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Violences basées sur le genre : Des pesanteurs sociales entravent le processus de poursuite contre les violeurs

Le viol et les abus sexuels constituent un problème de société qui prend de plus en plus de l’ampleur dans notre pays. Pourtant ce sujet reste tabou et très peu de victimes dénoncent le phénomène de peur d’être stigmatisées. Ce qui fait que les individus mal intentionnés continuent à abuser des femmes, des petites filles et même des garçons qui n’échappent plus à cet acte ignoble, en dépit des efforts déployés par les autorités et certaines organisations non gouvernementales qui se donnent corps et âme pour éradiquer ce fléau.

Bien qu’il soit pris en charge par une loi spéciale incorporée dans le Code Pénal en ses articles 283 et 284, le viol est de plus en plus répété aussi bien à Niamey qu’à l’intérieur du pays. Ses effets traumatisent les victimes tant sur le plan physique que psychologique. L’article 283 du Code Pénal définit le viol comme ‘’tout acte de pénétration sexuelle de quelque nature qu’il soit commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise’’. Selon Mme Gogé Maïmouna Gazibo, magistrat et coordinatrice de l’ONG ‘’Chronique Juridique’’, dans l’ancienne version, la loi n’avait pas pris en compte le fait qu’on pouvait violer quelqu‘un par d’autres orifices, et à un moment les mal intentionnés ont compris, au lieu de prendre les victimes par la voie normale, ils les prenaient par les voies non autorisées. Quand le législateur a compris cela et que surtout il y avait beaucoup des petits garçons et dans les prisons des hommes qui ont été pris par des voies pas naturelles, on a élargi la définition pour dire ‘’tout acte de pénétration sexuelle de quelque nature qu’il soit commis sur la personne d’autrui’’.

Au Niger lorsqu’une personne est reconnue coupable de viol (si les assises jugent une personne coupable) la peine d’emprisonnement prévue est de 10 à 20 ans. Pour le cas spécifique des enfants, lorsque la victime est un ou une mineure (toutes les fois où la victime d’un viol est âgée de moins de 13 ans, le coupable risque un emprisonnement de 15 à 30 ans car, le statut d’enfant constitue une circonstance aggravante. Aussi, les personnes qui abusent de leur autorité (c’est-à-dire lorsque la victime est sous votre autorité), la loi estime que toutes les fois où vous avez abusé de votre statut pour contraindre une personne à avoir de rapport sexuel avec vous, l’emprisonnement est à vie. En matière d’infraction pénale, le retrait de la plainte n’a aucun effet sur la procédure. Très souvent dans les situations de viol, les familles s’entendent après. Mais ça n’empêche pas à la procédure de continuer son cours.

Mieux, quand la victime est mineure quel que soit le pardon accordé par les familles, la procédure se poursuivra. Quand il s’agit d’une fille de moins de 13 ans, même si c’est de commun accord, si les parents portent plainte la personne sera poursuivie. Cependant, a déploré Mme Gogé, en matière de viol, la loi a aussi des insuffisances, car, aujourd’hui la plupart des dossiers de viol qu’on rencontre devant les tribunaux concernent des mineurs car, la plupart des femmes adultes victimes de viol préfèrent garder le silence et refusent de porter plainte par peur de devenir un objet de stigmatisation. «Les pesanteurs socioculturelles font que la procédure en matière de viol doit être revue pour donner une garantie d’anonymat à la victime. Et si on veut réellement lutter contre les agressions sexuelles, il faut qu’on revoie la loi pour que le procureur puisse s’assurer de cette garantie aux victimes qui ne souhaitent pas être jetées à la vindicte populaire», estime Mme Gogé Maïmouna. L’autre insuffisance constatée dans la législation est qu’il n’y a pas d’amende alors que la victime peut demander une réparation pour les préjudices moraux.

Un autre forme de viol fréquente surtout à l’intérieur du pays, c’est le viol en réunion où 3, 4, 5 personnes donnent souvent de l’alcool ou de la drogue à une fille pour abuser d’elle. Pour ce cas de figure aussi, l’emprisonnement est à vie.

Parmi les ONG qui excellent dans la lutte contre ce fléau, figure l’ONG SOS Femmes et Enfants victimes de violence familiale de Mme Mariama Moussa. Le travail de cette organisation consiste à la prise en charge immédiate des survivantes qui nécessitent d’être référées vers la police ou la gendarmerie. Elles sont les seules institutions étatiques qui sont autorisées à décerner une réquisition à la victime de viol et sur la base de cette réquisition que l’expertise est autorisée au niveau des structures de référence identifiées par l’Etat que sont la Maternité Issaka Gazobi et le Centre Hospitalier Régional Poudrière. Ces deux structures sanitaires sont les seules autorisées à faire une expertise médicale sur la base de laquelle la procédure est engagée.

Aussi, la prise en charge du viol à un coût, et l’ONG paie le plus souvent les frais d’expertise médicale qui s’élève à 300.000 FCFA, sans compter d’autres examens auxquels la victime est soumise. «Souvent, les victimes qui n’ont pas les moyens, se réfèrent à l’ONG qui prend en charge par humanisme toutes les charges y compris les produits car, ne disposant pas d’un fonds destiné à cela», explique Mme Moussa Mariama. Seul le centre de Zinder est accompagné par le Ministère de la Promotion de la Femme et de la Protection de l’Enfant, et l’UNFPA. L’ONG assiste également les victimes jusqu’à la poursuite de l’auteur et les accompagne psychologiquement à travers les cliniciens.

Malheureusement, il est imposé au niveau de la Maternité une somme de 30.000 FCFA aux parents des victimes déjà en détresse et qui souvent n’ont même pas de quoi assurer leur pitance quotidienne. Une condition qui peut freiner le processus d’accusation devant les tribunaux.

 Aïchatou Hamma  Wakasso

Source : http://www.lesahel.org