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M. Salifou Labo BOUCHE, Président du Conseil Supérieur de la Communication

Monsieur le président, la journée mondiale de la liberté de la presse a été célébrée ce 3 mai avec la publication du rapport de Reporters Sans Frontières sur la liberté de la presse dans le monde qui classe le Niger à la 61ème place sur 180 pays classés, avec un score de 66,84 alors qu’en 2022, il occupait la 59ème place avec 67,80 points. Quel commentaire vous inspire le rang du Niger au moment où vous venez de prendre fonction à la tête du bureau du Conseil Supérieur de la Communication (CSC) ?

Je vous remercie de l’opportunité que vous m’offrez pour parler de cette journée mémorable de commémoration du 30ème anniversaire de la Journée Mondiale de la Liberté de la Presse et d’apprécier l’état de la liberté de presse au Niger. Je considère tout d’abord que la publication du rapport de Reporters Sans Frontières sur la liberté de la Presse dans le monde nous permet de découvrir le regard que les autres portent sur l’état de notre presse, aussi bien sur les avancées que sur les reculs observés, sur l’exercice de cette liberté si importante pour le fonctionnement de la démocratie et le comportement des différents acteurs médiatiques.

Il est vrai que le Niger a été classé 61ème cette année, perdant ainsi deux rangs par rapport à l’année 2022 où il était classé 59ème. Pour nous, malgré l’appréciation faite de l’état de notre liberté de presse par cette Organisation Internationale, le Niger occupe un rang honorable, car si on relativise nous occupons la 8ème place sur le continent. Ce qui est fort appréciable.

«Dans le contexte actuel de défis sécuritaires, plus que jamais, les acteurs médiatiques doivent faire preuve de plus de responsabilité et de professionnalisme dans le traitement de l’information»

Comme je l’ai dit à l’occasion de mon message le 03 mai devant la presse, nous pouvons faire mieux. Nous avions par le passé occupé le 29ème rang mondial et le 4ème rang en Afrique. Nous continuons toujours à considérer que la promotion et la culture de la liberté de la presse n’est pas seulement l’affaire du Gouvernement. Elle est une œuvre collective qui concerne à la fois, l’Etat, les citoyens, les organisations socioprofessionnelles des médias et le régulateur. Nous avons le devoir de la consolider, chaque jour, et ceci pour le renforcement de notre démocratie et de l’Etat de droit.

En matière de promotion et d’exercice de la liberté de presse quel message avez-vous pour les acteurs des medias dans le contexte actuel marqué par des défis sécuritaires, économiques, entre autres ?

A l’endroit des acteurs des médias, je leur rappelle que le cadre institutionnel, législatif et règlementaire dont nous disposons aujourd’hui est l’un des meilleurs de la sous-région. Il offre des garanties non seulement pour la libre expression des opinions mais aussi pour la communication audiovisuelle, écrite, électronique ainsi que l’impression et la diffusion qui sont libres. Mais tout cela est encadré par la loi qui trace les limites à ne pas outrepasser, qui impose le respect de l’ordre public, de la liberté et de la dignité des citoyens. Les acteurs médiatiques doivent observer une grande rigueur dans le traitement de l’information qu’ils diffusent ou publient en respectant scrupuleusement les règles éthiques et déontologiques. Les journalistes nigériens doivent être jaloux des acquis relatifs au cadre institutionnel et règlementaire sur la liberté de la presse. Je me réjouis qu’aujourd’hui, aucun journaliste nigérien ne soit en prison ou inquiété par rapport à l’exercice de son métier. Les incompréhensions commencent à se dissiper.

Dans le contexte actuel de défis sécuritaires, plus que jamais, les acteurs médiatiques doivent faire preuve de plus de responsabilité et de professionnalisme dans le traitement de l’information. Ils ne doivent en aucun cas céder à la tentation de la propagande, à la facilité de relayer toute information sans vérification aucune. A mon sens, la liberté et la responsabilité vont de pair. J’appelle vivement tous les acteurs des médias à faire constamment montre de professionnalisme et de responsabilité pour consolider les acquis et faire bouger les lignes, ensemble, en ce qui concerne les défis et difficultés qui se dressent au secteur de la communication.

Le Conseil Supérieur de la Communication entend mettre en avant une approche dialogique en sollicitant la participation de chacun et de tous, dans le respect des lois et règlements de la République.

Le Conseil Supérieur de la Communication a compétence dans les domaines de la presse écrite et électronique, la communication audiovisuelle et la publicité par voie de presse. Parmi ces domaines y en a-t-il un qui constitue aujourd’hui une priorité pour l’instance de régulation ?

