Skip to main content

Succession au Sultanat de Dosso : Attention au feu de poudre !

Depuis la disparition, le 31 octobre 2022, du Sultan l’honorable Djermakoye Maïdanda Saïdou (à l’âge de 101 ans), que de supputations, faites d’interrogations et d’inquiétudes quant à l’attitude du pouvoir en place dans l’observance stricte des rites et usages coutumiers propres à la chefferie de Dosso ! Les ayants-droits au trône l’espèrent, non sans appréhension de voir le pouvoir en place chercher à déroger à la règle jusqu’ici observée à propos de succession dans les sultanats. Des inquiétudes pourtant minimes, pour ne pas dire inexistantes, le régime ne pouvant lui-même prendre le risque de jouer au pyromane. Si, jusqu’ici le pouvoir en place a strictement respecté les dispositions de l’article 9 de la loi portant statut de la Chefferie traditionnelle, les légitimes dépositaires de la chefferie de Dosso semblent s’être faits adeptes de l’adage « mieux vaut prévenir que guérir ». Ils ont ainsi adressé, le 20 novembre 2022, une lettre dans ce sens, au ministre de l’Intérieur. Dans cette lettre, co-signée par l’ensemble des représentants légitimes de toutes les branches de la chefferie traditionnelle de Dosso, les signataires ont tout de suite rappelé les dispositions de la loi 2015-01 du 13 janvier 2015, portant statut de la chefferie traditionnelle en République du Niger, modifiée par la loi 2019- 57 du 25 novembre 2019. Selon la loi invoquée, « Les sultans et les chefs de provinces sont désignés selon le mode de nomination consacré par leurs communautés respectives. Les conditions de désignation et le déroulement du processus de désignation du sultan et du chef de province sont fixés par arrêté du ministre chargé de l’Administration territoriale conformément à la coutume de la communauté considérée. ». De fait,récemment, le sultanat de Katchina a traversé la même épreuve, avec la succession de feu Marémawa Ali Zaki, décédé le 24 juin 2021. Une épreuve surmontée sans embûches, le sultanat ayant procédé le 5 novembre 2022 à la désignation d’un nouveau sultan, l’honorable Ahmed Ali Zaki, selon le rite coutumier consacré. Un rite qui veut, suivant la coutume, que ce soit un collège électoral de quatre dignitaires (le Galadima, le Durbi, le Kaoura et le Yan daka) qui procède à l’élection du sultan parmi les nombreuses candidatures qui lui sont soumises. Tous les chefs qui se sont succédé à la tête du Katchina ont été élus sur cette base. D’où proviennent alors les inquiétudes des princes de Dosso puisqu’au Katchina, un autre sultanat, le pouvoir en place n’a pas interféré dans la désignation du nouveau sultan suivant le rite coutumier ?

Les dignes successeurs de l’honorable Djermakoye Maïdanda Saïdou ne demandent pas plus que ce qui est reconnu aux autres sultanats.

« L’initiative de cette lettre, peuton lire, découle de l’expression d’un réel sentiment de frustration des populations exaspérées par ce qu’elles considèrent comme une négation par l’administration de la coutume de Dosso en matière de dévolution successorale au trône à l’inverse des autres sultanats du pays dont l’élection récente du sultan de Maradi selon la coutume du Katchina est une parfaite illustration ». Le mot est lâché. Le sultanat de Dosso a l’impression d’être l’objet de discrimination de la part des pouvoirs publics. L’initiative d’écrire au ministre de l’Intérieur sur un sujet sur lequel, en principe, il ne peut se permettre de faire deux poids, deux mesures, procéderait, donc, si l’on s’en tient à la lettre susmentionnée, à une volonté farouche d’éviter une situation préjudiciable à la paix sociale. Le climat est assez tendu, la suspicion à l’endroit du pouvoir en place d’entreprendre une action malheureuse étant grande. Les signataires de la lettre n’ont pas pris de gants pour le dire. Notre initiative, indiquent-ils, « nécessite de votre part la suspension de toute action engagée dans le cadre du processus de désignation du prochain sultan ». Un avertissement à peine voilé quant au risque de voir le gouvernement s’aventurer sur des pistes hasardeuses. Selon une source proche du sultanat, les dignes successeurs de l’honorable Djermakoye Maïdanda Saïdou ne demandent pas plus que ce qui est reconnu aux autres sultanats. Toujours, selon la même source, il y a de quoi craindre le pire si Dosso est traité différemment que les autres sultanats. L’unité d’ensemble des communautés représentant les différentes branches de la chefferie de Dosso est un signal fort qu’il ne faut pas négliger.

Ce réveil culturel pour un retour aux procédures coutumières en matière de dévolution du pouvoir à la tête de la chefferie de Dosso, selon le vieux dogme « Dosso-Dosso » ne date pas d’aujourd’hui. Il est quelque part le fruit du travail du défunt sultan Djermakoye Maïdanda Saïdou qui a initié la reconstitution de la cour de notables représentant les différents quartiers et villages originels. Une vieille tradition longtemps oubliée qu’il a ressuscitée, au grand bonheur des Dossolais. Attention au feu aux poudres, dit un observateur, non sans souligner que si la loi et le principe qui a prévalu au Katchina sont respectés pour le cas de Dosso, il n’y a pas de raison de nourrir la moindre inquiétude. La balle, peut-on dire, est dans le camp du gouvernement. Selon nos sources, une délégation des quartiers et villages originels de la chefferie de Dosso a d’ailleurs fait, hier, le déplacement du ministère de l’Intérieur pour s’enquérir de la suite réservée à leur lettre. Il leur a été répondu que ladite lettre est dans le bureau du Secrétaire général pour lecture. Autant dire que les choses sont en «standby» au niveau du gouvernement que les signataires ont appelé à prendre toutes les dispositions utiles permettant d’observer et garantir une juste application de la loi citée. Dosso, comme le reste du Niger, est, donc, suspendu à la décision du pouvoir en place. C’est dire que la signature, par le ministre de l’Intérieur, de l’arrêté fixant les conditions de désignation et le déroulement du processus de désignation du sultan de Dosso est attendue avec anxiété. Ce sera pile ou face.

Laboukoye