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Dossier / L’homme qui a ruiné le Niger

Issoufou Mahamadou l’a promis, il l’a fait. « Je ferai ce que personne, auparavant, n’a fait », a-t-il laissé entendre en substance. Après 10 années de pouvoir, exercé comme sous un régime d’exception, il laisse un pays exsangue, miné par la corruption, le trafic de drogue et d’armes, les détournements massifs des deniers publics, des milliers de morts, civils et militaires, la psychose dans des zones entières qui sont sous la loi des terroristes, des ressources minières et environnementales laissées en jachère à l’étranger, une sécurité sous-traitée à des forces militaires étrangères illégalement installées, etc. A l’heure du bilan, il sera difficile, dit un acteur politique, de lui trouver dans le code pénal nigérien, une sanction exemplaire à la hauteur de ses fautes. Voici, en substance, pourquoi, estiment des organisations de la société civile nigérienne, Issoufou Mahamadou ne peut échapper à une mise en accusation et une poursuite judiciaire.

De l’installation illégale des bases militaires étrangères

C’est un fait, les Nigériens, dans leur majorité écrasante, ne veulent pas des bases militaires étrangères sur leur sol. Ils ne l’ont d’ailleurs jamais voulu. Ces bases militaires ont été installées par la seule volonté de l’ancien président, Issoufou Mahamadou qui, manifestement, a d’autres motivations que la défense nationale et la lutte contre l’insécurité. De fait, le Niger n’a jamais été aussi menacé dans sa souveraineté et son intégrité que durant ces 10 années. Des bases militaires, il en a fait installer un peu partout sur le territoire national, à croire qu’il s’agit d’un partage du gâteau. Sans jamais demander, comme le lui oblige la constitution (article…) l’avis de l’Assemblée nationale. Et si pour les autres, l’omerta a prévalu, ce n’est pas le cas de l’arrivée des forces militaires italiennes dont on connaît les dessous. Des dessous à relents d’argents révélés par le Premier ministre italien, Luigi Di Maio, furieux de constater que les tergiversations de Niamey qui semblait agir ainsi sous la pression de la France.

De l’uranuimgate

Sous les auspices d’Issoufou Mahamadou, le Niger a été entraîné dans une sombre histoire de trading d’uranium. Hassoumi Massoudou, l’homme de main d’Issoufou dans cette affaire était à l’époque son directeur de Cabinet d’Issoufou. C’est à ce titre qu’il va créer, à BNP Paribas, pour les besoins de leurs affaires, un compte bancaire au nom de la Société nationale de patrimoine des mines du Niger (Sopamin), dirigé au moment des faits par Hamma Hamadou, actuel proche collaborateur de Djibo Salou. Hamma Hamadou va être contraint, en présence de Sébastien De Montessus, de donner une procuration à Hassoumi Massoudou afin de créer ledit compte. Et c’est à partir de ce compte bancaire que Hassoumi Massoudou va transférer 200 milliards de francs CFA à une société sise à Dubaï, Optima, qui aurait vendu de l’uranium à la Sopamin. Depuis quand le Niger achète-t-il ce minerai ? Dans cette affaire qui a terni l’image du Niger en le présentant sous les couleurs d’un Etat-voyou, le Niger, probablement, a été arnaqué et avec la fermeture d’Imouraren, on se demande bien si les 200 milliards, partagés entre des individus, dont Sébastien De Montessus qui s’est depuis lors converti dans les affaires, ne seraient pas les paiements anticipés de la production d’uranium sur plusieurs années.

De l’affaire des permis miniers à Sébastien De Montessus

L’Uraniumgate a enrichi des individus au titre desquels il y a Sébastien De Montessus. Ancien viceprésident d’Areva (actuel Orano), ce dernier a compris la belle opportunité qu’Issoufou représentait pour se faire de l’argent sur le dos de l’Etat nigérien. Il crée, en partenariat avec des grands commis de l’Etat nigérien tapis autour d’Issoufou Mahamadou, un groupe de recherche minière portée principalement sur l’or et dénommé Endeavour Niger. Créé le 25 novembre 2016, Endeavour Niger engrange, deux semaines à peine après sa création, sa première moisson. Le 9 décembre 2019, le gouvernement lui octroie trois permis miniers parmi les plus prometteurs. Le pire est ailleurs, dans les connexions nigériennes de De Montessus. Son principal partenaire dans cette liaison incestueuse n’est autre que Mohamed Akotey, le conseiller spécial d’Issoufou ; celui-là même qui a aidé l’ancien président dans la libération des otages français d’Arlit. Un conflit d’intérêt que Issoufou ne pouvait ignorer. Ce groupe était, donc, l’affaire des premiers responsables de l’État nigérien, avec leurs alliés français. Autant dire que ceux qui ont octroyé les permis miniers à Endeavour Niger étaient ceux-là qui ont acheté lesdits permis. Le vendeur était l’acheteur.

