La Santé de la Mère et de l’Enfant au Niger : La fréquentation des centres de santé permet d’éviter les complications néonatales
Les taux de mortalité maternelle au Niger restent encore parmi les plus élevés au monde. Selon l’enquête démographique et de santé du Niger, le taux de mortalité maternelle au Niger était à 554 décès pour 1000 naissances vivantes en 2012, contre 535 décès pour 1000 naissances vivantes en 2015 et 520 décès pour 1000 naissances vivantes en 2015. Ainsi, de 2012 à 2015, la mortalité maternelle a connu une baisse d’environ 1 % par an, pour une réduction attendue de 3 %. Pour ce qui est de la mortalité infanto-juvénile, l’analyse de son évolution montre une diminution significative jusqu’en 2012, puis un ralentissement en 2012, soit 127 décès pour mille, tandis qu’en 2015 il a été observé 126 décès pour mille, et 123 décès pour mille en 2021 (ENAFEME 2021).
Ainsi, un enfant nigérien est plus à risque de mourir avant ses 5 ans que ses camarades des autres pays de l’Afrique subsaharienne avec une moyenne régionale de 78 décès pour 1000 naissances vivantes (rapport mondial 2019). Cependant, la mortalité néonatale a connu une hausse entre 1998 et 2021, avec respectivement les taux de 44 décès pour 1000 naissances vivantes en 1998 et 43 décès pour 1000 naissances vivantes en 2021.
Concernant la mortalité maternelle, l’ancienne Directrice de la Santé de la Mère et de l’Enfant de la région de Niamey, Mme Adama Kemou, a relevé entre autres les causes directes et les facteurs favorisants, à savoir les pré éclampsies sévères/éclampsie (14,4 %), le travail prolongé/dystocique (7,8 %), les hémorragies du post-partum (6,7 %), les infections sévères du post-partum (4,03 %), la rupture utérine (1,70 %), la rétention du placenta (0,51%), et les autres causes directes (2,67 %). La mortalité maternelle est aussi causée par le paludisme (17,60 %), l’anémie (12,38 %), ainsi que les causes inconnues non spécifiques (21,81 %), les autres complications indirectes (11,07 %) et les hépatites (0,11 %).
Selon Mme Adama Kemou, ces causes sont soutenues par des facteurs favorisants qui se résument en trois (3) retards que sont le retard dans la reconnaissance des signes de danger, de la prise de décision de fréquenter une formation sanitaire, le retard pour se rendre au centre de santé pour des raisons économiques ou des moyens de transport, et le retard dans la prise en charge de la patiente, notamment la rupture des médicaments ou manque de plateau technique.
Pour la mortalité infanto-juvénile (0-5 ans), il est relativement à noter les mêmes facteurs favorisants que chez la mère.
Cependant, les causes des décès néonataux sont dues à la prématurité (30,8 %), l’asphyxie (28,42 %), les infections néonatales (16,54 %) et la pneumonie du Nouveau-né (5, 51 %).
Des causes de mortalité infantiles
Pour ce qui est des enfants de moins de cinq ans, les principales causes de mortalité sont liées entre autres aux causes néonatales (26 %), le paludisme (19 %), la pneumonie (17,40 %) et la diarrhée (12,20 %). La désagrégation de la mortalité maternelle, infanto -juvénile par région montre des disparités. S’agissant de la mortalité maternelle, les données des enquêtes n’ont pas été présentées par région, mais il faut retenir que les régions de Maradi et Zinder enregistrent plus de décès maternels pour les données administratives, en raison de leurs poids démographiques, a expliqué l’ancienne DSME. Certaines régions ont selon les données issues de l’ENAFEME 2021, encore un risque de mortalité élevé et supérieur à la moyenne. Il s’agit des régions de Dosso avec 157 pour mille, suivies de Tillabéry avec 142 ‰, de Zinder avec 137 ‰ et Tahoua avec 127 %. Cette mortalité infanto-juvénile est plus élevée en milieu rural avec 132 % qu’en milieu urbain où il a été enregistré 58 %.
