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Conseil Supérieur de la Communication (CSC) : Le bilan désastreux de Kabirou Sani

L’Etat du Niger, depuis quelques années, même avec un budget que d’aucuns considèrent comme dérisoire au regard de l’important travail d’information et d’éveil des consciences que jouent les médias privés, avait consenti d’appuyer les entreprises de presse dans un pays où le journalisme nourrit peu son homme. L’initiative est sans doute louable, mais certainement insuffisant quand on sait, qu’entre-temps, le champ médiatique s’est largement étendu avec aujourd’hui, de nombreuses télévisions et radios privées, et des journaux, quotidiens et hebdomadaires, qui sont venus enrichir l’environnement médiatique, la diversité des opinions et surtout la confrontation et la contradiction des opinions et des idées dans une démocratie que les Nigériens veulent vivante et dynamique. On se rappelle que le 07 février 2023, le président de la République recevait à son cabinet une délégation du Réseau des Radios et Télévisions indépendants du Niger, conduit par son président Ali Idrissa pour échanger autour de questions qui préoccupent le monde des médias. Une telle rencontre avait permis de faire le tour des difficultés auxquelles font face les médias nigériens dont, au-delà de l’accès inéquitable à la publicité, le régime fiscal insoutenable étouffant qui ne peut que nuire à l’émergence des organes de presse, l’accès à la redevance sur les factures d’électricité qui doivent profiter à tous les médias aujourd’hui étant entendu que les organes d’Etat ne sont plus les seuls à informer, à conscientiser, à distraire, il y avait surtout le fonds d’aide à la presse, mal réparti et insuffisant pour les raisons que nous évoquons plus haut. Il faut reconnaitre que 200 millions pour des dizaines de médias, y compris des radios communautaires qui envahissent l’espace médiatique, est insuffisant surtout quand on sait que dans d’autres démocraties, ce n’est pas moins du milliard que les Etats consentent à soutenir le rôle on ne peut important que jouent les organes de presse.`

Mais voilà qu’au Niger, alors que cette somme est insuffisante, l’on se rend compte qu’elle est devenue, aux mains du régulateur somme toute partisan, un moyen pour tenter d’étouffer des organes mal-pensants, ceux qui, très critiques, ont cru, dans la démocratie qu’il est de leur droit autant que de leur devoir, de ne pas chanter un régime et de dire ce qui ne marche pas dans ce qu’il fait. N’est-ce pas que l’ancien CSC doit aujourd’hui se rendre compte qu’une telle vision étriquée du partage du fonds d’aide à la presse, pour autant, n’a ni entamé le combat que mènent ces organes au nom de la démocratie ni empêché qu’ils soient les plus réguliers au niveau de la presse écrite et les plus lus, écoutés et suivis au niveau des journaux, des radios et des télévisions privées. Pourtant, pour l’intellectuel qu’il est, il sait bien que le fonds d’aide à la presse n’est ni de l’argent qu’un parti donne aux journalistes, ni celui qu’une personnalité quelconque donnerait gracieusement aux médias, mais bien l’argent du contribuable qui doit, par l’égalité qui fonde la République, profiter à tous les citoyens dont le travail correspond à ce que la démocratie attend d’un média.

