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Bilan de deux ans de Renaissance III : Quand Bazoum peine à relever les défis d’un pays mis sur cales

Bazoum Mohamed a deux ans au pouvoir. Il serait faux de dire que rien n’a été fait. Il a montré une volonté de faire, d’agir et de changer, mais il lui a manqué l’énergie suffisante pour faire bouger les montagnes, tant l’adversité qu’il a en face de lui, non pas à travers son opposition qui s’est d’elle-même laminée, presque inexistante aujourd’hui, mais à travers ces vents contraires qui le contrarient dans le parti, ne pouvant le laisser gouverner librement. Dieu sait combien il souffre de ne pas pouvoir et surtout de savoir que d’ici trois ans, il aura à présenter devant les Nigériens un certain bilan qui pourrait ou non lui valoir d’être choisi par le peuple pour un second mandat, à ce stade encore, sans doute hypothétique. « Son » PNDS a fini par lui enlever toute la fierté qu’il avait à accéder au pouvoir et ce depuis qu’il s’est rendu compte qu’il ne peut gouverner par lui-même, tenu de collaborer avec un autre qui serait, dans les propos de bien d’analystes, son bienfaiteur. Lui, pour avoir fait le terrible constat depuis qu’il est à la tête du pays des vrais problèmes du pays, comprend aujourd’hui la taille « abyssale » – c’est son mot – des défis qui se posent au pays pour mieux comprendre que le mandat qu’on lui a accordé au coeur de tant de malaises n’est pas dans un tel pays une mince affaire. Il sait, même s’il doit se contenter d’un certain discours optimiste pour ne pas démotiver les bases, que le pays va mal, que l’argent manque, que l’école est à terre, que l’économie est exsangue, que l’insécurité est problématique, que la misère est grandissante, la paupérisation s’attaquant à toutes les couches sociales. Il sait depuis qu’il trône au pouvoir que le pays manque de routes alors qu’il en a promis, à tant de populations rencontrées pendant la campagne électorale, que la Santé est à repenser pour lui accorder d’importants investissements, et surtout – et c’est le plus grave – que le pays est divisé du fait d’une politique de l’exclusion et du clanisme abject institués par le système qui l’a précédé.

Lourd héritage…

Comme on le voit, Bazoum Mohamed hérite d’un pays compliqué, difficile à redresser sans passer par l’incontournable besoin de justice que ressentent les Nigériens spoliés et blessés. Par où commencer ? Par la sécurité ? La sécurité urbaine quand nos villes, depuis quelques temps, sont en train de se « faveliser » ? Les infrastructures routières y compris dans la capitale où la ville s’est étendue depuis des années sur de nouveaux quartiers inaccessibles et dangereux, aux voies sableuses et accidentées ? L’administration à remettre au travail en valorisant les compétences et l’obligation de résultats et en combattant les maux qui la minent ? Les arts et les cultures délaissées, sans perspectives ? L’école encore à la traine, avec un projet, LIRE, qui nourrit des hommes, non l’école pour laquelle il a été conçu ? La Santé, elle-même malade dans le pays ? Rassembler les Nigériens pardelà les différences et les contradictions ? Il n’y a que trop à faire dans ce pays et Bazoum, depuis des mois, l’a compris. Il marche et hésite ; doute et, peut-être aussi, ne comprend plus. Il sait que le chantier est immense et que seul, notamment avec la gent voleuse qui l’accompagne, il ne peut pas engager plus de victoires qu’il en aurait souhaitées. Il est donc comme pris au piège après que, dix ans durant, le système que mettait en place son prédécesseur, avait, par le Wassosso préréglé, pillé le pays, détruit l’économie, déréglé l’administration et l’armée, pour le désigner non pas à réparer mais à protéger et à couvrir avec ses mains philosophiques le vol et la concussion. Comment ne pas comprendre les tergiversations de Bazoum Mohamed depuis que, mis devant un tel dilemme, il sait l’inconciliable rôle qu’il a à assumer : agir bien pour le Niger et pour les Nigériens sans faire mal à ceux qui, le portant au pouvoir, devraient l’exiger de sa part pour mériter leur soutien et leur confiance et ce alors même qu’ils sont ceux qui ont mis le pays dans un tel piteux état. Sauf qu’après son mandat, c’est le peuple qui le jugera non le PNDS. Et le peuple, Bazoum doit le comprendre, finira par prendre ses responsabilités et forcément, il aura le dernier mot. Il doit pour cela faire le bon choix, pour lui et pour le Niger.

