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Changement d’équipe gouvernementale : Les chefs de partis alliés devront-ils faire leurs valises ?

L’annonce d’un remaniement en profondeur est une vieille rumeur, diront les plus sceptiques. Mais elle reste, même officieuse, une information fondée, tout à fait opportune, pour le système et pour le pays. La Renaissance acte III ne peut pas faire long feu dans cette inertie suicidaire. Nous l’avons plusieurs fois annoncé, mais les Nigériens ont tellement attendu qu’ils n’y croient plus. On comprend leur impatience face à la permanence de l’inefficacité dans ce temps qui passe, et même, dans certains cas, face à une nullité de la part de certains membres du gouvernement Ouhoumoudou. Il y a cependant de l’unanimité à reconnaitre que cette équipe ne gagne pas et il y a pour cela de bonnes raisons de la changer. Qu’y a-t-il d’ailleurs à faire d’une équipe qui ne gagne pas sinon que de la congédier ? Dès le départ, au-delà du fait que les observateurs de la scène politique reprochaient à certains des membres de l’équipe gouvernementale – et ils sont nombreux – d’avoir mal géré et donc d’avoir à répondre de leur gestion, l’on savait que l’esprit de partage et le contentement d’un certain nombre d’acteurs qui ne tiendrait compte ni de leur probité encore moins de leur compétence, ne peut aider à insuffler une dynamique à l’action gouvernementale, et permettre, ainsi que le voudrait Bazoum, de « consolider et avancer », slogan euphorique du candidat Bazoum. La machine est donc grippée depuis deux ans qu’elle trottine, braillant laborieusement, sans pouvoir avancer, plantée. Le capitaine même du navire haletant – Ouhoumoudou – n’étant plus dans son époque, ne sait où donner de la tête car le seul critère qui pourrait avoir décidé de sa cooptation, n’est autre que d’être de la « maison », alors même que partout où il est passé, à la banque comme au gouvernement, il n’a fait montre d’aucune efficacité : partout, il avait prévariqué. Peut-être même, s’en est-on plaint à un certain niveau de son manque d’envergure et de charisme, de leadership même. Cet homme, gravement silencieux et terne, n’est pas de l’époque.

Changer de cap…

Mais en vérité, pour être plus objectif – et même si le poisson ne pourrit que par la tête – il reste tout aussi vrai que bien des éléments qui avaient été choisis ici et là pour former le gouvernement, selon les sentiments et non la rigueur politique et administrative, ne peuvent rien apporter à Bazoum Mohamed de l’ordre de ce qu’il ambitionne pour gérer mieux. Il reste surtout que ceux qui lui ont été imposés, répondant plus de son prédécesseur que de luimême, ne peuvent vouloir qu’il fasse mieux que leur champion qui souffre d’impopularité et d’un rejet massif de la part du peuple du Niger. Comment voudra-t-on que, dans un système, la démocratie puisse s’accommoder de promotions qui se feraient sur la base de considérations familiales, consanguines ? Quel ravage pour nos valeurs longtemps incarnées que de vouloir aujourd’hui faire de son enfant un ministre ? Comment les pères fatigués ou inaptes, à défaut de leurs propres personnes, ne trouvent un autre à promouvoir que leurs propres enfants adorés jusqu’à la maladie comme des pères Goriot de la nouvelle époque ? Avec un tel esprit rétrograde, un autre aura-t-il de bonnes raisons de venir militer dans de tels partis ? Pourquoi l’enfant d’Algabid ou d’Issoufou doivent-ils être des ministres ? Est-ce parce qu’ils sont plus militants que ceux qui ont accompagné les pères depuis souvent trente ans dans le parti ? Sont-ils plus intelligents ? Ont-ils plus d’expérience ? Dans le pays, on ne connait pas ça. Que des pères, en politique, coachent leurs enfants, les propulsent sur l’arène, sans qu’on ne les ait jamais remarqués dans l’activisme politique ne rassure pas dans un pays qui a choisi de faire de la démocratie en promouvant des valeurs d’égalité et de justice. L’observation est d’ailleurs valable au-delà du gouvernement, car la pratique, chez les socialistes, est de mode, avec chacun – en tout cas dans un certain cercle du parti – essaie de placer son rejeton, si ce n’est sa dulcinée, ou un gendre, etc. Avec de telles pratiques d’un autre âge, assurément, que Bazoum ne peut pas faire décoller sa Renaissance avec son moteur de dernière génération (acte III, dit-on) qui doit fonctionner avec des pièces de modèles dépassés et déjà en panne. Il y a donc urgence pour lui à changer, à revoir même les éléments constitutifs de sa machine étranglée. Il y pense et sans doute aussi qu’il a compris une part du problème.

