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3ème âge au Niger : Le refus catégorique de la dépendance par certains septuagénaires

M. Hamissou est né vers 1944 au Niger. Il pense avoir 70 ans. Il a quitté son village natal pour Niamey où il vit depuis près de 15 ans. Dans la capitale, Baba a en effet trouvé une activité lucrative : confectionner des cordes et les revendre à des grossistes au marché de Katako. C’était ça, sa principale activité qui, selon lui, lui a permis de vivre décemment et en toute indépendance à Niamey.

Tombé aujourd’hui sous le poids de l’âge, M. Hamissou a  malheureusement encore un problème de vision. Deux handicaps qui l’ont contraint à aller vivre chez son fils aîné dans un autre quartier de Niamey. Mais le vieil homme n’a toujours pas baissé les bras. Il a en effet trouvé l’ingénieuse idée d’initier un de ses neveux dans la confection et la vente des cordes. Toujours assis à la devanture de la maison avec son neveux, il aime parler de son business et de la vie des personnes âgées qui selon lui, sont pour la plupart sans aucun soutien.  Kissèye, elle, ne connaît même pas son âge. Fatiguée de rester au village pour s’occuper uniquement de ses petits enfants pendant que leurs mères sont allées aux champs, elle a préféré suivre un groupe de femmes à Niamey où, elles n’ont ni logement, ni activité. Elles dorment à la belle étoile à côté d’un marché de la place. Pour joindre les deux bouts, elles vendent du sable et du gravier dans des petites calebasses qu’elles transportent sur leurs  épaules à l’aide d’un gros bâton. Ce moyen de transport de marchandises appelé « tagala » et utilisé depuis la nuit des temps dans certaines localités du Niger est aujourd’hui encore en pratique. Il n’y a qu’à faire un petit tour dans les environs du petit marché pour s’en convaincre. Du petit matin jusqu’à quatorze heures, sous un soleil ardent, les femmes ‘’tagallakoye’’ transportent du sable ou du gravier dans l’espoir de trouver des acheteurs. Kissèye a rejoint ce groupe de femmes depuis son arrivée à Niamey. Malgré son âge, elle fait la navette avec son « tagala » pour ramasser du sable ou du gravier pour le revendre.

Des personnes âgées mais encore en activité  comme M. Hamissou et Kissèye, sont fréquentes à Niamey. Malgré leur âge, ces hommes et ces femmes ont opposé un refus catégorique à la dépendance. « Chacun a son petit problème financier en ville », affirme Baba Hamissou. «Pourquoi s’asseoir et attendre quelqu’un si tu peux aller chercher », ajoute-t-il avec fierté. Interrogé sur la recherche du gain facile à travers la mendicité sur les grandes artères de la capitale, il répond : « Ni, baani bara ». Une pratique qu’il a balayée d’un revers de la main.

Un point de vue que partage Hawa, une femme à la retraite depuis cinq ans, mais qui a décidé de mener des activités commerciales. « Je me sens plus dynamique maintenant que je travaille pour moi-même », dit-elle. Avec un véhicule de transport qu’elle a pu acquérir avec ses économies au moment où elle travaillait dans un Ministère de la place, Hawa parcourt aujourd’hui presque tous les marchés hebdomadaires des localités situées non loin de Niamey. Elle excelle dans l’achat et la vente des produits alimentaires. « Pourquoi, vais-je m’asseoir dans un salon pour attendre les enfants et une pension  alors que je peux encore travailler pour gagner de l’argent», dit-elle en riant. « Je me sens apte à faire des activités et je me suis inscrite dans un groupement de mon quartier où les femmes échangent beaucoup dans le cadre de leur autonomie financière.», poursuit Hawa.  

Pour elle, la pratique d’activités est même bonne pour la santé. « Les agents de la santé nous déconseillent toujours l’immobilisme  qui  peut entrainer des maladies comme l’hypertension ou le diabète », affirme Hawa qui, recommence une nouvelle vie active, malgré son âge. Elle donne ainsi la preuve comme les premiers intervenants que l’âge ne constitue pas un obstacle si la personne se sent physiquement apte à travailler.

Les problèmes de santé, un handicap

Mais il faut surtout compter avec la situation sanitaire des personnes âgées. Nombre d’entre elles ont en effet des soucis au plan sanitaire, ce qui constitue un gros handicap dans la pratique d’une activité.  Les personnes âgées sont d’ailleurs considérées comme un groupe  important pour le secteur de la santé.  les problèmes socio-économiques liés au vieillissement de la population mondiale constituent une préoccupation internationale depuis la résolution 45/106 adoptée par l’Assemblée Générale des Nations Unies tenue à New York en 1990 sur les personnes âgées et qui a institué la journée internationale des personnes âgées. Le thème retenu à la dernière édition de la journée internationale des personnes âgées  a porté sur ‘’ la prise en charge sanitaire des personnes âgées, un défi pour les autorités’’. Cette journée  est organisée chaque année à travers le monde pour magnifier le rôle important des personnes âgées dans la société et la nécessité pour les citoyens et les autorités de se préoccuper de leurs conditions de vie.

