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L’homme qui a ruiné le Niger : Pourquoi Issoufou Mahamadou doit être mis en accusation et poursuivi devant la justice ?

Issoufou Mahamadou l’a promis, il l’a fait. « Je ferai ce que personne, auparavant, n’a fait », a-t-il laissé entendre en substance. Après 10 années de pouvoir, exercé comme sous un régime d’exception, il laisse un pays exsangue, miné par la corruption, le trafic de drogue et d’armes, les détournements massifs des deniers publics, des milliers de morts, civils et militaires, la psychose dans des zones entières qui sont sous la loi des terroristes, des ressources minières et environnementales laissées en jachère à l’étranger, une sécurité sous-traitée à des forces militaires étrangères illégalement installées, etc. À l’heure du bilan, il sera difficile, dit un acteur politique, de lui trouver dans le code pénal nigérien, une sanction exemplaire à la hauteur de ses fautes. Voici, en substance, pourquoi, estiment des organisations de la société civile nigérienne, Issoufou Mahamadou ne peut échapper à une mise en accusation et une poursuite judiciaire.

Du prêt congolais Dans la plus grande clandestinité, le gouvernement a contracté à la fin 2011, un prêt de 50 milliards de francs CFA auprès du Trésor congolais, afin de combler, selon la version officielle, un gap budgétaire. Dans les faits, ce prêt n’a jamais été inscrit au budget national. Rendu public sous la pression de l’opposition politique, ce prêt a été encaissé, de l’aveu-même du ministre des Finances de l’époque, Gilles Baillet, devant le parlement, sans jamais que l’Assemblée nationale ait ratifié le projet de loi de ratification. Il est enfin inscrit sur le budget 2014 alors qu’il a été déjà consommé, on ne sait comment et par qui.

De l’affaire des fonds de l’armée

L’examen des modalités particulières de passation de marchés pour les besoins de défense et de sécurité, communément appelé code militaire, dont Le Courrier a reçu copie, fait ressortir que l’audit réalisé par le ministre Katambé n’apporte rien de nouveau au président de la République et à son Premier ministre qui sont parfaitement tenus au courant de tout. L’un et l’autre reçoivent régulièrement, chaque semestre, un rapport détaillé confidentiel sur les marchés passés, les fournisseurs, les matériels commandés, les montants mis en cause, etc. L’article 71 du décret 2013-570 du 20 décembre 2013 indique que, « sans préjudice des contrôles qui peuvent être effectués par l’inspection générale d’État, les marchés objets du présent décret, donnent lieu à un contrôle à posteriori semestriel de la part de l’inspecteur général des armées ou son équivalent pour les autres corps. Ce contrôle est assorti d’un rapport confidentiel qui est adressé au président de la République et au Premier ministre ». La loi pénale nigérienne prévoit la peine de mort lorsque les sommes dissipées ou soustraites sont égales ou supérieures à 500 000 000 FCFA, ou si les biens dissipés ou soustraits sont d’une valeur équivalente. Dans le cas de l’audit des fonds de l’armée, on parle, officiellement, de 78 milliards de francs CFA. Ce qui laisse supposer que de nombreuses têtes, impliquées à hauteur de plusieurs milliards, vont nécessairement tomber en cas de procès.

Pour rappel, malgré la gravité extrême de cette affaire, personne ne s’est retrouvée jugée et inculpée à ce jour. Elle a été étouffée par renonciation de l’Etat à se constituer partie civile .

Du «Mukurigate»

