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INTERVIEW EXCLUSIVE

BIAOU LEONARD 2Les relations entre le Bénin et le Niger, pays frères et voisins, sont au plus bas, du fait de la cabale du président béninois, Patrice Talon, contre les autorités et le peuple du Niger depuis le coup d’Etat du 26 juillet 2023. Celui-ci se fait le bras armé de la France et certains de ses pairs de la CEDEAO contre le Niger, et défendant ses propres intérêts de chef d’Etat et homme d’affaires, voulant coute que coute sa part dans le pétrole brut du Niger. Malgré cette situation, les peuples nigériens et béninois restent plus que jamais soudés. Les béninois s’insurgent contre le comportement de leur président. A l’instar de cet officier supérieur des forces armées béninoises en exil depuis 2018, BIAOU LEONARD, qui dénonce la dictature imposée par Talon au peuple béninois et dévoile les fourberies et le machiavélisme d’un président homme d’affaires. ‘’ La troupe ne se retrouve pas dans le schéma actuel. Elle est mal rémunérée, certaines primes qui la motivent sont suspendues ou diminuées et ceux qui sont envoyés dans les missions sont mal rémunérés ou pas indemnisés. Nous avons eu des soldats qui sont tombés au front contre les terroristes qui n’ont pas été déclarés’’, déclare BIAOU à propos de l’armée béninoise sous Talon, dans le contexte actuel. Lisez plutôt.

Question : Bonjour mon commandant. Est-ce bien vrai que vous êtes un officier béninois ?

Réponse : Bien sûr que je suis un officier des Forces armées béninoises (FAB). J’ai été ma formation militaire de base à l’ex Centre national d’instruction des Forces armées béninoises (CNI-FAB) au titre des appelés du contingent de l’année1985. Je suis sorti de cette école en 1986 puis affecté pour servir au 2e Groupement Blindé (2e GB). C’est une unité que les néophytes en la matière désignent sous le nom d’escadron. Au sein de cette formation militaire, j’ai fait mon premier stage militaire pour le rôle de chef d’engin blindé et j’ai eu la chance d’être sélectionné parmi les soldats qui devaient servir sur les engins les plus lourds de l’époque, à savoir le T34/85 de fabrication russe.

J’ai quitté le groupement blindé en 1990 après ma réussite au Concours d’entrée au Centre régional de formation pour l’entretien routier(CERFER) à Lomé, au Togo. Après, j’ai gravi successivement les échelons de sous-officier jusqu’à mon admission au test d’entrée à l’École nationale des officiers de Toffo, au Bénin. Dans ce registre, j’ai suivi également le stage des capitaines en 2014- 2015 au Maroc et le Brevet d’études militaires supérieures. Ironie du sort, le pouvoir clanique, cynique et barbare de monsieur Talon Patrice mettra fin à ma carrière en décembre 2018, en me contraignant à l’exil après un kidnapping raté. Tout est grâce. Voilà, en résumé, ma personne et mon parcours dans l’armée béninoise.

Q : Vous seriez en exil quelque part, en Afrique, depuis 2018. Pourquoi ?

R : Effectivement, je suis en exil quelque part, en Afrique depuis 2018. Je rends grâce aux autorités de mon pays d’accueil,ainsi qu’au Haut-commissariat aux réfugiés,qui m’ont apporté le soutien nécessaire. Je regrette d’être si loin de mon pays et de mes compatriotes qui vivent sous l’oppression et le machiavélisme chevronné d’un dictateur sans foi ni loi.

Pour revenir à la raison de mon exil, contrairement à ce qui a été véhiculé sur les réseaux sociaux et des medias à la solde du pouvoir, la raison réside dans mon ferme attachement au respect du contenu de la constitution de mon pays, le Bénin, d’une part et aussi au respect du caractère sacré qu’est l’être humain, d’autre part. Souffrez, que je ne rentre pas davantage dans les détails au regard de ma qualité d’officier militaire et du respect à la formule de l’obligation de réserve dans certains dossiers sensibles. Toutefois, le moment viendra où par la grâce du Père Céleste et le Très Miséricordieux, toute la lumière sera faite. Même à l’ère de la révolution populaire, le Bénin n’a pas vécu cette atmosphère d’aujourd’hui.

Q ; Vous avez eu la chance de vous évader pour un exil qui dure depuis six ans, aujourd’hui. D’autres, notamment des acteurs politiques et de la société civile, sont en prison. Peut-on parler de théorie du complot permanent pour écraser toute opposition à l’intérieur du Bénin ?

