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Accord de défense et coopération militaire : La grande confusion

Confusionniste est un terme abondamment utilisé dans les assemblées générales du syndicat des scolaires et étudiants. Du temps où les actuels dirigeants de ce pays étaient des tribuns sur les esplanades des universités, le terme s’adressait généralement et exclusivement aux orateurs Maoïstes, pro chinois regroupés dans un mouvement appelé RNDP ou révolution nationale démocratique et populaire. Il faut dire qu’en ces temps, deux courants s’affrontaient dans le milieu syndical scolaire. Tous deux marxistes et léninistes. L’un d’obédience soviétique, stalinien, l’autre favorable aux chinois, maoïste. Les tenants de la ligne soviétique, ligne officielle de l’Union des Scolaires Nigériens, n’étaient moins confus que ceux de l’autre courant. D’autant qu’ils ne comprenaient pas complètement et même pas du tout ce qu’ils lisaient du marxisme. Ce sont eux, aujourd’hui, dans une grande majorité, aux affaires dans ce pays. Et comme on dit que l’habitude est une seconde nature, ils ont, dans la gouvernance, à l’échelle nationale, dupliqué ce comportement acquis dans le syndicalisme scolaire : la confusion. Les autorités en ont usé pour justifier et vouloir faire accepter le redéploiement des forces armées européennes au Niger. Le ton a été donné, dans un entretien avec une télévision française, par ministre des Affaires étrangères qui passerait pour l’idéologue du parti PNDS au pouvoir. Pour Hassoumi Massaoudou, l’autorisation de redéploiement des forces européennes au Niger, qui semble être plus un diktat des Français, est à mettre sur le chapitre de la coopération militaire que sur celui des accords de défense. Le président Bazoum ne serait pas tenu de requérir le quitus de la représentation nationale. D’ailleurs son prédécesseur l’a fait plusieurs fois au cours de ses dix ans de pouvoir ou plutôt de règne. Nonobstant ce droit, le président de la République va tout de même requérir un débat et un vote de l’Assemblée nationale sur le sujet. Avec le risque- illusoire- d’un vote de défiance. Beaucoup de Nigériens pensent que cela permettra surtout d’évaluer la solidité de l’alliance au pouvoir. Depuis plus d’un an que le président Bazoum est au pouvoir, on n’a pas l’impression que ça bouge. Tous les chantiers, les professions de foi peinent à démarrer. L’héritage de la gestion de son prédécesseur ? Les alliés sont ils insatisfaits du partage ? Depuis la sortie de Massaoudou, les alchimistes du droit ont trouvé le moyen de faire la différence entre la coopération militaire et les accords militaires de défense. Dans le cadre de ces derniers, il est dit que l’autre contractant vole au secours du second si le pays est attaqué. Les spécialistes du droit des renaissants ont trouvé les moyens d’ajouter au cas où l’attaque est du fait d’un pays tierce. Alors que dans le champ d’application de la coopération militaire, il s’agit simplement d’un appui en armes et en formation. En somme, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, il n’y a pas d’intervention d’un pays tierce. De la confusion. Simplement, il faut remarquer que le Niger est attaqué. Avec le redéploiement des forces armées européennes, c’est près d’une dizaine de milliers d’hommes combattants au sol. S’il s’agit strictement de coopération militaire- formation de nos soldats, appui en renseignements- a-t-on besoin d’autant d’hommes ? La présence sur notre sol d’autant de combattants étrangers, avec armes et bagages, ne va-t-elle pas au-delà de la simple coopération militaire ? Cette présence empiète sur le champ d’application des accords militaires. Les divergences entre Bamako et Paris sont- elles, à elles seules, la raison du départ des troupes françaises de ce pays ? Si l’on tient compte des informations de certains analystes français qui estiment que la présence au Mali n’a que pour principal objectif la protection des sources d’approvisionnement en énergie de la France, on comprendrait mieux ce qui se joue au Sahel. L’énergie nucléaire est vitale pour la France. Plus précisément maintenant avec la guerre en Ukraine. Et le Niger est producteur d’uranium et recèle d’importantes réserves. Le redéploiement au Niger s’explique aisément. Nul besoin de confusion.

La dernière conférence des cadres du président de la République ajoute de la confusion à la confusion. Certains nigériens ont été choqués, d’autres étonnés d’appendre que des terroristes ont été libérés, sur instructions du président de la République. Certes, pour la paix et la quiétude du pays, rien n’est à exclure. Dans un pays de droit, le respect de la légalité, des procédures doit être la règle. Il aurait suffi que le président, supérieur hiérarchique du ministre de la Justice, le patron du parquet, instruise l’accélération de la procédure pour juger en bonne et due forme les terroristes et qu’une loi d’amnistie soit promulguée. C’est aussi simple que ça. La libération de ces terroristes n’est pas simplement gratuite. On peut penser que l’objectif serait des négociations avec certains groupes. Toute chose que semble reprouver la France. C’est en tout cas le reproche qu’elle fait au Mali. A moins que cela ne soit une nouvelle carte pour la France. Honnêtement personne ne doit imaginer cela : utiliser ces terroristes pour déstabiliser plus le Mali. Avec la perspective de négociation, on se demande qu’elle serait l’utilité de la présence des forces européennes au Niger ? Tout ceci conforte l’ingéniosité de nos dirigeants. Ils jouent sur les tous les tableaux. Ils se munissent de plusieurs cartes. On appréhende mieux la nomination d’un certain conseiller à la présidence. Connu pour ses relations utiles, ses connexions douteuses, et ses liaisons dangereuses. Et surtout pour être le fils de son père. Il faut du tout pour faire un pays.

Modibo