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Mme Mariama Alhassane, ancienne ministre et parlementaire : «La femme nigérienne a toujours été discrète dans ce qu’elle fait»

De l’histoire de la lutte héroïque des femmes nigériennes à l’aube de la démocratie dans notre pays, Mme Mariama Alhassane, ancienne Ministre et parlementaire, garde un souvenir vivace. A l’image des «Trois glorieuses», de la révolution française de Juillet 1830 qui porte sur le trône un nouveau roi, celle de femme nigérienne à la veille de la tenue de la Conférence nationale souveraine a consacré «l’irruption» des femmes dans le débat politique en revendiquant de manière énergique leur prise en compte dans la détermination du destin national.

Les femmes se sont, en effet, levées comme un seul homme, toute tendance politique confondue pour revendiquer leur place au sein de la Commission préparatoire de la conférence nationale souveraine. «Vous savez que les femmes avaient été négligées dans la composition de ce comité préparatoire, et cela a interpellé toutes les femmes. Et elles ont marché royalement et de manière presque spontanée, sans aucune consultation, sans une mobilisation, toutes les femmes se sont senties profondément interpellées pour revendiquer leur place. Et ce qui fut fait au cours de cette marche qui a conduit toutes les femmes à la Primature. Cette marche a donné ses fruits puisque la composition de cette commission préparatoire de la conférence nationale souveraine a été modifiée, et les femmes ont eu leurs places» souligne Mme Mariama Alhassane. Elle ajoute que  depuis cette date, il y a eu une éclosion du mouvement féminin. «A l’époque on n’avait qu’une seule centrale féminine, qui fédérait les autres associations l’AFN ; mais depuis, est né le Rassemblement Démocratique des Femmes du Niger (RDFN), puis plusieurs autres mouvements dans plusieurs autres domaines où les femmes se sont organisées pour participer à la construction nationale» ajoute l’ancienne ministre de la Fonction Publique. Parlant des avancées enregistrées depuis cette sortie héroïque pré-conférence nationale des femmes, elle évoque la loi sur le quota, même si de son point de vue, elle demeure insatisfaisante.

«Au plan du combat, c’est significatif que les femmes puissent obtenir ce quota. Vous savez que le quota a donné lieu à d’intenses débats. D’aucuns n’étaient pas pour ces quotas, d’autres oui. Dans un contexte comme le nôtre où le genre masculin a pris le pas, il fallait donner l’habitude aux gouvernants, aux partis politiques et de manière générale à notre communauté nationale, de faire avec les femmes. Et le premier texte sur le quota a été obtenu de haute lutte, parce que la ministre de l’époque a su fédérer les femmes autour d’elle. On a conçu ce texte, et on a fait un plaidoyer-lobbying auprès du Chef de l’Etat de l’époque, et de tous les responsables au niveau gouvernemental pour leur expliquer la nécessité de réserver à la femme la place qu’elle mérite. Ce que nous avions voulu n’a pas passé, néanmoins nous avons obtenu 15% des postes pour les fonctions électives et 25% pour les fonctions nominatives aux emplois supérieurs de l’Etat. Au départ, on avait voulu avoir des pourcentages plus importants, mais cela n’a pas été le cas. On s’est contenté de cela. Et en 2019, fort heureusement l’Assemblée Nationale a révisé à la hausse ces quotas, à 25% et 30% et avec les actions des associations féminines et des ONG, on a pu conscientiser les femmes pour qu’elles aient une certaine assurance pour se porter candidates aux fonctions électives au niveau local et national. Et cela a porté ses fruits. Aujourd’hui, au niveau du parlement, on a satisfait le quota de représentation» souligne fièrement l’ancienne parlementaire.

Mais elle met un bémol en disant que peut-être que cela a fonctionné pour les fonctions électives parce qu’il y a un processus. «Il y a plusieurs pouvoirs qui interviennent, notamment la Cour Constitutionnelle qui veille au respect strict de cette loi. Aucune liste qui ne respecte pas ce quota ne pouvait passer au niveau de la Cour Constitutionnelle. Peut-être c’était cela la chance des femmes. Mais vous voyez pour les fonctions nominatives, on est très loin du compte. Il y a des moments même où on se demande si au niveau du Secrétariat Général du gouvernement, on veille au respect de cette loi. Au niveau du Secrétariat Général du gouvernement, tout texte, tout décret qui doit être adopté par le gouvernement, doit être conforme aux lois de la République». Si la représentation des femmes au niveau du parlement est désormais un fait, quand est-il de leur efficacité ?

L’ancienne ministre  et parlementaire est catégorique : «Ce n’est pas toujours le fait de tempêter qui constitue un critère pour jauger la contribution et la participation des femmes. La femme nigérienne a toujours été discrète dans ce qu’elle fait. J’ai été parlementaire, et à l’époque nous avions un caucus femmes qui réunit toutes les femmes qui sont au Parlement. A l’époque les femmes se concertent sur toutes les lois à enjeu pour défendre leurs intérêts. Donc elles n’ont pas besoin de prendre la parole publiquement, de tempêter, ou de parler dans les médias ou autres pour pouvoir se faire entendre. Elles appartiennent à des commissions, et au sein de ces commissions elles défendent leur position. Donc elles défendent les intérêts des femmes». Pour l’ancienne ministre, l’un des handicaps majeurs qui plombent l’émancipation de la femme est la discrimination à l’égard du «sexe faible».

Mais que faire pour faire bouger de manière notable les lignes ? «La première des choses que les pouvoirs publics doivent faire pour favoriser l’émancipation des femmes, c’est de respecter les textes. La Constitution du Niger bannit toute discrimination basée sur le sexe. La Constitution a affirmé l’égalité des droits. Il faut donc faire une relecture des textes pour bannir toute discrimination à l’endroit des femmes dans les différents domaines. Et Lorsque les textes de la République prévoient une chose, les premiers responsables de la République ont le devoir de respecter ces textes, de les appliquer, et de les faire appliquer. Les hommes qui arrivent au sein du gouvernement sont des hommes politiques. Mais au niveau du Secrétariat Général du gouvernement, ça devra être des techniciens du droit, des techniciens administratifs, qui doivent regarder à la loupe tous les textes législatifs soumis à l’approbation du gouvernement sous l’angle du respect des textes. Ce sont les premiers conseillers législatifs du gouvernement. Donc quand on présente des actes de nominations, ils doivent pouvoir dire que le quota n’est pas respecté ; et on renvoie pour que le quota soit respecté», a-t-elle explique.

Par Oumarou Moussa(onep)

Source : http://lesahel.org/