Cependant, selon le ministre en charge de la Santé Publique, Dr Idi Illiassou Maïnassara dans son message livré à l’occasion de l‘édition 2022 de la journée internationale des personnes âgées,  « leurs préoccupations, leurs préférences et leurs intérêts ne sont pas toujours pris en compte ».

Certes, « au Niger, le poids démographique des personnes âgées est faible (4,4% de la Population totale). Mais, la tendance jusque-là observée lors des recensements généraux de la population, fait ressortir une hausse progressive puisqu’en 1977, leur nombre n’était que de 249 474 individus. L’effectif est passé à 340. 672 en 1988 et à 496. 120 en 2001 avant d’atteindre 756. 074 en 2012 », a précisé le ministre. Il ajoute qu’en 2022, l’effectif des personnes âgées au Niger est estimé à 940. 332 et qu’il passera  à 1. 043. 862 en 2025.

Aussi, dans notre pays qui compte plus de 23,5 millions d’âmes,  la  Constitution du 25 novembre 2010  à travers certains de ses articles  offre un cadre d’intervention en faveur des personnes âgées. En plus, une Politique Nationale de Protection Sociale a été élaborée en 2011, ainsi que d’autres textes et projets de lois les années suivantes pour améliorer les conditions de vie des personnes âgées.

Beaucoup de textes, mais…

C’est dire que dans ce domaine, le Niger est respectueux des textes et consignes internationaux.  En effet, depuis la Conférence Internationale sur la Population et le Développement (CIPD) tenue au Caire en 1994, l’accent a été mis sur la situation des  personnes âgées parce que, l’accroissement régulier du nombre de personnes âgées dans les populations nationales, à la fois en chiffres absolus et par rapport à la population en âge de travailler, est lourd de conséquences dans la plupart des pays, tant développés qu’en développement, notamment en ce qui concerne la future viabilité des structures actuelles, formelles et informelles, d’aide aux personnes âgées. L’incidence économique et sociale de ce vieillissement de la population représente pour toutes les sociétés à la fois une chance et une gageure.

Nombre de pays revoient actuellement leurs grandes orientations, en partant du principe que la population âgée constitue un élément précieux et important des ressources humaines de toute société. Ils cherchent également à déterminer quels seraient les meilleurs moyens d’aider les personnes âgées à assurer leurs besoins à long terme.

La conférence du Caire a, de ce fait, fixé plusieurs objectifs relatifs à l’amélioration du cadre de vie des personnes âgées. Il s’agit entre autres de donner aux personnes âgées, par des mécanismes appropriés, une plus grande autonomie, et créer des conditions qui améliorent la qualité de la vie et leur permettent de travailler et de mener une vie indépendante, dans leur propre communauté, aussi longtemps qu’elles le peuvent ou le souhaitent; de créer, chaque fois que nécessaire, des systèmes de soins de santé ainsi que des filets de sécurité économique et sociale pour le troisième âge, en accordant une attention particulière aux besoins des femmes, et enfin de  mettre en place des systèmes, à la fois formels et informels, de soutien social pour qu’il soit plus facile de prendre soin des personnes âgées au sein de la famille. Pour atteindre ces objectifs, la CIPD a défini plusieurs  mesures à prendre. Ainsi, ‘’Les pouvoirs publics, à tous les niveaux, devraient prendre en considération, dans la planification socio-économique à long terme, le nombre et la proportion grandissants des personnes âgées dans la population.

La conférence a recommandé aux gouvernements de mettre en place des systèmes de sécurité sociale qui assurent une plus grande équité et solidarité tant entre les générations qu’entre les membres d’une même génération et qui aident les personnes âgées en encourageant la cohabitation de plusieurs générations d’une famille et en fournissant des services et un soutien à long terme aux personnes âgées qui sont de plus en plus fragiles. En outre, ‘’les gouvernements devraient s’efforcer de permettre aux personnes âgées d’être plus indépendantes, de manière à pouvoir participer plus longtemps à la vie de la société. En consultation avec les personnes âgées, les gouvernements devraient  selon toujours les conclusions de la conférence, veiller à ce que les conditions nécessaires soient créées pour que ces personnes puissent mener, en bonne santé, la vie qu’elles ont choisie, et de manière productive, et que les compétences qu’elles ont acquises soient pleinement mises à profit pour le bien de la société. La contribution inestimable que les personnes âgées apportent à la famille et à la société, surtout en faisant du bénévolat et en se  rendant utiles à leurs proches, devrait être dûment appréciée et encouragée’’. Enfin, en collaboration avec les organisations non gouvernementales et le  secteur privé, les gouvernements devraient, dans tous les pays, renforcer les systèmes de soutien et les filets de sécurité, tant formels qu’informels, pour les personnes âgées et éliminer toutes les formes de violence et de discrimination à leur égard, en prêtant une attention particulière aux besoins des femmes âgées’’.

De 1994 à 2023, beaucoup s’accordent à reconnaitre qu’il reste encore à faire pour les personnes âgées dont le nombre devrait passer de 54 millions en 2021 à 163 millions en 2050 en Afrique.

Fatouma Idé (ONEP)

Source : http://lesahel.org/