R : J’ai une pieuse pensée à l’endroit de tous mes compatriotes, civils et militaires, qui croupissent en prison actuellement, au Bénin. De même, je m’incline devant la mémoire de tous ceux-là qui sont morts dans l’anonymat total et de ceux qui ont été froidement assassinés et dont le gouvernement refuse de restituer les corps aux parents. C’est affreux, c’est horrible, ce qui se passe dans le pays. Les gens ne peuvent pas parler, ils sont muselés. Les communications sont contrôlées. En ce qui concerne les acteurs politiques ou de la société civile, le mal est profond car ils vivent tous au quotidien sous la persécution et l’épée de Damoclès d’une probable arrestation pèse sur eux au jour le jour. Certains d’entre eux ont été contraints de se rallier à la cause du pouvoir, d’autres sont corrompus et se dédisent. Les plus réfractaires sont dépouillés de leurs prérogatives. Même à l’ère de la révolution populaire, le Bénin n’a pas vécucette atmosphère d’aujourd’hui. Exactement, la théorie du complot pour écraser quiconque se met en travers du chemin de Talon Patrice est quasi permanente et la seule évocation qui vaille et qui est récurrente est le spectre du terrorisme que l’on brandit. Au bénin, peu de gens connaissent encore la véritable définition du mot terrorisme car autant on peut traiter un voleur de poulet de terroriste qu’un commérage entre épouses peut l’être. Le pouvoir et ses alliés enfument l’opinion nationale et internationale sur des supposés coups. C’est triste.

Q ; En tant qu’officier béninois, vous connaissez parfaitement l’armée de votre pays, tout comme son chef suprême actuel, d’ailleurs. Les rapports entre l’armée béninoise et son chef suprême sont-ils au beau fixe dans ce contexte particulier d’insécurité grandissante au Bénin ?

R :Permettez-moi de soupirer un instant. Je vais déroger à l’obligation de réserve pour vous répondre. Les rapports entre l’armée béninoise et son chef suprême ne sont pas au beau fixe dans ce contexte particulier d’insécurité grandissante au Bénin. Hormis une poignée à la solde du chef et dénués de l’esprit patriotique, qui n’ont pour sacerdoce que la recherche du gain facile, la quasi-totalité ne se retrouve pas dans la politique de défense et de sécurité.

Le Président Patrice talon, qui est issu de parents esclavagistes (vendeurs et acheteurs), a privilégié l’aspect business avec l’intention de voler les ressources du Niger avec la complicité de certains de ces dirigeants.

J’ai servi dans l’armée béninoise plus de trois décennies. Si je ne m’abuse, l’actuel président est le quatrième chef suprême des armées que j’ai connu. Je vous avoue que les rapports ne sont pas au beau fixe entre la grande muette et lui. Ce que l’on présente à la population et à l’international, c’est du leurre. La troupe ne se retrouve pas dans le schéma actuel. L’état du moral de la troupe n’est pas au beau fixe. La troupe est mal rémunérée, certaines primes qui la motivent sont suspendues ou diminuées et ceux qui sont envoyés dans les missions sont mal rémunérés ou pas indemnisés. Nous avons eu des soldats qui sont tombés au front contre les terroristes qui n’ont pas été déclarés et surtout le mythe est souvent entretenu autour. Aucun d’entre nos soldats ne peut vous dire ce qui se passe avec les familles de ceux qui sont décédés. On leur a interdit tout contact avec leurs familles. Ils sont au front sans assistance et mal équipés. Même les simples équipements de protection sont obsolètes. La troupe est utilisée comme chair à canon.

Q :En tant que spécialiste de la sécurité, quel regard portez- vous sur l’approche du Président Patrice Talon, notamment vis-à-vis du Niger, un pays frère et voisin ?

R : Tout d’abord, avant l’avènement du président Talon Patrice au pouvoir, le bénin et le Niger entretenaient de très bonnes coopérations. Par contre, lePrésident Patrice talon a privilégié l’aspect business avec pour sentiment de voler les ressources du Niger avec la complicité de certains de ses dirigeants. Vous savez que le président Patrice Talon est issu de parents esclavagistes (vendeurs et acheteurs), donc naturellement, il ne peut pas avoir de pitié pour assouvir ses propres intérêts ; ce qui justifie quelque part que la stabilité du Niger sans ses intérêts lui importe peu. Tenez, quand l’ancien régime était en place, ils entretenaient de très bonnes relations au point qu’ils avaient un creuset d’échanges d’informations sur les questions de défense et de séciurité.