Achat de l’avion présidentiel

À peine arrivé au pouvoir, Issoufou Mahamadou a entrepris d’acquérir un nouvel avion présidentiel. Ce n’est pas si déplacé, le Mont Bagazam , acheté sous Seyni Kountché, ayant quand-même pris de l’âge. Son traditionnel maître d’ouvrage va être à la manoeuvre. Comme dans l’uraniumgate, Hassoumi Massoudou va conduire l’opération. Une opération frappée du sceau confidentiel. Il y a de quoi. Inscrit dans deux lois de finance, l’achat de l’avion présidentiel va également faire l’objet d’un «don» d’Areva, actuelle Orano, pour un montant de 17 milliards de francs CFA. Un don d’une société à un Etat ! Allez-y comprendre. La Cour d’appel de Paris va d’ailleurs confirmer une accusation de corruption contre les autorités du Niger.

Malgré les milliards prévus dans les deux lois de finance successives ainsi que les 17 milliards d’Areva, l’avion présidentiel va être finalement acheté …à crédit grâce à un prêt d’une société financière des Iles Caïman, un paradis fiscal abondamment utilisé par les trafiquants de tous genres. Les montants inscrits au budget, deux années consécutives et le don d’Areva ont pris une autre destination. Le Courrier a reçu copies des documents compromettants de la transaction frauduleuse, notamment les contrats signés, Les Nigériens attendent toujours que la lumière soit faite sur l’usage de ces fonds. Outre que l’achat de l’avion présidentiel a fait l’objet d’une opération des plus rocambolesques, son coût est exorbitant pour un avion qui a un peu plus de 15 ans de vols commerciaux lorsqu’il a été acquis par le Niger.

De l’affaire du rail

Malgré les conseils, avis et mises en garde des experts, Issoufou est resté insensible aux appels à la raison. Le rail de Bolloré, lui a-t-on fait comprendre, dès le départ, ne répondait à aucune exigence technique. L’écartement des rails n’était plus d’un mètre, mais d’un mètre et demi. Tant dans l’écartement que dans les procédures, tout était sombre. Il n’y a jamais eu de bureau de contrôle et Bolloré faisait ce que bon lui semblait. Bolloré, c’était l’ami à qui, déjà en 2012, sans la moindre évaluation du projet d’essai de deux ans, entamé sous Mamadou Tanja, Issoufou a accordé l’affermage de l’eau pour 10 ans d’emblée. Un contrat qui a été renouvelé depuis belle lurette. Quant aux rails, les Nigériens et le monde entier ont eu le temps de comprendre qu’il ne s’agissait que d’une arnaque. Outre le litige à venir avec le groupe Bolloré, l’affaire du rail est déjà sujette à un contentieux judiciaire avec le groupe Africarail de l’ancien Premier ministre français, Michel Rocard, à qui le Niger et le Bénin, entre autres, ont accordé en premier la réalisation du rail. Du barrage de Kandadji Selon les conclusions d’une enquête administrative diligentée entre 2011 et 2013 au programme de régénération des écosystèmes et de la mise en valeur de la vallée du Niger (P.KRESPIN), c’est-à-dire, au barrage de Kandadji, ce sont 12 992 241 799 de francs CFA qui auraient été détournés. Le rapport de l’enquête a été transmis à la justice le 25 février 2014 par les services de l’inspection générale d’Etat sous le numéro 0037/ PRN/IGE du 25/02/2014. Dans ce dossier, plusieurs noms sont cités. Des personnalités de la mouvance au pouvoir qui auraient participé à la mise à sac des fonds destinés à la réalisation du barrage.

La réalisation du barrage de Kandadji devient de plus en plus aléatoire, voire, utopique. Ce rêve nourri par les Nigériens depuis des décennies est en train de s’envoler. En 2010, c’est un rappel, la transition militaire dirigée par Salou Djibo avait fait de la réalisation du barrage de Kandadji un de ses objectifs majeurs. Il s’agit d’un objectif vital pour le Niger : sortir de la dépendance énergétique et aller vers l’autosuffisance alimentaire. Pour ce faire, les fonds nécessaires à la concrétisation de ce rêve ont été mobilisés avec le concours des partenaires au développement. Dossier à suivre.

Laboukoye