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Gouvernance politique /Pas d’eau, pas d’électricité, pas de sécurité et pas d’argent : Où le Président Bazoum mène-t-il, au juste, le Niger ?

Le génial écrivain franco-martiniquais, Frantz Fanon, avait intitulé son best-seller «Les damnés de la Terre», ouvrage paru en 1961, dans un contexte de décolonisation inaugurale du continent africain. Aujourd’hui, plus de soixante (60) ans après la sortie de ce livre éblouissant, l’on peut, légitimement, se demander si ce titre très évocateur de ‘’Damnés de la Terre’’ ne serait pas plus approprié à décrire la situation du Niger sous le règne calamiteux de Mohamed Bazoum. Probablement que si Frantz Fanon avait vécu jusqu’à nos jours, il aurait sans doute revu ce titre pour l’adapter à la situation actuelle du Niger. En effet, tous les maux et mots de la planète se conjuguent désormais à un seul mode de l’indicatif : la gouvernance de Mohamed Bazoum. En plus d’être le dernier pays de la planète en matière d’Indice du Développement Humain (IDH) des Nations- Unies, le Niger contemporain se caractérise par une situation sécuritaire très préoccupante dans les régions de Tillabéry et Diffa, par une dégradation continue du système sanitaire et du bien-être social avec les pénuries fréquentes d’eau et d’électricité dans les grandes villes du pays, et par une montée vertigineuse du coût de la vie et la chute du pouvoir d’achat chez les classes pauvres et moyennes. Le paradoxe de ce Niger d’aujourd’hui réside justement dans le fait que la richesse nationale, qui est mesurée par le Produit Intérieur Brut (PIB), a connu une croissance spectaculaire, ces dix dernières années avec l’exploitation de l’or noir (pétrole). Mais, c’est dans ce même contexte que les difficultés existentielles des citoyens se sont accrues dans le pays, notamment dans les domaines de la sécurité, de la santé, de l’éducation, de l’eau, de l’électricité et que saiton encore ? Or, comme l’on peut le constater, le déclin actuel du Niger n’est pas la conséquence directe de la pauvreté économique ou de la situation géographique (Sahel et Sahara) qui auront longtemps retardé le développement du pays, mais plutôt, la résultante de la gouvernance politique du régime de la Renaissance du Niger en ses Actes I, II et III.