Voilà un président homme d’affaires dont le capital et le client demeurent le Trésor public de l’État.

Q : La frontière nigéro-béninoise est toujours fermée depuis les sanctions inhumaines imposées par la Cedeao et pour l’application desquelles Patrice Talon a fait montre d’un zèle inconsidéré. Selon vous, le président béninois défend-il des principes chers à la Cedeao ou mène-t-il un combat singulier lié à des intérêts personnels et égoïstes ?

R :Eh bien, si je vous réponds que le président béninois, monsieur Patrice Talon, défend les principes chers à la CEDEAO, c’est alors que j’aurais usé d’une myopie intellectuelle dont fait preuve beaucoup de personnes par rapport à cette question. Bien avant l’interruption de la gouvernance du Président Bazoum Mohamed, au Niger, je crois que nous avions eu droit à cinq interruptions de gouvernances dans la sous-région ouest africaine. Une fois en Guinée, deux fois au Mali et au Burkina Faso et le Burkina Faso est aussi voisin du Bénin. À aucun moment, monsieur Patrice n’a été aussi entreprenant comme dans le cas du Niger. La gouvernance de monsieur Talon Patrice, c’est d’abord la haute sphère du conflit d’intérêts au sommet de l’État. Voilà un président homme d’affaires dont le capital et le client demeurentle Trésor public de l’État.

La mise en exécution du projet pipeline était une manne descendue du ciel pour lui, car sa société privée, Benin control, engrangerait 85,62 % ; le trésor public n’aurait que 14,32% des taxes qu’allait payer la société WAPCO à l’État du Bénin.

Alors, profitant des faiblesses des textes régissant l’institution sous régionale, il a profité pour se masquer dans la défense de ses intérêts privés. La mise en exécution du projet pipeline était une manne descendue du ciel pour lui, car sa société privée Benin control engrangerait 85,62 % ; le trésor public n’aurait que 14,32% des taxes qu’allait payer la société WAPCO à l’État du Bénin. À cela s’ajouteraient les détournements du brut pétrolier préalablement négociés en accord tripartite.Contre toute attente, monsieur Bazoum Mohamed a été destitué. Par ailleurs, qu’il vous souvienne que dans la perspective du démarrage imminent du pipeline, un projet de construction d’une raffinerie a été rendue publique en conseil des ministres ; un projet dont le financement serait un partenariat public-privé et dont la part du privé sera majoritaire. C’est l’un des dispositifs du mode opératoire de la ténébreuse galaxie Patrice Talon. Les jérémiades, les élucubrations stériles, les gestes et faits, les menaces qui caractérisaient les attitudes du président Talon Patrice n’avaient pour finalité que la défense de ses propres intérêts via les protocoles d’accords de la CEDEAO, nonobstant que les puissances occidentales et américaines y trouvent leurs comptes.

Q : Tout a été mis en oeuvre par le Président béninois afin de provoquer un conflit, peutêtre armé, entre les deux pays, le dernier acte étant l’arrestation et la détention d’officiels nigériens partis en mission au Bénin par vol régulier aux fins de procéder à un contrôle des quantités (nombre de barils) de pétrole effectivement pompées et chargées dans les navires. On les accuse de terrorisme et dans cette logique, ils ont été présentés, jeudi 13 juin, au procureur de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET). Patrice Talon ne joue-t-il pas avec le feu ?

R :Effectivement, vous avez fait une très bonne lecture de la situation créée par le président Patrice Talon. D’abord, faisons une rétrospective des évènements au lendemain de l’éviction du président Bazoum. Qu’est-ce qui pouvait justifier le déplacement, le 27 juillet 2023, duPrésident Patrice Talon auprès du Président Tinubu Ahamed Ashiwaju, à Abuja, au Nigeria ? Le Président Patrice Talon a fait preuve de zèle diplomatique en se rendant auprès du tout nouveau président de l’institution sous régionale et en prenant la parole pour menacer les nouvelles autorités du Niger sans l’avis motivé de ses pairs. C’est extrêmement grave et c’est d’ailleurs la première raison des désaccords successifs de la condamnation des évènements du 26 juillet 2023. Comme je l’ai dit plus haut, le Président Talon Patrice a paniqué et a été stressé de voir ses intérêts à l’eau. Évidemment, dans la suite de la perte des intérêts, il y a la mise à nue des deals préalablement établis qui se solderaient par les détournements des quantités de barils de pétrole brut. C’est la raison pour laquelle il a fait arrêter les officiels nigériens qu’il doit libérer dans l’immédiat pour ne pas attirer la foudre sur sa tête. Le Président Patrice Talon doit s’aviser que l’armée nigérienne n’est pas semblable à celle de son illusion et qu’elle défendra ses citoyens partout où on les aurait cachés et les ramener sains et saufs car, elle respire le professionnalisme et le savoir-faire tactique.

