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Chroniques sahéliennes : LE TEMPS DE LA RETRAITE

Admis à faire valoir ma retraite après quelques décennies de bons et loyaux services, je suis allé me renseigner sur le dossier à constituer pour prétendre à un repos et à une pension que je considère à juste titre comme bien mérités.

Première surprise, le dossier en question compte plus de vingt pièces, une liste tout à fait officielle établie par le ministère en charge. Mon administration ne m’ayant pas toujours remis copie de certains actes me concernant, je prends mon courage à deux mains, je m’active et je rassemble ce que je crois être le tout, au bout de quelques semaines d’innombrables souffrances et sacrifices : dépenses de carburant pour la navette entre des services concernés et éparpillés dans la ville, multiples montées au 8ème étage du ministère de la fonction publique (l’ascenseur est en panne depuis plusieurs mois), frais de photocopies et de légalisation, plongées étouffantes dans la poussière de mes armoires et cartons à la recherche de documents, etc.

Alors que je pense avoir fourni tout ce qui m’était demandé par un service, un autre service me fait savoir qu’il manque encore des pièces, que je ne trouve nulle part dans mes archives personnelles, moi qui suis de nature si ordonné. En fait, elles n’avaient même pas été établies par l’administration alors qu’elles devaient l’être automatiquement, au fur et à mesure que j’évoluais dans ma carrière, changeant de poste et souvent d’employeur public. Je découvre alors la grande et dure épreuve des régularisations, balloté entre différents services et agences, censés être créés pour fluidifier le système mais qui s’avèrent n’être que des lourdeurs administratives supplémentaires.

Avant, on travaillait le temps qu’il faut, on partait avec les honneurs rendus par les collègues, la reconnaissance de l’Etat et une pension calculée selon les règles par des fonctionnaires peu nombreux et sans ordinateurs. Les nouveaux retraités ne se fatiguaient pas à constituer les dossiers et la pension « tombait » aussitôt que le salaire était coupé. Les agents des services concernés se pliaient en quatre pour vous aider à passer ce cap important de votre vie, et vous n’aviez nul besoin de leur faire des « gestes ». L’administration travaillait au manuel, mais elle était compétente, diligente et désintéressée.

Me voilà donc qui tombe de haut, moi qui croyais que depuis vingt ans, le Gouvernement s’attelait à moderniser l’Etat, à travers de nombreuses et bruyantes administrations de mission, des formations massives des personnels et des acquisitions d’équipements informatiques. L’automatisation de la gestion des carrières et la simplification des procédures de départ à la retraite et de liquidation des pensions semblent bien avoir été oubliées dans ce grand projet gouvernemental.

De nos jours, l’annonce de départ à la retraite est aussi celle de grands défis à affronter, peut-être plus éprouvants que les années données à la construction de l’Etat.

C’est en fait au moment où vous aspirez au repos que la grande fatigue commence…

Par Idimama Koutoudi

 Source : http://www.lesahel.org