Les quatre domaines que vous venez de citer relèvent, tous, de la compétence du Conseil Supérieur de la Communication. Il n’y a donc pas un ordre prioritaire à déterminer. Tout est primordial pour nous. C’est un devoir pour le CSC de réguler tous ces secteurs sans exclusive. Nous procédons pour cela au suivi de tous les médias grâce au dispositif technique dont nous disposons. En fonction des manquements constatés ou de saisine du CSC, nous engageons des procédures légales au niveau de deux commissions d’instruction constituées de Conseillers membres du CSC, à savoir la Commission Ethique, Déontologie et Carte de Presse et la Commission Suivi des Cahiers de Charges, Accès Equitable et Publicité. En relation avec les services techniques du CSC, notamment la Direction du Pluralisme de la Déontologie et de la Publicité, la Direction des Affaires Juridiques et du Contentieux et la Direction des Infrastructures Techniques et des Autorisations, un rapport est produit par la commission saisie au fond et soumis à la plénière qui décide en dernier ressort de la décision à prendre.

C’est dire donc que nous essayons de couvrir l’ensemble de notre champ de compétence. Mais il faut dire que nous ne disposons pas des moyens humains suffisants pour assurer convenablement notre mission au regard du nombre des médias à suivre.

C’est vous dire en substance que chaque pan des domaines que vous avez énumérés constitue une priorité pour le CSC.

Monsieur le président comment le CSC aborde la question de la régulation des activités des géants du Web et les préoccupations qu’elles soulèvent, qui sont les sujets sur lesquels a porté la conférence internationale à laquelle vous venez de prendre part à Fès ?

La question de la régulation des activités des géants du Web ou plus particulièrement des plateformes du numérique est une grande préoccupation pour les régulateurs africains. C’est le nouveau défi qui se pose aux régulateurs des médias. Les débats qui se posent ont trait à la question de la responsabilité des plateformes numériques dans la diffusion en ligne d’infox et de contenus préjudiciables à la paix, à la cohésion des sociétés, au vivre ensemble, à la dignité humaine et à la santé publique. Ensuite en raison de la prolifération de contenus et de pratiques nuisibles sur les réseaux sociaux.

A Fès au Maroc, nous avions échangé avec les grandes plateformes numériques de notre responsabilité en tant que régulateur et de la nécessité d’une régulation garantissant à la fois les libertés fondamentales, respectueuse de l’ordre public dans ce nouvel environnement virtuel. Les différentes réflexions qui ont été développées tendent vers l’institution d’un système d’autorégulation et surtout l’initiation des citoyens à la culture du numérique.

Il faut noter que les régulateurs des médias membres du Réseau des Instances Africaines de Régulation de la Communication (RIARC) comme les plateformes numériques entendent poursuivre les réflexions et le dialogue en vue d’aboutir à un mécanisme consensuel de modération.

Monsieur le président, vous avez récemment exprimé la volonté de faire un plaidoyer pour le rehaussement du fonds d’aide destiné aux médias privés. Comptez-vous faire le même effort auprès du gouvernement en faveur des médias d’Etat dont la subvention est en baisse ces dernières années ?

Effectivement dans mon discours à l’occasion de la première session ordinaire de notre mandat, je me suis engagé à mener le plaidoyer nécessaire, partout où besoin sera, pour le rehaussement de la subvention accordée aux entreprises privées de presse. Je fondais mon argument sur le fait que, pour promouvoir des entreprises de presse productrices de contenus compétitifs et créatrices d’emplois bien rémunérés, il est indispensable de rehausser l’enveloppe du fonds d’aide à la presse. Pour le CSC, cela pourrait constituer une alternative en vue d’encourager les entreprises de presse à adhérer effectivement à la convention collective de la presse sur laquelle il y’a encore des hésitations.

Le deuxième argument qui plaide en faveur du rehaussement est que dans certains pays membres de l’UEMOA comme la Côte d’Ivoire et le Sénégal, l’enveloppe allouée dépasse le milliard de FCFA, alors que de loin, la taille de notre paysage médiatique dépasse la leur. Je pense que ce ne serait pas de trop que de rehausser cette enveloppe en raison du service public que cette presse assure dans notre pays, notamment dans le renforcement de la Démocratie, l’Etat de droit et la promotion de la Bonne Gouvernance.

Nous ferons le même plaidoyer pour les entreprises de presse publiques. Le secteur de la presse et de la communication connait des mutations profondes qui nécessitent des adaptations et des réadaptations. Aujourd’hui, avec le numérique, les médias doivent être à la fois sur la TNT et le web. Il en est de même pour la presse écrite et les agences d’informations qui, en dehors des supports traditionnels, doivent être également sur l’Internet, disposer de site permanent d’informations en ligne. Tout cela est coûteux et plaide en faveur d’une subvention plus conséquente en faveur des médias publics. C’est pourquoi, je disais en amont que nous allons écouter tout le monde afin de nous enquérir de la situation pour voir éventuellement au cas par cas, comment booster la situation, dans les limites de nos compétences. En d’autres termes, nous sommes là pour les médias publics et privés. Ma porte est donc ouverte à tous.

Propos recueillis par Souley Moutari(onep)

Source : http://lesahel.org/