En réponse à tous ces défis, l’Etat avec l’appui de ses partenaires, a développé et mis en œuvre plusieurs stratégies ou interventions à haut impact dont entre autres : l’amélioration de la couverture sanitaire à travers la construction des nouvelles formations sanitaires ou la mise à niveau de celles existantes, la poursuite de la gratuité des soins chez les enfants de moins de 5 ans et de la Césarienne ; le suivi de grossesses notamment les soins prénataux ; l’Assistance qualifiée à l’accouchement ; la mise en œuvre des Soins Obstétricaux et Néonataux d’Urgence (SONU) ; la prise en Charge Intégrée des Maladies de l’Enfant (PCIME) au niveau des CSI et des communautés ; la vaccination des enfants à travers le Programme Elargi de Vaccination (PEV) ; la Surveillance des décès maternels, Périnatals et la Riposte ( avec des audits cliniques et riposte qui sont obligatoires).
Selon Idi Nafiou, médecin gynécologue obstétricien, les enfants qui décèdent lors de l’accouchement ou les heures qui suivent les naissances sont fragilisés pendant qu’ils étaient dans l’utérus de leurs mères. Ces fragilisations sont en effet liées soit à une pathologie, à une maladie de la mère pendant qu’elle les porte ou une maladie liée à cette grossesse, ou bien relève aussi de l’état de fœtus avant qu’il soit né. Le long travail rend aussi l’enfant fragile, ce qui fait qu’après l’accouchement souvent il succombe. Il peut aussi mourir pendant le travail d’accouchement avant qu’il ne soit sorti du corps de la mère. C’est pourquoi les consultations prénatales sont importantes ; c’est à partir de là que le médecin établit le dossier de la patiente et sait sur quel terrain va évoluer la grossesse. Aussi, les investigations, les examens de celle qui porte la grossesse peuvent permettre à son médecin d’avoir une idée sur l’évolution de la grossesse. « Si la maman n’est pas bien portante, le fœtus ne va pas profiter de son organisme. Et si l’accouchement survient dans des conditions difficiles la vessie n’est pas favorable pour le nouveau-né et pour la mère. S’il est né prématurément, ses poumons ne sont pas matures et il ne sera plus autonome pour se prendre en charge, s’il n’y a pas d’oxygène il peut mourir dans les heures qui suivent l’accouchement. Ou si la mère est diabétique et que cette maladie est méconnue, ou lorsqu’elle n’est pas bien suivie, ça fragilise le bébé », a expliqué le Médecin. L’hypertension artérielle peut aussi avoir des effets sur les reins de la mère qui n’arrivent pas à filtrer correctement les déchets sanguins qui entraine non seulement une souffrance cérébrale chez la mère mais peut aussi entrainer une insuffisance de développement du fœtus qu’elle porte.
« Il y a en outre des pathologies inévitables, qu’on peut surveiller et maitriser » a fait savoir le médecin gynécologue obstétricien. A un certain moment, ajoute-t-il, il faut un suivi rigoureux, faire recours aux traitements qualifiés, voir des personnes qui sont en mesure de comprendre et d’administrer des médicaments qu’il faut, prescrire les produits qu’il faut et décider à quel moment interrompre la grossesse avant que les complications souvent inévitables surviennent. « Toutes les femmes qui ont l’âge de procréer et qui ont l’habitude de voir leur cycle d’une manière régulière, dès qu’elles constatent un retard doivent immédiatement se faire consulter par un spécialiste, il ne faut pas attendre trois (3) mois » conseille le praticien.
