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La Polygamie au Niger : Tradition, Défis et Perspectives

 Mariage NigerLa polygamie, définie comme la pratique pour un homme d’épouser plusieurs femmes, est une tradition ancienne présente au Niger comme dans de nombreuses sociétés à travers le monde. Cette pratique, tolérée par l’islam, la principale religion du Niger, est soumise à certaines conditions strictes. Selon les statistiques nationales de décembre 2012, la population nigérienne s’élève à 17.129.076 habitants, dont 8.461.444 hommes (49,4%) et 8.667.632 femmes (50,6%). Ces chiffres révèlent une augmentation progressive du nombre de femmes célibataires, un phénomène qui pourrait atteindre des proportions alarmantes sans intervention adéquate. Pour certains, la polygamie apparaît comme une solution potentielle à ce problème, souvent sans prendre en compte les exigences religieuses et culturelles qui la régissent.

Les gardiens de la tradition rappellent que le mariage n’est pas une institution à prendre à la légère, car il est célébré pour le meilleur et pour le pire. Les législateurs nigériens ont codifié que la femme doit obéissance et soumission à son mari, une notion contestée par plusieurs responsables d’organisations féminines qui luttent contre la violence à l’égard des femmes. Mme Mariama Moussa, Coordinatrice de l’ONG Femmes et Enfants Victimes de Violences Familiales, souligne que ce phénomène présente deux faces : d'une part, les femmes subissent souvent des violences conjugales, allant des coups et des injures aux souffrances morales et autres maltraitances ; d'autre part, certains hommes sont également victimes de violences de la part de leurs épouses, bien que cela reste largement sous silence.

Selon un rapport de 2005 de la Fédération Internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH), la société tend à tolérer les violences conjugales en stigmatisant les femmes victimes et en exerçant une pression sociale considérable sur elles. Cela rend difficile l'obtention de témoignages de celles qui souffrent en silence, particulièrement dans une société où l’islam est fortement ancré.

Les statistiques de l’Institut National de la Statistique sur le mariage au Niger indiquent que l’âge moyen au premier mariage se situe entre 16 et 17 ans pour les filles et entre 19 et 20 ans pour les garçons. Malgré une certaine évolution, les filles nigériennes se marient rarement après trente ans et près de 40% d’entre elles vivent dans des foyers polygames.

Oustaz Moustapha Ahoumadou, Secrétaire Général de l’Association islamique ‘’Faouziya’’, explique que « le mariage est un contrat basé sur la confiance, justifié par le consentement de la femme, et Allah (SWT) prône la justice pour les innocents ». Concernant la polygamie, il rappelle que le Coran permet d’épouser jusqu’à quatre femmes à condition d’être juste. Cependant, il reconnaît que réaliser cette équité est très difficile, voire impossible dans la société moderne.

Dans plusieurs pays africains où l’islam est prédominant, des femmes instruites et diplômées sont prêtes à accepter la polygamie pour trouver un mari. Au Sénégal, certaines femmes n’hésitent pas à déclarer publiquement leur acceptation de la polygamie, arguant que le mariage devient de plus en plus rare. Au Mali, les violences conjugales peuvent prendre des formes dramatiques, comme en témoigne le cas de Mariam Diallo, poignardée à mort par son mari en 2015.

À Niamey, le débat sur la polygamie divise profondément la société. Pour Ali Amadou, comptable et époux de trois femmes, la polygamie est une bénédiction qui prévient des problèmes d’infidélité, tels que les enfants nés hors mariage et les maladies sexuellement transmissibles. Cependant, il admet que la polygamie complique la gestion des foyers et peut engendrer des conflits entre coépouses et des problèmes d’héritage.

Samira Ousseini, étudiante en médecine, exprime sa peur de la polygamie. Elle constate que le mariage se fait rare et que certaines femmes acceptent de devenir secondes, troisièmes ou quatrièmes épouses par nécessité. Elle évoque également les problèmes de jalousie, de charlatanisme et de maraboutage qui peuvent survenir dans les foyers polygames.

Les sociologues attribuent la violence dans les foyers à un manque de communication, de moyens financiers, à l'incompréhension, à la jalousie et à la consommation d’alcool. Certains spécialistes en santé encouragent la polygamie, affirmant qu’elle pourrait réduire le risque de cancer de la prostate chez les hommes.

En somme, la polygamie au Niger soulève des questions complexes qui touchent à la tradition, à la religion et aux dynamiques sociales modernes. Une réflexion approfondie sur ces enjeux est essentielle pour comprendre et aborder les défis qu’elle pose dans la société nigérienne.

Boubé G. (Nigerdiaspora)