Skip to main content

Installation de la force française Barkhane et de Takuba au Niger : Une décision impopulaire et contreproductive pour le Niger

Chassée du Mali au nom de son échec et du doute profond qui entoure la véritable nature de sa présence au Sahel, l’armée française, sous le couvert de la lutte antiterroriste, va s’installer au Niger, aux portes du pays de Modibo Keïta. La primeur de l’information a été donnée par le Président français, Emmanuel Macron, avant que les autorités nigériennes, par les voix de Hassoumi Massoudou et de Bazoum Mohamed, ne confirment la nouvelle. Au Niger, cela a fait l’effet d’une bombe. Le Niger, la poubelle » ; « Le Mali balaie, le Niger prend, quelle tristesse ! » ; « Niger Té Furku ». Les appréciations, multiples et violentes, indiquent tout le fossé qui existe entre les autorités nigériennes, totalement acquises à la politique française au Sahel, et les populations nigériennes, massivement alignées sur la position des dirigeants maliens, engagés dans une lutte pour la souveraineté de leur pays. Déjà installées de façon illégale sur le sol nigérien, l’armée française va être, avec Barkahne, davantage présente au Niger avec des forces et du matériel encore plus importants que ce qui suscite déjà la colère des Nigériens.

Le Président Bazoum a, donc, décidé d’accueillir les forces militaires françaises chassées du Mali, prenant à contrepied l’opinion qu’il avait dégagée face à des journalistes français de France 24, en juillet 2021. Il déclarait en l’occurrence que le Niger n’avait pas besoin de la présence de plus de soldats français sur son sol, mais plutôt d’encadrement et d’assistance technique, notamment en matière de surveillance et de contrôle aériens.

Une installation illégale qui ne profite peut-être qu’aux autorités nigériennes

Installées dans le déni de la Constitution, les forces armées étrangères, celle de la France en particulier, poursuivent leur action qui, dénoncent les Nigériens, n’a rien à voir avec la lutte contre le terrorisme. Le Niger, pour la France, est une sorte de territoire conquis. Par-delà les préjugés néocolonialistes qui ont toujours corrompu les rapports entre la France et ses anciennes colonies d’Afrique de l’Ouest, il y a sans aucun doute l’alignement, sans conditions, des autorités nigériennes sur les positions et intérêts français. Au Niger, mais également dans le vaste Sahel. Qu’il s’agisse du Niger ou du Mali ou d’ailleurs, les prises de position des autorités nigériennes n’ont rien à envier à celles de la France. Selon un observateur, pourtant proche des milieux du Pnds Tarayya, c’est certainement déplorable de constater un tel alignement des autorités nigériennes sur les intérêts français. Lorsqu’un Hassoumi Massoudou ou même Bazoum Mohamed et avant lui, Issoufou Mahamadou, parle à propos de la politique française au Niger et au Sahel, point besoin d’écouter un Jean- Yves Le Drian ou Florence Parly, L’Elysée a certainement les meilleurs ambassadeurs africains qu’elle ait jamais eus. A qui profite l’installation de Barkhane et de Tabuka au Niger ? Pour les Nigériens, ce n’est ni au Niger, ni au Mali. La réponse est dans certains cas carrément tranchée du genre « ça profite aux groupes terroristes, à la France et sans doute peut-être aux autorités nigériennes ».

La décision du Président Bazoum Mohamed suscite la colère au Niger

Au Niger, ça bouillonne au sein de l’opinion nationale. Et contrairement aux prétentions de Hassoumi Massoudou, le ministre des Affaires étrangères nigérien, un vote par l’Assemblée nationale ne peut trancher le sujet. Au parlement, Hassoumi Massoudou est persuadé que la majorité parlementaire fera les choses exactement comme ils s’y attendent. Cependant, il sait que dans leur majorité écrasante, les Nigériens sont contre la présence des bases militaires étrangères sur leur sol. Ceux qui ne sont pas instruits et qui n’appréhendent pas assez bien l’enjeu, sont tout au moins confrontés à la réalité d’une occupation militaire étrangère qui leur interdit certaines de leurs contrées. Les Nigériens sont révoltés et certains, comme Moussa Tchangari, leader d’Alternative Espace Citoyen, ne s’en cache pas. Dans une post en réaction à l’annonce du transfert de la force française Barkhane au Niger, Tchangari a déclaré ceci : « À Paris, le président Bazoum s’est planté un couteau dans le ventre, à la grande satisfaction de Macron. En acceptant le redéploiement de Barkhane et Takuba au Niger, il a pris un risque politique majeur ; et s’il n’y prend garde, cette décision, clairement impopulaire, pourrait entraîner sa chute ». Une réaction qui n’est pas isolée et qui montre à quel point les Nigériens sont remontés contre le Président Bazoum. La plupart des acteurs s’expriment sous l’anonymat, de peur de représailles.

Outre le fait que les Nigériens ne veulent pas, précisément, de la présence militaire française dans leur pays, ils sont particulièrement excédés de savoir que leur territoire va être utilisé comme base militaire arrière pour la France contre le Mali, un pays voisin et frère. Le risque de voir les relations entre les deux se détériorer davantage. Le Mali ne manquerait sans doute pas d’indexer le Niger comme complice d’actions de déstabilisation. Car, selon des sources bien informées, la pègre connue au Mali, notamment dans la zone de Kidal, va amorcer, elle aussi, un mouvement de repli stratégique vers le nord Tillabéry, une zone dans laquelle elle se sentira plus en sécurité. Quoi qu’il en soit, le Niger est mal barré et ce n’est pas le souci de ceux qui ont décidé de servir la France et ses intérêts.

Doudou Amadou