Comme je l’ai dit plus haut, le Président Talon Patrice a paniqué et a été stressé de voir ses intérêts à l’eau. Évidemment, dans la suite de la perte des intérêts, il y a la mise à nue des deals préalablement établis qui se solderaient par les détournements des quantités de barils de pétrole brut.

Q : Revenons à votre exil. Avez-vous le moindre espoir de retourner un jour au Bénin et de réintégrer les Forces armées béninoises ?

R :Pour ce qui concerne mon exil, je considère que c’est une épreuve de mon séjour terrestre ; j’avoue que ce n’est pas facile. C’est une traversée de désert où l’on côtoie la mort au quotidien et où on ne sait de quoi demain sera fait. C’est aussi une autre école de la vie. L’exil m’a permis d’imaginer les quelques regrets que certains humains peuvent avoir après avoir quitté ce bas monde. Confiant en la magnanimité du Père là-haut, je place mon espoir en lui pour me retourner voir ma petite famille. Au lendemain, de mon kidnapping raté mon épouse et ma fille ont été arrêtées et jetées en prison pour faire pression sur moi afin que je revienne. Elles y sont restées plus de six mois avant d’être libérées. Si le Miséricordieux, Père Céleste, me permet de rentrer au Bénin, j’ai cet espoir, je solliciterais une reconstitution de ma carrière et demanderais ensuite à faire valoir mes droits à la retraite. Parce que je ne souhaite pas rejoindre les rangs et travailler avec les complices de mon bourreau d’hier et que je sois animé d’idée de revanche. Je préfère les rencontrer dans la rue les chahuter et continuer mon chemin. Entre Dieu se chargera du reste.

Q : Avez-vous un message particulier au peuple béninois, épris de paix et de quiétude mais qui semble pris en otage par la politique irresponsable de Patrice Talon ?

R :J’ai un message tant à l’endroit du peuple vaillant et pacifiste béninois et aussi à l’endroit du brave et intrépide peuple nigérien.

À l’endroit du peuple béninois, peuple épris de paix et de justice sociale, de ma terre d’asile, je t’adresse ce message de réconfort que je ne t’ai jamais oublié ; je suis affligé par les divers traitements que l’imposteur et le prédateur t’inflige au quotidien à travers les répressions drastiques et dramatiques, à travers les taxes et impôts fabriqués de tous ordres pour te maintenir dans la dépendance des bourgeois compradors et d’une minorité inconsciente. Peuple meurtri par une gouvernance à vue et sans humanisme, je ne t’ai pas oublié à aucun moment de mon existence. Sache que dans le recul du bélier se trouve la recherche de la force et de l’énergie pour faire face.

À toi peuple nigérien, peuple des dunes et de la rose des sables, peuple de la légende des glorieux, c’est à toi je m’adresse ce jour. Il y a plus de six décennies, la terre nigérienne tendait grandement ses bras pour recevoir mon placenta dans le célèbre DOGONDOUTCHI, après un malentendu entre les autorités d’alors et celles du Dahomey, conflit orchestré par les grands parents du belliqueux et égoïste prédateur au sommet de la nation béninoise aujourd’hui, j’étais reparti au pays de mes aïeux,mais tu m’as toujours tendu la main, tu as toujours dit,« tu es mon fils, je te porte dans mes entrailles ». Me voici à toi, près à répondre à l’appel pour défendre tes droits, ta diversité culturelle et linguistique. Je suis prêt à défendre ta richesse dont les prémices suscitent la jalousie et la haine des uns et des autres. Grâce au patriotisme et à l’éveil de la conscience civique de tes enfants, l’ennemi a été mis en déroute et les chiens galeux aboient désespérément. Sois fière, terre du Niger. La prospérité s’annonce et tous tes fils, dispersés aux quatre coins du monde, reviendront jouir de tes entrailles. Merci à tous.

Propos recueillis par Ali Soumana,
Membre CENOZO et de GIJN AFRIQUE
(Le Courrier)