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TRANSITION AU NIGER CNSP : Le zantchankassisme est-il en train de s’effondrer ?

transition au niger cnsp le zantchankassisme est il en train de seffondrerDepuis quelques temps, les Nigériens ont commencé à douter et à hésiter. Les pas se sont alors ralentis. Cela n’a d’ailleurs pas commencé aujourd’hui. En effet, il y a quelques temps, l’on a vu des acteurs de la société civile prendre leurs distances avec les mouvements de soutien au nouveau régime, inquiets des tournures un peu tragiques que pourrait prendre la nouvelle marche du pays depuis les événements du 26 juillet 2023. Ils étaient surtout inquiets des complicités que des « mauvaises langues » prétendent exister entre le « cerveau » du coup d’Etat et certains milieux de l’ancien régime et notamment , autour de l’ancien président Issoufou. L’on savait depuis les premières heures du coup d’Etat, selon une version que Bazoum Mohamed aura donnée à ses partenaires pour leur expliquer ses déboires, que le coup aurait été fomenté par son prédécesseur qui aurait « commandé » l’action qui l’a renvoyé du pouvoir. Le monde entier en avait la certitude quand les Nigériens, au regard de la situation réelle du pays, et par les discours de ceux qui venaient au pouvoir, refusaient encore d’y croire surtout quand, toute l’armée devrait se rallier à l’action réussie contre Bazoum pour se fédérer autour de la « sauvegarde de la patrie » qui, dans les faits, n’était pas un vain mot pour qui connait les malaises profonds de ce pays. La réalité du pays est telle qu’il y avait à sauver un Niger menacé de tous les côtés. Mais, à quelques distances des événements, et après la longue marche de huit, voire neuf mois sans boussole, l’on est en droit de se demander si toute la hiérarchie et si toute l’armée étaient sur la même longueur d’onde. Peut-on ne pas se demander si certains n’avaient pas cru être capables de tromper tout le monde, y compris le peuple dans son entièreté qui avait soutenu sans réserve, heureux de s’être libéré par cette action des caprices de dirigeants corrompus et voleurs, n’ayant aucun souci pour l’intérêt général ? Pourquoi, le CNSP ferait-il ça au peuple ? Ces militaires, peuvent-ils moins manquer, comme le CMS, le Conseil Militaire Suprême, de patriotisme pour être les légitimes héritiers de ceux dont ils se réclament pourtant ?

La vérité est qu’aujourd’hui, l’espoir s’effrite, les Nigériens commençant à douter réellement et même souvent – ce qui est grave – à s’éloigner du CNSP et de son fameux « Zantchan kassa né_ Labu san ni no » dont on a abreuvé le peuple et avec lequel l’on avait réussi à enivrer le peuple, saoul à tenir dans les vents et les pluies, les soleils et les risques pour maintenir la sentinelle. Mais alors que certains signes, notamment depuis qu’un certain Issoufou Sidibé investissait l’arène pour tenter de récupérer la ferveur populaire autour du CNSP prétextant un nouveau soutien somme toute bien calculé, avaient commencé à semer le doute dans les esprits, l’on avait été obligé, à l’occasion de la fête de Ramadan, par ne plus rien croire de certains discours et ce depuis que, profitant de la fête après le mois de jeûne, le CNSP prit sur lui la lourde responsabilité d’inviter le sieur Issoufou Mahamadou comme officiel à participer à la grande prière de l’Aïd. Le CNSP, avait-il franchement besoin de cette plaisanterie de mauvais goût dans le contexte actuel et à un moment où sa crédibilité était en jeu et où, cerné de toute part, il avait besoin de la communion des Nigériens autour de lui pour mieux rentrer dans l’Histoire et dans les coeurs des populations ? Bazoum, n’aurait-il donc pas tort de dire que le coup d’Etat se faisait pour Issoufou et son clan ? La question est terrible lorsqu’il a fallu attendre près de huit mois pour se la poser et comprendre que le Niger, pour autant, n’est pas sorti de l’auberge. En politique, on ne fait jamais semblant : ou on fait ou ne fait pas. Et l’on doit s’assumer devant l’Histoire et devant le peuple qui aura, de toute façon, le dernier mot. A malin, malin et demi… Le CNSP aurait-il choisi de miser sur l’usure du temps, pour croire qu’après neuf mois, il se serait bien incrusté dans le peuple pour trouver sa part qui puisse le défendre dans le choix qui est le sien et qui pourrait ne plus être celui du peuple et du Niger qui ne reconnaissent pas dans des individus mais à travers ce que l’on peut appeler la composante NATION. Sachant bien qu’un certain peuple ne peut jamais accompagner dans n’importe quoi, le CNSP partait, pour soutenir sa décision de chasser les Américains du Niger, un autre peuple artificiel pour un soutien qui ne peut faire long feu. Et depuis, les Tchangari regardent, riant sous cape, heureux peut-être de voir le navire tanguer et surtout, de voir certains de ses camarades de combat se faire harakiri, aujourd’hui floués dans leur engagement aux côtés du CNSP. C’est la vie comme dira l’autre ; l’essentiel étant d’être sincère dans ce que l’on fait et de ce point de vue, sans doute que les Abdoulaye Saidou, les Nouhou Arzika, les Ali Idrissa, les Maïkoul Zodi, les Anass Djibril et autres n’ont rien à regretter de leur engagement fait en toute connaissance de cause d’autant qu’ils auront agi de manière sincère et responsable depuis qu’ils pouvaient croire que le CNSP venait réellement pour sauver le pays, pour que la justice soit.

