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Kalla Moutari et le ministère de la Défense nationale : Y aura-t-il un effet boomerang ?

L’affaire du ministère de la Défense, ce scandale financier qui a coûté à l’État nigérien bien plus que des dizaines de milliards, a été bien abordée lors de la rencontre intervenue entre le Président Bazoum et les acteurs de la société civile. Mais, selon des sources ayant pris part à ladite rencontre, la question n’a guère prospéré, le Président Bazoum ayant soulevé des contraintes et des obstacles, inexplicables et inadmissibles pour un président de la République. Une chance supplémentaire inouïe pour l’ancien ministre de la Défense nationale, Kalla Moutari, dont la gestion est celle qui a été mise en cause par l’audit réalisé sous Issoufou Katambé. À la tête du ministère de la Défense entre 2017 et 2019, Kalla, au départ, n’était pas inquiété que par ce rapport d’audit explosif dont le contenu a fait frémir d’effroi le Pr Issoufou Katambé par qui l’affaire a été ébruitée. Il était également le ministre qui a signé l’accord secret de coopération militaire avec l’Italie. Un accord qu’il a longtemps dénié, se permettant même le luxe de menacer les journalistes qui en feraient allusion, car non fondé selon lui. Un numéro qui a parfaitement marché jusqu’au jour où le courrier a réussi à se procurer copie du fameux accord.

La fuite en avant de Kalla Moutari et de ses collègues du gouvernement était autant motivée par la peur de la réaction française, qui continuait à dresser des barrières sur la matérialisation dudit accord, que par les montants faramineux déjà encaissés par Niamey, de l’avis des autorités italiennes. L’accord de coopération militaire a été signé à Rome, en Italie, en septembre 2017. Pourtant, jusqu’en 2018, le gouvernement nigérien continuera de nier le fait. Réagissant à une information de la presse italienne faisant cas de l’envoi de militaires italiens au Niger, le président de la République actuel, à l’époque ministre d’État, de l’Intérieur et de la Sécurité publique, Bazoum Mohamed, a démenti l’information, allant jusqu’à prétendre que la mission était «inconcevable». En Italie, on ne comprenait pas l’attitude, plus qu’ambigüe du gouvernement nigérien. C’est de façon officielle que le président du Conseil italien, Paolo Gentiloni, avait annoncé, en décembre 2017, que les gouvernements italien et nigérien avaient signé une convention au terme de laquelle l’Italie s’engageait à déployer au Niger un premier contingent d’environ 150 militaires et à terme, 470 soldats.

Les démentis de Niamey irritent Rome, mais autant que l’opposition de la France qui agit comme en territoire conquis

Malgré la publication, par la presse italienne, de deux lettres — le 1er novembre 2017 et le 15 janvier 2018— que Kalla Moutari a adressées à son homologue italienne, Roberta Pinotti, et par lesquelles le Niger demandait une intervention militaire à l’Italie, les officiels nigériens persistent dans le démenti. Sur RFI, Bazoum Mohamed a nié tout contact entre Rome et Niamey à ce sujet, déclarant avoir appris la nouvelle de l’envoi de militaires italiens «par les médias». « Nous n’avons jamais adressé de telles lettres à l’Italie. Cela ne relève pas tout à fait de la réalité », a-t-il martelé, non sans avoir souligné le refus définitif de son pays d’accepter une mission militaire italienne sur son territoire.

Courroucée par cette fuite en avant des autorités nigériennes, l’Italie décide de prendre le taureau par les cornes. Elle révèle tout et s’attaque ouvertement à la France qu’elle a vu derrière les tergiversations des autorités nigériennes. Ce qui était, au départ, une guéguerre diplomatique tourne carrément à la crise diplomatique, Rome ne se munissant pas particulièrement de gants pour dénoncer la politique « honteuse » de la France en Afrique. Kalla Moutari, lui, peut se frotter les mains. Non seulement, il n’a plus rien à justifier, mais le pôle de la crise a changé aussi. Désormais, c’est une confrontation franco-italienne et les autorités n’avaient plus rien à faire que d’attendre l’issue du bras de fer. Un bras de fer qui a rapidement tourné à l’avantage de l’Italie.

La marchandisation de la coopération militaire

L’argent serait-il l’argument qui a servi à rendre si serviles les autorités nigériennes pour accepter tant de bases militaires ? S’il n’y a pas d’informations concordantes pour toutes les autres, la coopération militaire avec l’Italie, elle, a été sous-tendue par beaucoup d’argent versé par les autorités italiennes à celles du Niger.

La révélation en a été faite par le Premier ministre italien, Paolo Gentiloni. Des versements que Niamey n’a pas rendus publics de peur de s’exposer à la colère de l’Elysée qui ne voulait pas de cette installation militaire italienne. Outre les montants que les autorités italiennes ont déclaré avoir versé au gouvernement nigérien, le ministre italien des Affaires étrangères, Angelino Alfano, après un entretien avec l’ancien président Mahamadou Issoufou, à l’occasion de l’inauguration de l’ambassade italienne à Niamey, a annoncé que 40% de l’enveloppe globale des aides italiennes pour l’Afrique seront désormais consacrés exclusivement au Niger. Pour améliorer l’état de la collaboration, dit-il. En juin 2017, l’Italie avait déjà accordé 32 milliards de FCFA au Niger pour faire face à la sécurité de ses frontières. Et durant la table ronde de financement du PDS le 14 décembre 2017, elle a promis 100 millions d’euros, soit près de 70 milliards de francs CFA. Affaire à suivre.

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