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Nouveau marché central moderne de Tahoua: Le complexe commercial ouvrira bientôt ses portes

C ’est le 19 Février 2021 que le Président Issoufou Mahamadou procédait à l’inauguration du nouveau marché central moderne de la ville Tahoua. Un complexe commercial, dont les travaux de construction ont duré environ un an. C’est un chef-d’œuvre architectural R+1 composé de 1317 boutiques, un hangar central de 2000 m², une mosquée de 190 places, un bloc administratif de 12 bureaux, trois (3) blocs sanitaires, mais aussi 2800 mètres linéaires (ml) de caniveaux, un canal fermé de 359 ml, 24584 m² de pavage, un parking de stationnement de 224 places, etc. Pour un coût global de près de 22,5 milliards de francs CFA, sur financement de l’Etat nigérien (près de 20 milliards de francs CFA).

« La mise en service de ce marché contribuera au renforcement des activités économiques et au raffermissement de nos échanges commerciaux déjà très fructueux avec nos grands voisins », notamment le Nigeria et l’Algérie, disait le ministre des Domaines, de l’Urbanisme et du Logement, M. Waziri Maman, lors de la cérémonie d’inauguration. Sauf qu’aujourd’hui, plus de 20 mois après la cérémonie inaugurale en grandes pompes, ce joyau n’est pas encore en service. Rien ne s’y achète, rien ne s’y vend ! Aucune boutique n’a ouvert. Les commerçants de la ville languissent dans les rues et dans certains coins avec leurs marchandises. Ils sont notamment au niveau du Stade, (tout autour et jusqu’à l’intérieur).

« Nous n’avons jamais pensé que nous allons rester aussi longtemps dispersés dans les rues (…) »

Cela fait presque trois années que ces commerçants exercent «en refuge», sortis du site au début des travaux en février 2020. L’espoir d’un renouveau avec le marché grandiose et moderne se dissipe dans l’impasse. Ils ont vécu deux saisons hivernales dans les rues.

Chaque matin ces marchands sortent et étalent leurs produits jusque sur la chaussée, à même le sol et sous le soleil, en fin de journée ils ramassent et rangent tout. Cet exercice se répète tous les jours.

« Nous n’avons jamais pensé que nous allons rester aussi longtemps dispersés dans les rues. Le chantier a été vite et bien achevé. Mais là, c’est le calvaire, surtout pour nous autres commerçants aux petits capitaux, qui exerçons dans l’ombre des grossistes. Parmi ceux qui sont éparpillés dans la ville, certains sont en faillite. La force du commerce c’est quand nous sommes rassemblés. Toute la population converge vers le marché pour ses besoins. Les clients achètent ici et là, chacun s’en sort », témoigne Abou Amar, un jeune commerçant en refuge sur l’aile ouest du stade municipal de Tahoua. « Si le business marchait ici, comme c’était le cas au marché, je n’aurais même pas le temps de vous répondre. Je serais occupé à servir des clients », nous a-t-il confié.

Abou Amar trouve que la situation a trop duré parce qu’en réalité les commerçants ne parlent pas d’une seule et unique voix. Ils seraient de deux bords syndicaux. « Nous sommes dans le doute et nous craignons une répartition inéquitable des boutiques. Des magouilles, c’est tout ce qui justifierait cette lenteur », assène son voisin Abdoul-Aziz Oumarou. A côté de lui, Elhadji Andadji, un autre commerçant justifie cette situation par le fait que le chantier n’est pas encore terminé. Fort de ses 40 années dans le commerce, le grossiste a l’air plutôt serein et optimiste. « C’est des rumeurs qui courent. A l’intérieur tout est fini certes, mais, nous, nous savons qu’il y’a des travaux qui restent, notamment au niveau du petit pont. Les ouvriers ont suspendu à la veille de la fête et ne sont jamais revenus. Ce qui les retient, c’est ce que nous ignorons. Je pense qu’après, interviendra nécessairement une rencontre entre les autorités et nos représentants pour fixer et organiser l’ouverture des boutiques », explique Elhadji Andadji qui ne nie pas cependant la situation difficile du marché dans les rues. « Il se dit convaincu que chaque commerçant enregistré aura sa boutique.  « Tous ceux qui sont enregistrés, les occupants de l’ancien marché, se retrouveront. Les autres pourront avoir aussi des boutiques », espère le commerçant.        