Lorsqu’un certain Issoufou Mahamadou était un opposant politique très actif sous la Cinquième République du tandem Tandja/Hama, le leader du PNDS/ Tarayya ne martelait-il pas à l’antenne que « Le Niger n’est pas un pays pauvre, mais bien un pays mal gouverné » ? Il ne cessait alors d’accuser le régime politique de cette époque de tous les qualificatifs dépréciatifs imaginables, dont lui seul connaissait la recette magique pour redresser le pays. C’était-là l’exposé de sa fameuse théorie de la lutte contre la corruption et du combat pour la bonne gouvernance. Cependant, une fois au pouvoir, ce fut tout le contraire qui avait été observé au cours des deux quinquennats qu’il avait exercés. Quelle imposture suprême ! Sous l’ère Issoufou Mahamadou, le Niger est devenu un pays producteur et exportateur de pétrole dans le monde. Les grandes compagnies mondiales se battent pour acheter des permis d’exploration dans le sous-sol du pays, pour divers minerais (or, cuivre, fer, manganèse, phosphate, eaux minérales…). Mais, en dépit de cette exploitation pétrolière, le niveau de vie général des citoyens nigériens ne s’est guère amélioré. Pire, il se sera même dégradé par rapport aux situations antérieures, lorsque le pays vivait seulement des revenus de son uranium. Aujourd’hui, tous les indicateurs de base du développement sont dans le rouge vif. Même l’eau, dans un pays pourtant traversé par le troisième grand fleuve du continent africain (le fleuve Niger) et renfermant les plus grandes réserves d’eau souterraines du monde, est devenue problématique dans les grandes agglomérations urbaines du pays. On ne parlerait même pas de la fourniture en énergie électrique, qui est catastrophique. Et ce n’est que le début, car avec bientôt la fin des subventions publiques sur l’énergie au Nigéria, la NEPA pourrait être amenée, en cas de privatisation, à revoir le régime préférentiel des tarifs du kilowatt/heure avec le Niger. A tout cela, il faudrait ajouter la question sécuritaire qui prévaut dans certaines parties du pays. Face à toutes ces équations à plusieurs inconnues, le Président Bazoum ne semble pas avoir les bonnes réponses, à cause justement de son déficit de capacité à initier les réformes nécessaires pour améliorer la situation. En effet, depuis qu’il préside aux destinées du Niger et de son peuple, l’enfant de Tesker n’a pas encore, visiblement, pris la mesure de la fonction présidentielle, se contentant souvent d’un service minimum face à une situation d’urgence. L’inexistence d’une opposition politique taquine et demanderesse de comptes dans la gestion publique l’aurait, en quelque sorte, abusé dans l’appréciation globale de la situation du pays. Et les seules clabauderies d’une Société civile peu organisée et d’une presse indépendante en grande difficulté économique et financière (faible tirage et raréfaction de recettes publicitaires) ne suffisent pas à donner le coup de semonce nécessaire au réveil présidentiel. C’est alors un Bazoum totalement déconnecté des vraies réalités du pays, qui prend souvent l’avion pour des villégiatures internationales, puisque l’on ne voient pas, sincèrement, les retombées réelles de ces déplacements à l’extérieur, qui peut se permettre des dérapages verbaux inadmissibles à un tel niveau de responsabilité, tout simplement parce qu’il ne sait pas encore quoi faire ou ne pas faire. Profitant de cette absence dans ses fonctions régaliennes, son Gouvernement, son staff et tout le reste de l’Administration publique peuvent faire ce que bon leur semble, dans la mesure où le chef ne sait pas diriger un pays.

En réalité, au regard de ce ‘’laisse-guidon’’ présidentiel actuel, il y a lieu de se poser la question sur la stature même présidentielle de Mohamed Bazoum. On peut ne pas aimer Issoufou Mahamadou pour diverses raisons, la vie étant ainsi faite. En revanche, à moins d’être en proie à une mauvaise foi manifeste, lui, au moins, savait ce qu’il faisait, même s’il ne le faisait pas assez bien pour certains. Mais, quant au Président Bazoum, il est hélas regrettable de constater que le personnage sera demeuré ordinaire, en riant exagérément en public, en tapotant sur l’épaule des gens ordinaires et en ne contrôlant pas très souvent sa communication très désastreuse parfois. Or, le chef, le vrai chef, le meneur d’hommes, se dispense bien souvent de telles attitudes triviales pour adopter une posture plus haute, taciturne, qui sied parfaitement à la grandeur de la fonction présidentielle. On sait, d’après ses propres aveux dans un entretien accordé à ‘’Jeune Afrique’’, qu’il n’avait jamais envisagé, un seul jour de sa vie, de se laisser aller à la conquête du pouvoir suprême. Peutêtre que c’est cela qui expliquerait chez lui cette attitude débonnaire dans l’exercice du pouvoir. Dans ces conditions, l’on ne peut exprimer que plus d’inquiétudes dans la gestion politique du pays, qui n’augure guère des lendemains qui enchantent pour le Niger, comme l’affirmait Hegel, une de ses Muses, ‘’rien de grand ne s’est jamais accompli dans le monde sans passion’’ ! Et Mohamed Bazoum n’a pas, visiblement, cette passion pour le pouvoir. En cela, ce n’est pas lui qui en souffre et souffrira encore énormément, mais bien le Niger et son peuple, car à deux ans et demi de la fin de son mandat, on cherche désespérément un seul point positif dans ce tableau sombre de son quinquennat digne du pinceau magnifique de Pierre Soulages, le peintre du clair-obscur !

Tout est sombre, enfin de compte !

Aliou Badara