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La filière riz au Niger : Vers une synergie d’actions pour booster la production

M. Mounkaila Alzouma est producteur de riz résidant au quartier Kounou-Ga-Doundoulé, Tillabéri. Il exploite un site hors aménagement de plus d’un hectare sur le lit du fleuve à Tillikayna. Pour ce producteur, la culture du riz qui se faisait de manière traditionnelle hors aménagement, le long du fleuve, dans les îles, au niveau des mares est confrontée à plusieurs problèmes, notamment le manque d’encadrement, la cherté des produits notamment les semences, les intrants et tous les outils de travail, l’état d’urgence lié à l‘insécurité, etc. « Aujourd’hui pour faire de l’agriculture, il faut avoir les moyens. Le matériel agricole et l’engrais ne sont pas accessibles aux citoyens lambda. Les gens pensent que ceux qui exploitent les sites non aménagés sont dans l’informel, du coup, il n’y a personne pour les encadrer» estime-t-il.

Depuis plusieurs décennies, ces producteurs exploitent leurs terrains hors aménagement. « Mais on n’a jamais vu un service technique qui s’intéresse à ce que nous faisons», confie Mounkaïla Alzouma. Une autre difficulté pour les producteurs, c’est l’état d’urgence qui interdit la vente de l’essence en détail. «Je suis sûr que beaucoup de gens vont me dire qu’il existe un moyen d’avoir de l’essence, c’est-à-dire passer par les chefs de village, puis la mairie jusqu’à la préfecture». Il y a beaucoup de producteurs qui n’acceptent pas tous ces tralalas. Le processus pour avoir le carburant a fait en sorte que beaucoup de producteurs hors aménagement ne produisent plus car ils tournent dans des pertes énormes. L’état d’urgence a fait chuter le taux de production surtout sur les sites de production hors aménagement », affirme le producteur avant d’inviter les autorités à créer les conditions nécessaires pour que les producteurs soient encadrés sur les aspects techniques de production afin de mettre les sites en valeur et augmenter le rendement.

Alfa Hamani, est un autre producteur et pas des moindres. Il exploite plusieurs rizières sur les Aménagements Hydro-Agricoles de Daykaina. A chaque campagne, Alfa Hamani s’en sort avec plusieurs centaines de sacs de 100kg du riz paddy. Juste après la récolte, il vend une bonne partie de sa récolte pour couvrir les charges de la campagne et une partie est stockée pour attendre la période de soudure où les prix des produits augmentent. « Actuellement le sac de 100 kg du riz paddy coûte 20.000 FCFA. En cette même période, il y a deux ou trois ans ça coûtait entre 12000 à 15000 FCFA. C’est paradoxal ! En l’espace de 3 ans, le prix du riz a doublé, et c’est tout à fait normal, car, quelque part c’est parce que les prix des entrants ont augmenté. Aujourd’hui, l’agriculture est mécanisée. Dès qu’une partie ne marche pas tout le système ne fonctionne pas. S’il y a un manque d’engrais, une mauvaise qualité des intrants, manque de semences, mauvaise gestion des coopératives, etc. on ne peut pas bien produire. Aujourd’hui, les temps ont changé, les terres sont fatiguées, il va falloir qu’on s’adapte au contexte actuel. La production du riz que ça soit sur les aménagements ou hors aménagement ce sont les mêmes termes techniques qu’on utilise alors il faudrait que les ingénieurs des services techniques s’approchent des producteurs pour les encadrer afin de booster la production. Et si nous ne faisons pas attention chaque année les prix vont augmenter », regrette le producteur.

Aménagement Hydro-Agricole Toula : la saison est prometteuse !

Actuellement c’est la verdure au niveau de tous les Aménagements Hydro-Agricoles. Partout, les producteurs s’activent pour améliorer le rendement. A Toula, un des aménagements phare de la région, c’est près de 800 exploitants qui se partagent les rizières. Pour M. Attaher Souleymane, ancien secrétaire général de la coopérative Toula, Tillabéri, la filière riz a de beaux jours devant elle. La production du riz est une culture qui rassure si toutes les conditions sont réunies, notamment le respect de la période de repiquage ou semis, l’usage de l’engrais appropriée, les choix des variétés en fonction de la saison, l’alimentation en eau, le suivi rigoureux de l’évolution et l’itinéraire technique de production, etc.

Cependant, la question d’engrais est toujours préoccupante dans le secteur de la riziculture. En effet, les producteurs se plaignent de la cherté et parfois l’indisponibilité de l’engrais. « C’est vraiment la question de l’engrais qui handicape notre secteur. Pire, cet engrais est souvent introuvable au moment où les plants en ont véritablement besoin. Cela impacte négativement le rendement. Cette situation d’engrais n’a que trop duré. Nous sommes fatigués ! Un producteur qui prend en charge les coûts de production, des taxes et qui doit encore acheter trois sacs d’engrais à raison de près de 30.000 FCFA l’unité, qu’est ce qu’il va gagner. Vraiment nous demandons à l’Etat de prendre des mesures en urgence par rapport à cette question d’engrais pour encourager la production », plaide M. Attaher Souleymane.     

Malgré l’inflation, le riz local est toujours demandé

Le riz local est un impératif pour certains consommateurs du riz. Au marché de Tillabéri, il existe des sites exclusivement reservés pour la vente du riz paddy et le riz blanc produit localement par les paysans. La vente du riz blanc est l’apanage des femmes, généralement constituées en groupement. Elles proposent le riz décortiqué à l’aide des moulins.  

A la date du jeudi 4 avril 2023, le sac du riz paddy se vend à 20.000 FCFA. Le riz blanc est vendu en fonction de la qualité de décorticage et de la variété. La tasse 12kg, très propre et de bonne qualité est vendu 6500 FCFA. Halima est vendeuse du riz blanc. Ses clients viennent essentiellement de la ville de Tillabéri et de Niamey. « Beaucoup de gens préfèrent ce riz local car il est d’une qualité exceptionnelle. Nous faisons tout pour vendre du riz de meilleure qualité sur le marché. La seule difficulté c’est par rapport au prix. Ce riz est censé défier toute concurrence. Mais si on regarde la chaine de production jusqu’au marché, vraiment on ne fait pas de bénéfice », explique la vendeuse.  

M. Salif Souleymane est un humanitaire. Ce vendredi 7 avril, il est venu s’approvisionner en riz blanc au marché de Tillabéri. Son choix est irrévocable : le riz blanc Gambioca ! Pour lui, la promotion et la valorisation des produits locaux nécessite l’adhésion de tous les acteurs, principalement les consommateurs.  « Chez moi ça fait longtemps que nous avons opté pour le riz local. La qualité du riz local est caractérisée par son goût, son apport nutritif important. Aujourd’hui j’ai acheté deux variétés pour 15.000 FCFA. Je suis convaincu que les consommateurs peuvent accompagner la stratégie zéro importation en adhérant totalement au riz local. Si la stratégie est respectée par nous autres qui sommes supposés être les consommateurs, je pense qu’on peut relever les défis » estime M. Salif Souleymane.  

Pour garantir une autosuffisance en riz au Niger et atteindre les objectifs des « Visions » et « Stratégies Nationales de Développement de la Riziculture » qui visent à booster le rendement du riz du Niger et aller vers son exportation avant 2030, une synergie d’action s’impose à tous les niveaux. Responsables des services techniques, producteurs, acteurs des structures et organisations du secteur du riz, consommateurs, chacun doit pleinement jouer son rôle pour la mise en œuvre de ces stratégies.

Par Abdoul-Aziz Ibrahim(onep)

Source : http://lesahel.org/