C’est pitoyable, ce que vivent les commerçants dans les rues, estime Elhadji Aboubacar Abouba dit Na-Allah, président de la chambre consulaire de Tahoua. « C’est une situation face à laquelle nous ne pouvons qu’implorer Dieu. Qu’Il nous guide vers une issue heureuse, qu’Il nous montre ce jour tant attendu de l’ouverture du marché. Sinon les gens ont presque perdu espoir », affirme l’opérateur économique représentant les commerçants de la région au niveau de la chambre de commerce. « J’ai plaidé notre cause ici auprès des autorités régionales, jusqu’à Niamey chez les plus hautes autorités du pays. « Je leur ai exprimé notre gratitude pour la réalisation de ce grandiose marché, au profit de nos membres et pour la prospérité de notre économie. C’est vraiment une infrastructure digne, un chef d’œuvre. Mais le silence, ces non-dits d’après nous laissent sans repère. Les travaux sont finis depuis presque deux ans, mais le marché n’est toujours pas ouvert. Nos commerçants, me demandent chaque jour, où en sommes-nous », confie Elhadji Na-Allah.

Selon le président de la chambre consulaire, seuls les travaux de numérotation des boutiques restent. « Et nous savons que c’est juste une tâche de deux ou trois jours. Nous ignorons les raisons qui font tarder cette ouverture du marché. Nous étions assurés d’ailleurs que nous l’aurions occupé au cours du mois d’aout dernier. En vain ! Il y’a vraiment des non-dits dans cette affaire », craint-il. Elhadji Na-Allah précise qu’à cette date (mi-octobre 2022) la question des prix des boutiques n’est pas sur table entre les acteurs. La commission ou le comité devant y statuer n’est pas encore en place.  

« Nous avons l’impression d’être mal considérés… »

Le président du syndicat des commerçants de Tahoua, Elh Halla Mahamadou, révèle que l’entreprise en charge des travaux du marché n’est pas totalement rentrée dans ses droits. Le marché n’est d’ailleurs pas encore réceptionné. « Il y’a des petits travaux qui restent, certes. Mais cela ne suffit pas pour autant pour tarder l’ouverture du marché. Aux dernières nouvelles,  il reste de l’argent que l’Etat doit à l’entreprise, avant que le marché puisse être réceptionné. Quand SATOM (l’entreprise) aura fini, le ministre de l’urbanisme prendra les clés qu’il remettra ensuite au ministre du commerce. Depuis lors, nous n’avons eu aucune information par rapport à la suite. Nous savons du moins que rien n’a évolué au sujet de cette ouverture tant entendue »,  confie le responsable du syndicat des commerçants. 

Elh Halla Mahamadou soutient que cette situation a beaucoup impacté les commerçants, durant ces dernières années. « Déjà dans le cadre des travaux de Tahoua Sakola beaucoup de nos membres ont été déguerpis de leurs places commerciales. Plus de 4.000 boutiques ont été touchées. Et voilà encore cette seconde épreuve. Nous avons l’impression d’être mal considérés. Nos commerçants se plaignent. Ils sont dans les rues, d’autres sont cachés dans les quartiers. Ils n’ont pas de place idéale pour bien exercer leurs commerces. Nous en appelons aux autorités à être regardantes sur notre situation », lance le président du syndicat.

Il ne s’agirait pas forcement de soutenir financièrement les commerçants, après l’ouverture du marché, avec des crédits, ce serait difficile, estime Elh Halla. « Nous attendons juste qu’on nous ouvre le marché. Et comme promis, que chacun des anciens occupants puisse se retrouver dans l’attribution des boutiques. S’il en reste, ceux qui n’y étaient pas aussi qu’ils fassent des demandes pour en avoir. Cela tout en évitant que des géants s’en accaparent pour louer à leur tour, à des tarifs plus chers », propose-t-il. 

Par Ismaël Chékaré(onep)

Source : http://www.lesahel.org