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Éducation au Niger : pourquoi la profession enseignante n’attire plus les jeunes

Enseignants Contractuels Niger Eductaion : L’école nigérienne au creux des vagues 
Le système éducatif nigérien est en crise. Cela n’a pas commencé aujourd’hui. C’était depuis la décennie 90, avec les programmes de la Banque Mondiale qui décidait des thérapies à appliquer pour l’en guérir que tout a fini par basculer, échappant à la maitrise de ses spécialistes et des décideurs. Notre analyse portera sur un aspect de ce système à propos duquel des statistiques ont circulé sur les réseaux sociaux, alertant sur un mal dont les conséquences pourraient se ressentir dans quelques années – peut-être moins d’une décennie – pour affecter profondément le système dans son fonctionnement même. Il s’agit des effectifs de candidats ayant concouru au concours direct d’entrée dans les écoles normales pour la session 2025 en vue de la formation des enseignants. L’analyse qui a été faite, par les chiffres donnés pour chaque région, nous parait superficielle, disant peu du drame silencieux de notre école. Malheureusement, les mêmes pratiques continuent aujourd’hui avec les mêmes partenaires, notamment lorsqu’avec le plus grand projet – LIRE – des gros budgets sont consacrés à acheter des tablettes pour un pays où la connexion reste un problème en même temps que l’électricité. Est-ce un choix franchement judicieux pour un tel pays surtout quand, au même moment, l’on se rend compte que le livre qui est le premier outil indispensable, manque cruellement, alors même que concevoir et produire des livres restent une responsabilité de l’Etat.

Globalement, quand on considère ces chiffres, l’on se rend bien compte que la profession enseignante n’est plus attrayante ; une situation qui pourrait à terme, conduire à un manque crucial d’enseignants, surtout quand, à cette situation, l’on ajoute les vagues d’enseignants qui vont à la retraite chaque année, vidant l’école d’une expertise importante importante. Aujourd’hui, hélas, beaucoup de jeunes se détournent de cette carrière où ils ont toutes les(mal)chances de finir contractuels, sans aucune perspective de vie décente et de carrière glorieuse. De plus en plus d’enseignants, de nos jours, ne sont là que faute de mieux et l’on voit bien d’autres qui commençaient une carrière là, mais qui finissent par faire un concours pour aller ailleurs, notamment dans l’armée, la police, la gendarmerie, la douane ou la garde nationale. Pour avoir vécu ce qu’ils ont vécu dans un tel métier qui ne construit pas son homme mais le consume, les enseignants eux-mêmes ne peuvent plus encourager un tel métier à leurs enfants. Et vient cette question : demain, dans ce pays, qui enseignera les prochaines générations ? 

C’est d’autant préoccupant que cette profession ne valorise plus, devenant au fil des ans, la risée de tous les métiers que l’on peut faire après des études qui sont pourtant sérieuses. Quand un ancien élève, trouvant une place à la Sonidep, peut être assez moqueur vis-à-vis d’un de ses anciens enseignant qu’il aura vu aller à pied alors que lui pouvait avoir une voiture par les raccourcis qui lui donnaient ces chances et avoir le plaisir de le conter à un autre lorsqu’il peut manquer de bonne éducation, il est évident qu’un tel personnage ne peut que se montrer moqueur vis-à-vis de son enseignant encore misérable. C’est le drame que vivent les enseignants, et pour lequel plus personne ne veut de ce métier pourtant essentiel pour changer nos sociétés et changer le monde.  

Mais voici, à travers ce tableau tels que nous las avons pris, les chiffres partagés sur les réseaux sociaux. Nous avons tout de même convenu de les analyser parce qu’aucune voix officielle ne venait les contredire. Sur un total de 1573 candidats, voici la répartition par région : 

Régions

Agadez

Diffa

Dosso

Candidats

85

78

141

Zinder présentait plus de candidats avec 529, suivie de Maradi avec 353 candidats, et Tahoua avec 211 candidats quand la capitale ne présente que 146 candidats. Ce chiffre de candidats à Niamey est tout à fait compréhensible quand on sait que pour la situation que nous évoquons plus haut, là, les familles, peut-être plus éveillées, ne voudraient pas que leurs enfants aillent faire carrière dans l’enseignement qui garantit, dans l’imaginaire populaire nigérien et sans doute africain aussi, et à coup sûr, que de la misère.

C’est pour Tillabéri que l’on enregistre le plus faible taux de participation à ce concours avec seulement 29 candidats, un chiffre qui ne peut même pas faire une classe. La raison peut être deux facteurs qui nous paraissent importants à justifier, au-delà des raisons invoquées haut, que l’on n’ait plus de motivation à venir dans les écoles normales. La situation sécuritaire très préoccupante et le manque de recrutement pour ceux qui sont sortis depuis des années dans la région pourraient expliquer cette disparité. Si en d’autres temps, l’on avait observé un afflux important, avec aussi des exodants qui revenaient pour faire carrière à l’Education, c’est bien parce qu’à l’époque, l’on avait la garantie d’un emploi. Mais, depuis qu’après, à la suite de plusieurs promotions formées, l’Etat ne recrute plus et même n’engage plus de contractuels auxquels l’on fait recours rarement depuis des années, l’on a vu les écoles normales perdre les affluences d’une époque. De nos jours, on n’en demande que juste pour remplacer un qui aura déserté ou qui soit décédé. Dès lors, les uns et les autres se demandent pourquoi venir se former quand, on n’a que peut de chance pour être contractuel et surtout d’être recruté ? 

Derrière ces chiffres se cache une autre réalité tragique. Les hommes sur qui repose le poids des ménages ne font désormais que peu le choix de l’enseignement sans doute parce qu’ils se rendent compte que le métier ne garantit pas une bonne vie. On apprend alors qu’avec 1 335 filles sur les 1 573 candidats (soit 84,9 % de femmes), les féminins s’intéressent plus au métier d’enseignant. Les statistiques viennent donc ainsi confirmer la forte féminisation de la profession enseignante dans le pays. 

Mais doit-on continuer à garder, dans cette situation, toutes les écoles normales ?
Il est évident que rationnellement, et en tenant compte de la rentabilité, avec de tels chiffres, l’on ne peut pas faire fonctionner 8 écoles normales dans le pays. Dès lors, des choix s’imposent. En effet, l’on a manqué dans le pays d’avoir de la vision pour gouverner le système avec un esprit de prévision et de planning. On avait formé en vrac parce que les mêmes institutions internationales, à une époque, donnaient de l’argent pour cela, et en l’espace de moins de deux décennies, l’on en a formé plus qu’il n’en faut au point de produire là encore rien que de potentiels chômeurs. 

La valorisation de la fonction enseignante reste la seule solution pour rendre attractif le métier que tout le monde semble fuir aujourd’hui, n’y allant que faute de mieux. Si une telle situation doit perdurer, notre école n’en sera que très affectée pour sombrer davantage. Ces chiffres parlent donc ; ils alertent sur une situation qui risque de conduire à la catastrophe. Or, sans école de qualité, une société ne peut qu’être vouée à la médiocrité. 
Alpha (Le Courrier)