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Deuxième anniversaire du Président Bazoum : Les causes objectives de l’absence de bilan !

Cela fait deux ans, jour pour jour, que Mohamed Bazoum préside aux destinées du Niger et de son peuple, au terme d’un processus électoral qui ne sera pas resté dans les annales politiques du pays comme l’un des plus aboutis. Après le douloureux épisode du Tazartché de Mamadou Tandja en 2009-2010 et le coup d’Etat du 18 février 20210, du Chef d’Escadron Djibo Salou, qui y mit fin, naquit la 7e République avec comme premier président de la République en la personne de Issoufou Mahamadou. L’éternel opposant et ‘’gueuleur’’ politique national parvint enfin à la lumière. Dieu, dans sa sagesse infinie, faisant toujours bien les choses, avait permis aux Nigériens de vivre le couronnement de celui qui se prenait pour le plus grand homme d’Etat que le Niger n’eût jamais eu avant lui. Car, si jamais Issoufou Mahamadou (à cause de la mort ou toutes autres circonstances de la vie) n’avait pas accédé à la magistrature suprême du Niger, très certainement que ses partisans lui auraient érigé un piédestal pour immortaliser sa mémoire et auraient, sans doute, regretté que le Niger contemporain eût manqué un dirigeant exceptionnel. Mais, comme nous le disions tantôt, Allah Le Très Sage fait bien les choses, puisqu’Il avait permis au Niger d’être, un jour, dirigé par Issoufou Mahamadou. A l’épreuve du pouvoir, les uns et les autres ont pu certainement voir ce que cette présidence a produit pour le pays, en une décennie : un pays profondément divisé, fracturé en mille morceaux, une économie exsangue dominée par une corruption endémique à un niveau stratosphérique, une insécurité permanente et une angoisse existentielle pour des lendemains incertains. Or, le hic, c’est que les mythes vivants ne résistent pas aux épreuves des faits et du temps, et il en est ainsi, aujourd’hui, d’Issoufou Mahamadou. Cependant, les Nigériens, dans leur écrasante majorité, lui auraient sans doute pardonné toute cette imposture monstrueuse ayant caractérisé sa gouvernance, si, un tant soit peu, il avait réellement oeuvré pour une véritable alternance politique au pouvoir, en lieu et place de cette mascarade électorale dont nous payons cash, aujourd’hui, les conséquences. Mais, ce serait sans doute trop demander de la part du personnage, ou ce serait tout simplement oublier que l’individu en question n’était pas capable de s’élever à la hauteur d’une telle vertu, à cause justement de sa nature foncière faite d’une grande part d’orgueil démesuré, voire de vanité crasse. Bref, voilà où aura conduit le Niger la perte des dimensions réelles du temps chez ‘’l’homme de la renaissance du Niger’’ !

Le tendon d’Achille du président Mohamed Bazoum est sans doute son Premier ministre

Parfois, journalistes et autres observateurs de la vie politique nationale se montrent assez sévères vis-à-vis du président Bazoum Mohamed en lui demandant, chaque année, de présenter un bilan aux Nigériens. Mais, l’on oublie ou feint d’oublier qu’il n’est pas exigé du Chef de l’Etat, dans un régime semiprésidentiel semiprésidentiel comme le nôtre, de se livrer à un tel exercice, chaque année, car il a été élu sur la base d’un programme quinquennal. Ce sera seulement à la fin de son mandat, lorsqu’il voudra solliciter à nouveau les suffrages des électeurs nigériens, qu’il devra se résoudre à se soumettre à cette obligation périlleuse pour lui. Ce sera en ce moment précis que les uns et les autres pourront lui reprocher de n’avoir pas fait ce qu’il avait programmé de réaliser durant son quinquennat. Mais, en réalité, si nous en sommes-là, c’est tout simplement à cause des survivances du régime d’Issoufou Mahamadou qui, dans sa propension à l’ostentatoire, avait artificiellement créé ce cirque annuel destiné à donner des chiffres insultants pour l’intelligence des citoyens nigériens sur ses soi-disant réalisations de son pompeux ‘’Programme de la Renaissance du Niger’’. En son temps, à l’entendre parler de son bilan, l’on se croyait déjà dans un eldorado nigérien, tant le tableau présenté était d’un pittoresque digne des pinceaux de Vincent Van Gogh ou de Claude Monet, probablement, les deux plus grands peintres de l’Histoire ! Voilà, peut-être, d’où serait venue cette erreur d’appréciation de l’action présidentielle !