Sans doute que les lecteurs et les auditeurs et téléspectateurs ont été ébahis d’entendre, à chaque session de répartition du fameux fonds, la « sentence » du CSC, distribuant « son » argent à qui il veut, se basant sur des critères qui n’ont convaincu personne sur la terre. L’arrivée de Bazoum Mohamed au pouvoir a changé beaucoup de choses mais il reste encore énormément à faire pour que la presse nigérienne soit véritablement une presse de qualité où le journaliste, par son libre arbitre, peut, par sa conscience professionnelle faire un travail de service public de qualité. Depuis quelques temps, en effet, pour couvrir les activités du président et même du gouvernement, c’est une diversité de médias qui sont invités, contrairement à une époque où les « médias-ennemis » sont radicalement et soigneusement écartés dans l’espoir insensé de les affamer par une telle exclusion. Evoluant dans cette logique, le comportement partisan du CSC a fini par amener bien d’organes de presse, au nom de critères douteux qui les départagent, par ne plus souscrire au fonds d’aide, conscients des injustices et des subjectivités qui caractérisent le classement des organes de presse. Est-il donc normal, parce qu’on est catapulté responsable d’un organe aussi important dans la vie des médias et de la démocratie, que l’on en fasse à sa tête, pour en faire un moyen de pression et agir comme si l’argent consenti par l’Etat est sien pour décider de faire avec ce que l’on veut ? Et depuis combien d’années, beaucoup de médias, notamment de la presse écrite, ne postulent plus à cause de telles pratiques au fonds d’aide de la presse qui, en principe, doit profiter à tous les médias tant que leur existence, leur rôle est reconnu ? On se demande même, par une telle démarche ce que cherche le CSC. N’est-ce pas une volonté chez le fameux régulateur, par l’argent dont on lui donne le privilège de manipuler, de tenter d’anéantir, d’instrumentaliser les médias et surtout de les prostituer ? Est-ce donc la qualité que le CSC promeut ou la médiocrité en réduisant tous les médias au rang méprisant de griots obligés d’un régime ? Croit-il sincèrement, encore une fois, pour ‘’l’intellectuel’’ qu’il est, que c’est aider un pouvoir que de se refuser à lui faire entendre, audelà des flatteurs de service, ce qui, objectivement, ne marche pas et risque de le conduire à sa perte ? On ne critique pas parce qu’on n’aime pas : on critique pour que ça change, on critique pour promouvoir le meilleur ! Kabirou Sani ne le sait pas ? Qui ne se rappelle pas les « valeureux » titres promus et soutenus, pourtant irréguliers dans bien de cas et d’un contenu on ne peut plus sobre et sans envergure ? Estce ce travail-là que le CSC est censé faire au nom de la régulation ? Cette équipe qui s’en va a sans doute dévalorisé le rôle du CSC, l’a éloigné du rôle magnanime qu’il est appelé à jouer pour l’émergence d’une presse de qualité dans un environnement médiatique et démocratique fait de fair-play et de solidarités professionnelles. Nous sommes différents par nos choix éditoriaux, mais nous restons pour agir dans la confraternité, et dans la fraternité !

Depuis quelques jours, un nouveau CSC est en train de se mettre en place, le premier sous l’ère Bazoum. Tout en lui souhaitant bonne chance dans son travail qui doit se faire dans la justice et l’équité, différemment de ce que nous décrions aujourd’hui, nous voudrions appeler la Halcia, à investiguer sur la gestion que fut celle de l’ancien CSC, et notamment de Kabirou Sani, à la tête de la structure de régulation.

S’il s’agit de distribuer du matériel, le ministère n’est-il pas plus indiqué pour lancer des marchés d’acquisition, selon les procédures consacrées, du matériel de pointe et de qualité pour les céder aux organes afin de les aider à faire mieux leur travail ? En tout cas, depuis quelques années, Kabirou Sani a changé les critères et les manières et concédant peu d’argent, il a concocté des textes pour qu’une part du fonds soit dédiée à la formation de journalistes et d’achat de matériel par les soins de son service. Il fallait donc se créer un moyen de gérer de l’argent d’autrui et on sait, au Niger, la finalité probable : grignoter le fonds d’aide au moyen de surfacturation et de dessous de tables par les choix clientélistes de fournisseurs.

Le régulateur affairiste ?

Dans la veine d’un système qui l’a généré et installé, ce CSC se croyant mieux savoir décider pour les organes de presse, avait imposé une répartition des fonds dédiés à soutenir les médias dans leur effort de service public et d’animation de la vie démocratique, portant par leur diversité la contradiction qui est l’essence même de la démocratie. Comment les hommes de médias et notamment les promoteurs des différents organes puissent ne pas savoir ce qu’ils doivent faire d’argent, fussent-il des millions, pour qu’un autre décide à leur place de le dépenser sans connaitre leurs problèmes, leurs ambitions dans le travail qu’ils font ? Pourquoi c’est un autre qui décide des dépenses à faire sur leurs aides en leur achetant du matériel et en leur offrant des formations pas forcément utiles pour tous, en tout cas dont les contenus jusque là ne peuvent rien changer ni dans la pertinence ni dans la maîtrise du métier et de la déontologie ?

La vérité c’est que le job de Kabirou Sani et de son CSC s’est révélé, à la limite, de l’arnaque. En effet, après avoir « offert » le « précieux » matériel, l’on s’est rendu compte qu’il s’est agi de matériels de seconde main recyclés et dont la seconde vie – les acquéreurs devant s’en rendre compte très vite – fut d’autant courte qu’ils n’ont pas tardé à lui renvoyer son matériel obsolète, sans doute acheté à coup de millions, et finalement non performants. Comme on voit, il y a quelque chose de peu catholique dans la gestion qui fut celle du CSC sortant. Il y a donc à fouiller cette gestion dans laquelle les organes de presse avaient été lésés au nom de calculs mesquins où des gens ont voulu certainement profiter, à leur manière, du fonds d’aide à la presse.

Le temps de rendre compte de sa gestion est sans doute arrivé. A suivre !

Ali Soumana