables des organes de transition ?

Les joutes constatées entre les acteurs de la société civile participent –elles de l’articulation de la vie démocratique sur son nouveau chantier ? La suspension formelle des activités des partis politiques se justifie-t-elle avec un état d’esprit de recul, de lucidité et d’indépendance ? Que nous faut-il pour rester dans la dynamique de Lomé Peace and Security Forum 2023 ?

C’est à ces questions et à bien d’autres que votre serviteur tentera d’apporter des réponses avec la clé désintéressée somme toute de distance. L’analyse sera développée en série d’articles successifs.

La température actuelle touche la mise en place d’une structure consultative prônée par le Chef de l’Etat afin de donner un contenu riche et diversifié à la transition politique au Niger depuis le 26 juillet 2023. A ce niveau, il est important de se pencher sur les critères de compétences  et d’aptitudes suivant les phases de présélection et de sélection de ses premiers responsables.

  1. De la phase de la présélection des premiers responsables de la structure consultative

De prime abord, il est naturel de lancer officiellement un appel à candidatures pour cette phase par le secrétariat du Conseil national pour la Sauvegarde de la Patrie mais dont le comité de présélection sera composé par neuf grands chefs autour de huit compétences et qualifications. Les services de la police et d’impôts seront chargés des vérifications préliminaires avec un droit de défense accordé à toutes les personnes candidates.

  1. De l’enquête de moralité et de patrimoine

Toute personne candidate doit faire l’objet d’une enquête de moralité renforcée par celle de son patrimoine.  A ce sujet, une attention sera accordée à la bonne conduite morale et sociale, au service militaire ou au service national civique et à la justification du patrimoine.

L’enquête de moralité et de patrimoine doit être indépendante et doit garantir un droit de défense à toute personne non retenue dans la phase de la présélection selon le mode du contradictoire et des preuves. Le service militaire ou civique national en tenant compte des exemptions légales doit être effectué correctement par toute personne candidate.

L’enquête sur le patrimoine de toute personne candidate doit être menée par les services compétents de la direction générale des impôts pour mieux apprécier la légalité des éléments constitutifs du patrimoine. Le respect des paiements d’impôts suivant les règles d’évaluation fiscale du patrimoine et des sources des revenus doit être vérifié en toute transparence. A ces deux préalables s’ajouteront la formation et l’expérience des personnes candidates.

   B La formation et l’expérience des personnes candidates

Un niveau supérieur de formation et une expérience professionnelle ou de corps d’au moins de vingt années seront complémentaires aux compétences et qualifications requises pour toute personne candidate à la phase de la présélection. La formation à jour sur des questions et enjeux liés de la participation patriotique à la construction collective avancée de l’Etat du Niger et de son peuple doit être une base d’évaluation.  L’expérience professionnelle ou de corps d’au moins vingt années permettra d’identifier les ressources humaines issues des générations de luttes syndicales et politiques des années 88/99 et d’avant. Les autres critères pourront être discutés et convenus par le secrétariat du CNSP et le comité de neuf grands chefs.

La phase de la présélection doit être sous la surveillance d’un comité composé de neuf grands chefs. 

  1. Le comité de neuf grands chefs

Le ballet des chefs religieux et coutumiers étrangers au lendemain de la prise des sanctions et mesures contre le Niger, son peuple et ses dirigeants par la Cedeao démontre l’absence d’une voix crédible et respectable à l’échelle nationale dans notre pays. Il est grand temps d’y remédier pour la réussite de la transition politique engagée. Le comité de neuf grands chefs doit émaner du socle religieux et coutumier dans un premier temps et dans le second du socle politique, juridique et diplomatique.

      II. Le socle religieux et coutumier

Il s’agira de faire place à deux hautes personnalités représentatives du poids islamique et chrétien du pays. Les diverses associations religieuses sont organisées et le mécanisme électif ou consensuel à leur sein permettra d’avoir les deux grands chefs. Les prières qui nous accompagnent sont une source inépuisable spirituelle et de résilience sur tous registres.

Il ressortira en outre du socle coutumier un grand chef selon  le mécanisme électif ou consensuel dont le représentant sera issu de la chefferie traditionnelle (des provinces[i], des sultanats, des cantons et groupements coutumiers.)  Le retour aux réalités traditionnelles positives justifie ce choix dont il convient d’apporter toute l’attention dans la gouvernance moderne. En réalité le statut d’auxiliaire de l’administration qui constitue le cadre d’action des chefs traditionnels doit être actualisé avec plus de renforcement de leurs pouvoirs dans la marche de la société au nouveau local, point de départ de toute décision ou initiative démocratique.

Il reste à aborder le socle politique, juridique et diplomatique.

      A. Le socle politique, juridique et diplomatique

La liste de neuf grands chefs sera complétée par le secrétaire du CNSP ;  le grand chancelier de l’Ordre national ;  un ancien Bâtonnier de l’Ordre des Avocats titulaire d’au moins d’un master II recherche ou professionnel en droit ou équivalent ayant fait preuve du respect des règles d’éthique et déontologiques de sa profession ; du représentant des anciens ambassadeurs titulaire d’un diplôme supérieur en relations internationales, sciences politiques, sciences de l’administration ou de droit public international ayant fait preuve de la diplomatie de rupture dans sa carrière ; d’une représentante des associations féminines ayant occupé des hautes responsabilités dans la promotion et l’émancipation des femmes nigériennes et un représentant de la chambre de commerce ayant fait preuve de saine et appréciable gestion des questions de commerce interne et externe.[1]

Il est à remarquer l’absence de représentation des hautes juridictions et du gouvernement dans la composition du comité de neuf grands chefs. Pour le premier cas, c’est à cause de l’esprit partisan dominant l’actif des hautes juridictions et l’exigence de la neutralité décisionnelle à leur adresse. Il est à rappeler que les deux élections présidentielles de 1993 et de 2021 ont été validées sans respect de la réalité des urnes.

La légitimité fondée sur des décisions partisanes a coupé court aux mandats présidentiels des deux périodes.  Un ancien haut magistrat[ii] de son vivant avait déclaré que la proclamation des résultats issus de l’élection présidentielle de 1993 a été faite sans égard à la réalité des urnes, préférant l’approbation d’une vision restrictive de l’ordre public au détriment du droit applicable. Pour l’élection de 2021, je m’étais penché à son temps sur les arrêts de la Cour constitutionnelle dans une autre publication en métaphore « L’avenir a besoin de la Cour constitutionnelle au Niger »[iii] Pour le gouvernement, il s’agira d’éviter toute immixtion ou toute influence dans le choix à opérer dans la phase de la présélection.

La structure consultative aura entre autres charges des propositions sur l’organe exécutif de la transition. Il est sera tiré des conclusions pour un  remaniement gouvernemental à l’issue des travaux de la structure dédicacée.

La phase de la sélection sera accomplie par le mécanisme électif ou consensuel sur le principe de critique-autocritique et de la synthèse.  Le développement de cette phase ainsi que la suite des réponses aux questions préalablement posées seront à suivre dans la série d’articles.

Par Me Yahouza AMANI, Avocat à la Cour

[1] Soulignons qu’à l’exception des chefs coutumiers, la représentation est faite sans distinction de genre.

[i] Nous préférons le terme de province qu’aux réformes fantaisistes de la transition de Salou Djibo.

[ii]  Le regretté l’avait annoncé publiquement au cours d’une conférence sur le domaine universitaire de la rive droite.

[iii]  Site de la presse en ligne du Niger diaspora en date du 11 décembre 2020.