En revanche, le Premier ministre, lui, n’a pas de mandat précis dans le temps, car il peut être démis de ses fonctions à tout instant. Le président Tandja l’avait fait, en 2007, en faisant partir son Premier ministre de l’époque, Hama Amadou, par une motion de censure à l’Assemblée nationale, après sept ans et demi passés à la tête du Gouvernement. Pourtant, à cette époque, l’on se rappelle bien que c’étaient Issoufou Mahamadou et ses partisans qui fustigeaient cette longévité de Hama Amadou à ce poste, mais cela ne l’avait point gêné de garder, durant ses deux quinquennats, le même Premier ministre, Brigi Rafini. Quelle inconséquence, diriez-vous sans doute !

C’est plutôt la DPG du PM qui doit faire l’objet d’une évaluation régulièrement

Comme vous le savez, depuis que le Niger contemporain a fait le choix du système démocratique, au début des années 90, c’est toujours le régime semi-présidentiel qui a été en l’honneur, sauf entre 1996 et 1999, période durant laquelle le général Baré avait doté le pays d’un régime présidentiel. Or, le régime semiprésidentiel est apparu dans l’Histoire des systèmes politiques comme une spécificité toute française conçue et inventée par la pensée politique gaullienne qui ne voulait pas d’un régime parlementaire jugé assez instable, et d’un régime typiquement présidentiel à l’américaine. Comme vous le savez, le général Charles de Gaulle vouait une haine mortelle contre les partis politiques qu’il accusait d’être souvent responsables des crises politiques ayant caractérisé les III et IV Républiques. C’est pourquoi il avait imaginé ce système hybride de semi-présidentiel qui empruntait un peu de parlementarisme et un peu de présidentiel, avec un Premier ministre comme chef du gouvernement. Le PM est acteur clé dans ce genre de système qui ne peut être démis directement par le président de la République, sauf par une motion de censure. Mais, en pratique, le général de Gaulle avait su faire preuve de beaucoup d’ingéniosité en demandant au PM qu’il nommait de lui transmettre une lettre de démission signée mais non datée. Ainsi, lorsqu’il voudra s’en séparer, il sortira seulement cette lettre de démission qu’il fera antidater, en s’évitant une procédure parlementaire incertaine, puisque, généralement, le PM est issu de la majorité parlementaire. Comme on le voit, le PM, en régime semi-présidentiel, est un personnage important, car en période de cohabitation, il efface même le président de la République. C’est lui qui détermine et conduit la politique de la nation. A cet effet, il produit ce que l’on appelle la Déclaration de Politique Générale (DPG) du PM qu’il présente devant l’Assemblée nationale pour demander la confiance du parlement. Cette DPG articule les principales orientations de son action à la tête du gouvernement. Durant le mandat du président de la République, c’est la mise en oeuvre de cette DPG qui doit constituer le centre d’intérêts de l’action gouvernementale. Ainsi, aujourd’hui, s’il y a un bilan à demander, ce ne sera au PR Bazoum, mais bien au PM Ouhoumoudou Mahamadou responsable de la mise en oeuvre du programme politique du PR. Or, c’est justement à ce niveau que se pose le problème, puisque le gouvernement d’Ouhoumoudou ne brille pas par de résultats tangibles. Récemment, pour se bouger les fesses, comme on dit, il avait requis les services de la Cellule d’Analyses des Politiques Publiques et d’Evaluation de l’Action Gouvernementale (CAPPEG), en vue de faire une évaluation de la DPG dans certaines de ses composantes. Elle-même, la DPG, en tant que telle, n’est pas un document lisible, bien élaboré, mais bien un catalogue de voeux pieux sans aucun lien les uns avec les autres. En un mot, c’est un bric-à-brac, qui n’est soustendu par aucune vision politique claire et arrêtée, et c’est d’ailleurs la raison principale pour laquelle sa mise en oeuvre se révèle difficile, voire impossible. Voilà, en quelque sorte, les causes objectives qui expliquent l’absence de résultats au terme de ces deux années de la présidence de Bazoum.

Et en cela, le président Mohamed Bazoum est désarmé, car il ne peut démettre le PM directement, le seul moyen restant la motion de censure. Or, à l’Assemblée nationale, sa marge de manoeuvre reste très limitée face au contingent de députés PNDS toujours aux mains de l’ancien système auquel appartient Ouhoumoudou. Le président Bazoum est ainsi condamné à cohabiter avec un Premier ministre incompétent mais puissant politiquement. De grâce, évitons-lui ce supplice de présenter un bilan, chaque année !

Amadou Madou