Conséquence des complications néonatales, des infections…
Dr Ahmed Moulaye Ali, médecin pédiatre, explique quant à lui que les complications néonatales en ce qui concerne les nouveau-nés font parties des causes les plus fréquentes du décès de ces derniers. « Les maladies diarrhéiques sont aussi très fréquentes et causent plus de décès chez l’enfant ; les infections respiratoires surtout la pneumonie et le paludisme. D’abord, une fois mis au monde, il faut que le nouveau-né, s’adapte à l’environnement qui est différent de celui intra-utérin ; cette adaptation dépend de son état depuis qu’il est dans le ventre de sa maman. Si au cours de la grossesse, ce fœtus a eu un préjudice soit parce-que la maman est malade, soit une infection, soit un déficit en micronutriment (anémie), la maman peut transmettre la maladie à son nouveau-né. L’accouchement peut aussi comporter des complications qui peuvent faire souffrir l’enfant, notamment les complications mécaniques (la maman a du mal à accoucher soit parce qu’il y a une présentation qui n’est pas bien ou d’autres anomalies qui empêchent l’enfant de sortir normalement). Il peut également mourir d’asphyxie car, il peut manquer d’oxygène. Cette asphyxie fait partie des causes les plus fréquentes de complications néonatales. La malnutrition est aussi responsable de décès des enfants, puisqu’elle rend leurs organismes vulnérables et ouvre les portes à toutes sortes de maladies » a souligné le praticien. Parmi ces maladies, ajoute-t-il, figurent le retard de croissance ou malnutrition chronique qui est la plus fréquente dans nos pays : un enfant sur deux est atteint et quand ce retard s’installe les enfants peuvent devenir irréversibles (ils ne grandissent pas) ; et la malnutrition aiguë qui est la plus sévère où des enfants ont besoin d’être pris en charge dans des structures sanitaires.
Il existe aussi une autre cause qui est très peu connue de la population. Il s’agit de l’incompatibilité fœto-maternelle selon le groupe sanguin. « Si la maman est du groupe sanguin négatif et que le bébé est du groupe positif le sang de l’enfant peut renter dans la circulation sanguine de la maman et le corps de cette dernière peut considérer celui-ci comme un corps étranger et va fabriquer des anticorps qui vont détruire les globules rouges qui sont des rhésus positifs ; ce qui va provoquer des anémies avec risque de décès avant même sa naissance. C’est pourquoi, il est toujours bon de faire le groupe sanguin. Une femme, quand elle contracte une nouvelle grossesse si l’enfant est du même rhésus qu’elle tant mieux, mais si c’est le contraire, il est nécessaire de mettre la mère sous sérum anti D afin de prévenir le plutôt possible l’immunisation contre ce rhésus pour le prochain bébé », ajoute le praticien.
La majorité de ces maladies peuvent, a insisté Dr Ahmed Moulaye Ali, être solutionnées à travers des activités préventives notamment la sensibilisation des femmes sur l’importance des consultations prénatales et la vaccination. Aussi, un bon suivi de la grossesse et un lieu d’accouchement adapté peuvent prévenir ces genres de complications.
Au Niger, a fait savoir Dr Ahmed Moulaye Ali, le programme élargi de vaccination est là et très performent et il permet de prévenir certaines maladies graves telles que la poliomyélite, la coqueluche, le tétanos, les microbes qui sont à l’origine des infections respiratoires et bien d’autres maladies. « La vaccination est vraiment un élément important dans la lutte contre ces maladies. L’allaitement maternel exclusif du bébé jusqu’à l’âge de six mois et la diversification des aliments avec des compléments adaptés à travers une communication dans les centres de santé vont également protéger les enfants de ces maladies. Il y a en plus, le traitement curatif. Dès que l’enfant est malade, il faut l’amener le plutôt possible dans le centre de santé pour qu’il soit pris en charge à temps en vue de détecter sa maladie et la traiter pour qu’elle n’évolue pas vers des complications qui peuvent être difficiles pour son développement ou sa croissance », a conclu Dr Ahmed Moulaye Ali.
Aïchatou Hamma Wakasso (ONEP)
Source : https://www.lesahel.org/