Du drame de l’incompétence des hommes…

Ce diagnostic situe la responsabilité de l’échec à certains choix et notamment des hommes. En effet, l’on apprend depuis quelques jours que tous les chefs de partis, dont certains sont très médiocres, doivent se préparer à faire leurs valises car, la Renaissance acte III ne peut plus continuer à compter avec eux surtout quand, pour le travail pour lequel ils s’étaient désignés euxmêmes, abusant de leur pouvoir de régenter un parti, ils ne peuvent être capables de convaincre et de donner des résultats. Si tant est que ces partis existent, et qu’ils comptent en leur sein des cadres compétents, des technocrates, c’est ceux-là qu’il faut promouvoir, pour les laisser, par leur savoir-faire, donner le meilleur d’eux-mêmes à leur pays dont la construction est leur affaire. La volonté d’assainir l’équipe gouvernementale, en y chassant les leaders politiques, ne vise qu’à avoir un gouvernement de technocrates, notamment d’hommes et de femmes capables de concevoir et de mettre en oeuvre des actions qui peuvent changer la dynamique gouvernementale et provoquer les mutations souhaitées dans leurs domaines de compétence. Il s’agit donc d’insuffler du sang nouveau au gouvernement en lui donnant des hommes et des femmes dont l’inspiration peut fondamentalement réorienter l’action du gouvernement pour engranger plus de victoires. La volonté de se ménager les uns et les autres a fait perdre beaucoup de temps. Inutilement.

Le constat est donc amer. Depuis que des chefs de partis trônent à la tête de départements ministériels, ils en ont fait des QG (quartiers généraux) de leurs partis où une certaine clientèle politique avide de bavardages et de ragots, «d’enveloppes friquées» et de marchés vient déranger dans le travail par des visites intempestives. Hors du gouvernement, ces derniers pourront mieux s’occuper de leurs militants en se faisant plus disponibles pour les écouter et les entendre. La démarche nous parait pertinente car il s’agit de mettre en avant le travail, plus que la politique politicienne, ce clientélisme de mauvais aloi qui a ruiné notre administration. Tout ne doit pas être que politique. On est ministre pour travailler, pas pour contenter des militants.

Gouverner autrement…

Dans cette nouvelle lecture de ce que doit être et doit faire le gouvernement, l’on aura compris que Bazoum Mohamed doit reprendre les manettes du jeu pour avoir un contrôle de son pouvoir qui, faut-il le rappeler, est plus de lui qui répondra seul devant les Nigériens que du parti, ainsi que certains milieux du parti voudraient le lui faire croire. Et il l’aura d’autant compris qu’il a fini par savoir que le noeud du problème est d’abord de manquer d’avoir à opérer le choix des hommes. Un autre, de son expertise étriquée de champion en tout, ne peut continuer à lui dicter ce qu’il doit faire étant entendu que ce n’est pas lui qui est allé prendre des engagements avec le peuple et surtout que ce n’est pas lui qui a juré sur le Noble Coran pour prendre l’engagement de se mettre résolument au service des Nigériens.

Donc, aujourd’hui, Bazoum n’a plus à tergiverser. Il doit avoir l’audace d’oser poser des actes au lieu de ressasser des intentions infinies. Car, plus que les défis et les opposants internes qu’il a dans son parti et dans le système, il sait aussi qu’après deux années sans un véritable bilan, c’est aussi la montre qui joue contre lui.

Or, le temps perdu ne se rattrape jamais…

Mairiga