Le 27 mars 2017, Hassoumi Massoudou adresse une lettre au directeur général de l’Autorité de régulation des télécommunications et de la poste (Artp), actuelle Arcep, aux fins de le voir notifier à la société Wallagates, la résiliation du contrat qui la lie à l’État du Niger. Le ministre des Finances de l’époque indiquait que des audits techniques et financiers ont été réalisés à propos de la mise en oeuvre de la plateforme de contrôle de la qualité de service et de la facturation du trafic téléphonique (voix et données) des opérateurs des réseaux de télécommunications disposant d’une licence d’exploitation au Niger et que ce rapport a fait ressortir d’importants manquements de la part du délégataire. Hassoumi Massoudou, relevait, notamment, (1) l’usage de faux et de données erronées ayant servi de base à la signature du contrat ; (2) le non-respect de l’ensemble des dispositions du cahier des charges ; (3) un impact non avéré du système sur les rendements des recettes. Et pourtant, c’est sur cette base frauduleuse, parfaitement connue des autorités nigériennes, que Daniel Mukuri, un escroc recherché par Interpol Belgique, va régulièrement engranger des milliards sur plusieurs années. Il pompait les milliards de l’ARTP, « sans rien faire », pratiquement, que de récupérer les CD des données des opérateurs de téléphonie cellulaire et de faire la comparaison avec l’année 1. Une routine qui lui permet de relever la différence en termes d’augmentation des appels et de les facturer selon une clé préalablement établie à la signature de l’accord. Une arnaque, en somme, sur laquelle ceux qui sont chargés de veiller sur les intérêts de l’Etat ont fermé les yeux. Mieux, ils ont protégé Mukuri Daniel et sa Wallgates, empêchant pratiquement à la Cbao, de rentrer dans ses droits. Pour rappel, le 14 juillet 2016, la CBAO a remporté son procès contre Wallgates dont les responsables lui doivent des créances restées longtemps impayées. Le Président du Tribunal de Grande Instance Hors Classe de Niamey, Maï Moussa Elh Bachir, signe ce jour-là, une ordonnance autorisant la CBAO à pratiquer des saisies conservatoires sur tous les biens appartenant aux époux Mukuri Maka Josué Daniel Bomono et Danielle Prudence Désirée ainsi qu’à la société Wallgates S.A. pour non-paiement de sa créance que la CBAO dit avoir évaluée provisoirement à la somme de 293 500 000 FCFA en principal sans préjudice des intérêts et frais de recouvrement. Mais, Wallgates, condamnée aux dépens, sur la base de plusieurs décisions de justice, à payer à la CBAO au total 328 451 500 FCFA, fera un pied de nez aux responsables de ladite banque. Mais, le 8 août 2016, la société Wallgates, assignait l’État du Niger, représenté par le Secrétaire général du Gouvernement, Gandou Zakara, devant la justice. Et par devant le même Maï Moussa El Hadj Bachir, une conciliation judiciaire va être signée. L’État du Niger aurait accumulé des arriérés de plus de huit milliards 200 millions dus à Wallgates, la société de Salifou Diallo et consorts. À l’article 1er, portant reconnaissance de dettes, l’État du Niger reconnaît irrévocablement devoir à la société Wallgates au titre des gains additionnels et cumulés (TVA, TTIE, ISB, etc.) la somme de 4 871 816 169, 66 FCFA. C’est ce montant que Saïdou Sidibé s’est engagé à virer à la Cbao, dans le compte, débiteur, de la société Wallgates mais qui sera finalement viré vers la Bsic. Sans compter que des impôts dus à l’Etat ont été cédés à Wallgates sans passer par le Trésor national.

Du trafic de drogue

Depuis 2018, avec le démantèlement de l’entrepôt de 2,5 tonnes de résines de cannabis, à Niamey 2000, le Niger est perçu comme un hub du trafic de drogue au Sahel. Puis, d’autres faits, les uns plus accablants que les autres, se sont succédé. L’arrestation, en Guinée Bissau, d’un conseiller du président de l’Assemblée nationale avec de la cocaïne, l’implication de Sidi Lamine, un député du Mpr Jamhuriya, dans un trafic de drogue ainsi que la saisie-record de 17 tonnes de résines de cannabis, le vendredi 5 mars 2021. Selon des informations concordantes, de grandes complicités sont à la base de ce trafic au Niger. L’Octris (Office central de répression des trafics illicites et stupéfiants …) mène un combat acharné contre des trafiquants qui ont une longueur d’avance sur les limiers nigériens. Ils bénéficient de grandes complicités dont les réseaux sont parfaitement connus.

En août 2019, une source gouvernementale ayant requis l’anonymat a confié au Courrier que l’individu que Hassoumi Massoudou, à l’époque ministre de l’Intérieur, a demandé de faire arrêter, est effectivement un membre du Mujao et que l’entreprise de transport qui leur sert de couverture est bel et bien toujours au Niger. C’est d’ailleurs grâce aux bons offices de ce membre du Mujao, offerts aux autorités nigériennes à travers un grand service de l’Etat ayant servi de liaison, qui ont abouti à la libération d’un des deux otages australiens enlevés courant janvier 2016, à Djibo, en territoire burkinabè. C’est en l’occurrence la dame Jocelyne (l’épouse) qui s’était d’ailleurs rendue à Dosso, en février 2016, où se trouvait l’ancien président, Issoufou Mahamadou, pour le remercier et lui témoigner sa gratitude.

Des détournements au ministère de la Défense nationale

Au ministère de la Défense nationale, alors que le Niger est en guerre contre des forces armées non identifiées qui massacrent, saccagent et incendient sans limites, de grands commis de l’Etat et des officiers de l’armée ont mis en place des stratagèmes pour s’enrichir en faisant de la commande des armements et autres matériels un business. Selon notre confrère Le Monde d’Aujourd’hui, de 2013 à 2019, ce sont plus de 1700 milliards qui ont été investis dans cette croisade contre les bandes armées non identifiées. Ce calcul, rapporte le confrère, a été obtenu sur la base des budgets de l’Etat au cours de la période indiquée et le pourcentage moyen (15%) régulièrement déclaré affecté à la rubrique défense-sécurité par les autorités de tutelle. Tantôt, on parle de 10% du budget total, tantôt de 20% ou encore 19%. Un montant faramineux qui a servi plus à enrichir des individus véreux qu’à constituer des moyens de défense pour le Niger. L’acte, en soi, est une haute trahison passible de la peine de mort. L’audit réalisé sous le ministre Issoufou Katambé, horrifié par les résultats, a mis en cause des sommes nettement inférieures. Officiellement, c’est un peu plus de 70 milliards qui ont été détournés par le biais de fausses commandes d’armements, de commandes d’armes et de munitions défectueuses, etc. Malgré la gravité des faits, aucune personne, à ce jour, n’a été jugée. Le dossier a même été vidé de sa substance, l’Etat ayant décidé de renoncer à se constituer partie civile.

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