Quel bilan donc, peut-on aujourd’hui dresser de la gestion de deux ans de la part du Président- philosophe ? Il est maigre comme les dernières récoltes dans le pays. La première année déjà, il n’en voulait pas parler, refusant cet exercice de la présentation à ses concitoyens du bilan de sa première année de gestion. Il n’avait pas tort, car au moins, peut-on lui reconnaitre, une certaine humilité par laquelle il pourrait ne pas aimer les mensonges et les montages, les flatteries hypocrites. Il assumait alors. Mais aujourd’hui, après qu’on ait réussi à l’isoler et à le dompter, on apprend que son gouvernement va se livrer à cet exercice, avec déjà, apprend-on sur la télévision publique, des équipes qui sont envoyées dans les différentes régions pour dresser la liste des réalisations et venir les présenter aux Nigériens qui doutent que trop de choses aient été faites. On apprendra certainement que des classes sont construites et sont en chantier, que Kandadji a été relancé, que l’oléoduc et en bonne voie, que des tentes marocaines ont été construites dans des universités publiques, que des avancements chez les travailleurs enseignants sont régularisés, que la télévision nationale a changé de nom, et patati patata. C’est vrai qu’il y a dans ce que nous citons, des choses qui relèvent de l’ironie, mais sans doute qu’il en a parmi de l’ordre de ce que l’on peut objectivement saluer. Pour nous, le plus grand bien de cette gestion, c’est surtout d’avoir décrispé un climat politique et social délétère, excessivement tendu et ce depuis quelques années que des Nigériens ne pouvaient plus s’assoir autour d’une même table pour se parler. Peut-être même qu’il aurait aimé faire davantage dans ce domaine car le Niger dont il a hérité, a plus que jamais besoin de tous ses enfants, de toutes ses intelligences, pour, ensemble, relever les défis immenses qui se posent à lui.

Parce que le Niger, sur le continent, reste dans la situation inconfortable que vit l’Europe en général et la France en particulier, objet de vifs rejets, le pays chéri de l’Europe et de l’Amérique impérialistes, l’on entend ici et là des discours flatteurs qui présentent le Niger comme une île du monde où le mal n’existe plus. Ce n’est pas vrai. Car, contrairement ce que l’on entend de la part de certains partenaires qui tiennent ces éloges intéressés à l’endroit d’un Niger convoité et de son régime, et notamment de la part de David Malpass récemment lors de son passage à Niamey, il y a ce Niger de la réalité fait de rancunes et de malaises. Bazoum Mohamed en est conscient, pour travailler dès son arrivée au pouvoir à décanter une atmosphère devenue irrespirable, à diluer des haines et quelques venins morbides. Bazoum, faut-il le croire, comme le pensent bien d’observateurs, a été piégé pour forcer l’impossible qui voudrait qu’il protège tous ceux qui ont pillé et volé ? Comment peut-il inventer ce Niger normal sans demander des comptes à ceux qui l’ont «anormalisé» par les choix politiques irrationnels qu’ils lui ont imposés et surtout par les contrevaleurs qu’ils y ont cultivées et entretenues pour l’émergence de leur clan ?