Mais à le faire, on ne le fera pas que contre un certain Bazoum qui, il a beau être comptable de la gestion de douze années et demi, ne peut seul payer quand ont on sait que le gourou du système, pour l’ensemble des Nigériens reste quoiqu’on dise, justement, celui qui semble être le « protégé » du nouveau régime. Il faut donc dire la vérité aux Nigériens et ainsi, le CNSP aura ce qu’Issoufou a toujours voulu et fait dans le Niger : la division. Qui ne peut donc pas voir que depuis la fête avec cette image d’un Issoufou triste même sous les aisselles du régime, conscient de ses impardonnables fautes, deux camps sont en train de se constituer dans le pays : les pro-Issoufou et leurs soutiens au sein du CNSP, et l’autre peuple dont on peut imaginer qu’il a aussi des sympathisants dans l’armée où, tous ne peuvent pas être prêts à suivre dans n’importe quoi, l’expression étant bien pesé. Bazoum a beau être coupable, il ne peut être le principal accusé d’un Niger trahi. Et ça, tous les Nigériens le savent et le disent. Mais pourquoi un certain CNSP ne peut pas le comprendre ? Les poignées de mains publiques du Général Tiani et de l’ancien président Issoufou, ne lui font pas de la bonne publicité dans le pays et peut-être qu’il n’en a même pas besoin aujourd’hui dans les rôles qui sont les siens. Et pour le comprendre, il suffit de regarder l’histoire de ce pays. Les Nigériens n’ont que faire de celui qui arrive au pouvoir. Ils veulent être bien gouvernés dans la justice pour un juste partage des richesses du pays. Même Bazoum qui arrivait au pouvoir avec beaucoup de handicaps, depuis qu’il gérait autrement quand il s’installait au pouvoir, avait bénéficié de la tolérance des Nigériens qui ne lui en voulaient pas trop malgré tout ce qu’ils avaient pu dire contre l’homme. Si Issoufou est aujourd’hui la cible de tant de critiques, c’est qu’il l’aura mérité, lui qui avait des rancunes tenaces et un plan de vengeance à mettre en oeuvre. Les Nigériens veulent la paix aussi et Issoufou n’en avait pas été capable. Ce pays, en dix ans, était détruit sous son magistère et l’on a vu, toute la géographie qui a été quadrillée par la violence terroriste.

La raison d’Etat ne peut donc pas autoriser le CNSP à faire le choix d’un individu à la place d’un peuple et surtout quand il s’agit d’une personnalité aussi controversée qu’intrigante que celui-là qui a divisé les partis politiques, la société civile, les familles, les amitiés.

Attention aux erreurs fatales…

Ce peuple qu’on a vu à la dernière marche pour exiger le départ des troupes américaines, même étant fabriqué dans le peuple, n’est pas le peuple. Il est vrai que Tiani a été ovationné dans le pays avec le CNSP comme l’aura été le Général Baré et son CSRD. Mais cette popularité ne doit pas obnubiler les hommes à croire qu’ils devenaient des mages. On peut se rappeler, que déviant de la trajectoire qui l’amenait au pouvoir pour mettre de l’ordre dans le pays, Baré qui avait voulu – l’appétit venant en mangeant – récupérer l’establishment politique pour se faire candidat et président, avait fini par le divorce avec le peuple qui l’avait pourtant applaudi, le 27 janvier 1966. Misant sur ses soutiens et sa popularité dernière et notamment, sur ce que l’on a appelé le COSIMBA, il a fini par comprendre que ce peuple n’en était pas un de sérieux car il était bien différent de celui qui l’avait soutenu quand il avait fait irruption sur la scène politique. Les Nigériens tiennent à des valeurs non à des hommes. Si on ne peut pas le comprendre, on ne pourra jamais s’en sortir. Tiani et ses camarades doivent le comprendre. En restant en contact avec un homme Issoufou en l’occurrence, qui sait ce dont il a peur dans la situation actuelle du pays, le CNSP ne pourra pas s’en sortir et sortir le Niger de sa situation aujourd’hui compliquée. Cet exemple, sans doute, dans le cas actuel qui est le nôtre, vaut mille conseils.

Tiani aura-t-il enfin prit tous ses courages en main en sortant publiquement avec Issoufou ?