Relever un pays en panne… Il s’agit pour le Président de profiter de la détente politique qu’il a réussie à instaurer dans le pays même si la situation reste volatile et fragile, pour réunir le peuple autour de l’essentiel, autour d’un projet de société qu’impose le contexte pour sauver l’essentiel, c’est-à-dire le Niger. C’est d’autant possible que par l’élégance qu’il a eue à gouverner autrement, il est arrivé à émousser tant d’agressivités qu’il pouvait voir en d’autres temps autour de lui, pour enfin s’approcher de tous les Nigériens et les mettre au travail pour la « cause commune ». C’est la seule façon pour lui de sortir du bourbier dans lequel le poussaient ses amis qui, en vérité, n’aiment pas trop qu’il soit si différent et surtout qu’il fasse mieux que leur champion, le Zaki qui n’a laissé que trop de mauvais souvenirs aux Nigériens. S’il le fait, au prochain anniversaire de son arrivée au pouvoir, il verra un Niger qui change, qui bouge, qui scintille comme lors de son dernier voyage au Benin, il a pu voir comment, par la volonté et le choix raisonné d’utiliser les compétences nationales à portée de main, et avec un peu de rigueur avec soi-même et avec les autres, Patrice Talon a réussi à changer profondément son pays.

La mission que Bazoum Mohamed a à remettre sur pied un pays qui va mal n’est pas aisée. Il s’agit pour réussir de prendre le contre-pied de tout ce qui a été fait avant lui et qui a profondément provoqué tant de malêtre dans le pays. Se dresser contre les injustices, contre les inégalités instituées, contre le clanisme instauré, contre la paresse cultivée, contre l’affairisme développé, contre l’enrichissement illicite convoité, contre le vol normalisé, reviendrait à se mettre en travers de tous ceux qui, de son parti ou d’ailleurs, sont les promoteurs de tant de vices et de contre- valeurs dans le système que le PNDS d’Issoufou mettait en place en 2011 pour trahir ses combats et son pays. C’est donc un Niger en panne, mis sur cales, qu’Issoufou a remis dans les mains de Bazoum, non pour le réparer, prendre soin de lui mais, répétons-le, pour prendre soin d’une pègre incorrigible, pour protéger un sérail vicieux de l’ancien président qui se sait fautif, et pour laisser prospérer au nom de la continuité négociée et imposée, les tares décriées pendant dix années de socialisme de contrebande, de contrefaçon et gangstérisme politique .

Dans sa course folle, la montre ne donne pas d’autres choix au président Bazoum Mohamed que d’aller plus vite pour rattraper le retard accumulé pendant les deux premières années d’hésitation et de surplace afin d’être plus à l’offensive pour oser des décisions courageuses qui lui donnent enfin la chance de décoller véritablement en donnant un contenu concret à son programme par rapport auquel le peuple, dans trois ans ; le jugera. C’est pourquoi, il ne doit pas trop se fier à ce que, de leurs missions, les équipes envoyées à travers le pays ramèneront pour l’éblouir et lui faire croire que tout est rose dans le pays, comme, du reste, on l’a fait à Issoufou et lui s’en était gavé à satiété. Il s’agit donc pour lui d’être plus exigeant vis-à-vis de lui-même, et d’imposer l’obligation de résultats à ses collaborateurs, à tout le monde, à lui-même. Il en est capable. Ceux qui n’ont pas de résultats, et qui n’occupent des postes que pour les privilèges qui y sont liés, n’ont donc aucune raison de continuer à siéger dans l’équipe. Il faut alors exiger tant du gouvernement que de toute l’administration, y compris de la hiérarchie de l’armée, pour conserver des postes, de les mériter par les résultats que les uns et les autres doivent apporter dans les différentes positions qu’ils occupent. C’est le Niger qui doit briller, non quelques hommes, quelques privilégiés ! Le Niger ne peut plus et ne doit plus s’accommoder de la nullité, de la médiocrité, de toute cette horde d’acteurs et de cadres peu motivés, peu intègres mais avides de brillance, pour laisser émerger les cadres compétents et probes que l’on trouve aussi – osons-nous croire – au PNDS qui doit impérativement se débarrasser de cette gestion oligarchique du pouvoir où, au lieu du parti, ce sont les familles du patronat socialiste, avec épouses et enfants, qui sont promus en lieu et place des militants marginalisés. On peut d’ailleurs relever que sur un tel point, pour le moment, il n’y a que Bazoum qui ne peut être cité dans cette pratique par laquelle, presque tous les caciques se sont accordés le privilège de caser leurs héritiers. De les hisser au sommet de la montagne, pardon, de l’échelle…

Mairiga