Cette autre question, grave, mérite d’être posée. Aura-t-il profité de la fête de Ramadan, pour enfin, faire entendre qu’il assume ses amitiés, et donc aussi sa proximité avec les milieux d’Issoufou, loin de ce qui pourrait être son engagement pour le Niger ? Le CNSP, peut-il ainsi trahir les aspirations des Nigériens ? Personne ne peut répondre à cette question tragique si ce n’est le CNSP lui-même. Les Nigériens ont aimé ce CNSP et son président, le Général Tiani qui ont « essuyé » des larmes à ce peuple qu’un socialisme a rudoyé pendant des années de sectarisme et de politique. Faut-il donc croire que malgré, tout ce CNSP soutient Issoufou, l’homme par qui, toutes bases militaires étrangères s’installaient dans le pays, et ce par sa seule volonté, ne daignant même pas associer, dans les formes requises, la représentation nationale ? Mais alors, s’il en est ainsi, pourquoi, le CNSP s’en plaindrait jusqu’à dénoncer ces accords militaires léonins dans lesquels il reconnaît pourtant que le Niger ne gagnait rien ? Pourquoi protéger celui qui a causé ces ennuis au Niger et aux Nigériens ?

Est-ce donc la grande désillusion aujourd’hui, après que, comme un prestidigitateur, le CNSP, à la fête de Ramadan, ait sorti du mouchoir, sa fameuse carte Issoufou qui a ulcéré les Nigériens au point d’exprimer leurs désaccords ? Le CNSP et le Niger n’ont pourtant pas besoin de ces nouveaux déchirements.

Il faut faire attention…

Il y a à faire attention. En même temps qu’il faut avoir un oeil avisé sur les différentes nominations qui se font et à tous les niveaux, il faut que le CNSP fasse attention aux discours que d’autres peuvent propager autour de lui pour le discréditer. Les propos que Sidi et Ibro ont tenu la dernière fois, peut-être par déception de ne pas voir certains visages à « leur » marche, ne peuvent aider ni la transition, ni le Niger à gagner dans sa nouvelle marche. Comme quoi, la bouche n’a jamais trahi ce que pense le coeur. On ne peut pas être Kountché au hasard. C’est un comportement. C’est une exigence en soi et envers l’autre. Et pourquoi, si tant est qu’Issoufou se serait rendu coupable de fautes graves, il n’en répondrait pas ? De quoi peut-il se valoir mieux que d’autres dans le pays pour ne pas répondre et aller en prison si cela devrait être le cas ? Est-il plus Nigérien que Tandja, que Diori, que Boubou Hama, que Mahamane Ousmane, que Hama Amadou, que Baré qui a même été sauvagement sacrifié pour le Niger, pour qu’il n’aille pas en prison ? Au nom de quoi, peut-il avoir tout ce qu’il a accumulé sous son règne et qui constitue une fortune extravagante qu’il ne peut justifier ? Non. Issoufou est coupable et il doit répondre. C’est au CNSP de faire son choix. Les Nigériens regardent et attendent. Issoufou est indéfendable. D’ailleurs, s’interrogent les Nigériens, pourquoi le CNSP peut-il hésité à lui demander des comptes ? Se serait-il compromis dans sa gestion pour craindre que des affaires le concernant ne le touche aussi ?

En plus de ses accords « personnels » avec les armées étrangères, il y a l’uranium-gate, il y a le MDN-gate (c’est lui le chef suprême des armées !), il y a le riz pakistanais, il y a, il y a… Et il y a encore, il y a l’affaire des avions présidentiels, l’acquisition de bien de domaines, et notamment, celui- là qui appartenait à la SNTN à Tahoua et qu’il ne pouvait pas acquérir à l’époque puisque la loi l’en défend ? Le CNSP, ne peut-il pas comprendre tout ça ? Non, le Niger ne peut pas être la propriété d’un individu. Il faut comprendre les colères légitimes des Nigériens.

Il y a donc à faire très attention à ce qui se fait aujourd’hui dans le pays, pour garder ce peuple soudé autour de ses dirigeants et surtout, pour que nous ne trahissons pas notre marche au sein de l’AES. Ces silences au sein de l’AES ces derniers jours, peuventils dénoter de quelques frictions à ce niveau aussi ? C’est important de le savoir car aujourd’hui, les différents régimes au pouvoir doivent comprendre une chose : l’armée n’est pas censée s’éterniser au pouvoir et lorsqu’elle prend tant d’engagements, suspendant les partis politiques et ne parlant pas avec les politiques dans les pays, quel gage peuvent-ils avoir à faire en sorte que tous leurs engagements soient respectés notamment, pour qu’ils continuent à construire sur les fondations laissées par le CNSP ? Ceux qui ne sont associés dans les différentes décisions et les différents choix politiques qui sont faits, peuvent-ils demain, se sentir obligés de les respecter ? Il faut donc donner de la chance à ce que, ce qui se fait aujourd’hui soit pérennisé, et que les différents pays se les approprient. L’heure est grave et l’on peut voir Emmanuel Macron se frotter les mains, lui qui promettait de saboter la transition au Niger. Or, l’un de ses grands serviteurs, c’est Issoufou, celui-là que le CNSP tient mordicus à protéger malgré son lourd passif. Il y a donc plus à se méfier d’un tel personnage complexe qui n’a de religion que la pensée de Machiavel : « la fin justifie les moyens ». En politique, le sentiment de redevabilité et de gratitude ne fonctionne pas toujours. Bazoum aussi en sait quelque chose. Du reste par rapport au même personnage.

Par Gobandy (Le Monde d'Aujourd'hui)