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(Vidéo)Interview du Président Bazoum à BBC : Un aveu d’impuissance ou le début de la révolte ?

C’est sans doute le scoop de la semaine, le tube de l’été probablement. En effet, en marge des cérémonies de couronnement du Roi Charles III d’Angleterre, à laquelle le Président Mohamed Bazoum, à l’instar de plusieurs Chefs d’Etat du continent, avait pris part, le dirigeant nigérien avait accordé à la mythique chaîne d’Information dénommée ‘’British Broadcastring Company (BBC), un entretien dont une partie a été diffusée sur les réseaux sociaux. Effectivement, il faudrait rester dans le contexte de l’interview en question pour bien comprendre les paroles du président Bazoum, sans chercher à succomber à des raccourcis simplistes juste pour satisfaire un quelconque fantasme personnel. Alors, il n’en fallait pas plus pour allumer la mèche, comme on dit souvent, sur la portée quelque peu exagérée des propos du premier magistrat du pays. Comme d’habitude, président Bazoum a fait du ‘’Bazoum’’ tout simplement, c’est-à-dire cette franchise exceptionnelle que l’on lui connaît d’ordinaire, qui consiste à ne jamais éluder de répondre à une question qu’on lui pose sur sa présidence. C’est ainsi qu’au détour d’une question posée par le journaliste de la chaîne relative à la déclaration publique sur l’honneur des biens des ministres en fonction, il avait tenté d’expliquer les écarts entre le niveau de son patrimoine personnel et celui de certains de ses ministres par le fait que le temps aurait joué en faveur de certains de ces ministres en place et dans les rouages de l’Etat depuis de nombreuses années. Mais lui-même, n’était-il pas là depuis plus d’une décennie à de hauts postes de responsabilité politique (Affaires Etrangères, Intérieur, Ministre d’Etat à la Présidence, Président du PNDS-Tarayya) ? Argument bidon, sans doute, car ce n’est pas la durée passée dans l’exercice de ces fonctions qui expliquerait l’enrichissement supposé des premiers serviteurs d’Etat. Jacques Chirac avait passé 16 ans à la grande Mairie de Paris (qui employait plus de 40.000 agents, à l’époque) et 12 ans à la Présidence de la république. Mais, lorsqu’il avait quitté ses fonctions officielles, il ne disposait même d’appartement personnel à Paris pour y aménager à titre privé ! Invraisemblable, diriezvous sans doute ! Pourtant, c’était bel et bien vrai et c’était son ami personnel, le milliardaire François Pinault qui avait mis à sa disposition une de ses villas personnelles de la capitale française. La raison en serait alors à être recherchée dans l’état d’esprit même de la gouvernance instituée au Niger, douze ans plus tôt, par le régime de la renaissance dont Mohamed Bazoum est un pur produit, un régime politique profondément corrompu et affairiste. Le président Mohamed Bazoum venait de manquer là une belle occasion de se la boucler, sans conteste, le plus spécialiste de bourdes politiques au Niger. Cependant, le côté sensationnel de cet entretien en langue haoussa pourrait résider dans la stigmatisation politique faite par le président Bazoum Mohamed pour avouer, alors qu’il n’y était point obligé, que sur 50 personnes de gens arrêtées pour des faits de corruption et de détournements de deniers publics, 40 sont du PNDSTarayya. Quel culot de dire cela ! Que fallait-il alors comprendre dans ce coup d’éclat dont seul Mohamed Bazoum a le secret au Niger ? Simple expression d’un aveu d’impuissance, comme l’avions titré, ou sonnerait- il la révolte tant attendue des uns et des autres face à l’establishment actuel du joug duquel il aurait été deux ans durant ?

Cette sortie médiatique du président Bazoum, si elle a eu cet écho retentissant dans le pays, c’est parce qu’elle survenait dans un contexte national dominé par l’affaire dite ‘’Uraniumgate’’ dans laquelle de graves accusations avaient été portées à l’encontre de l’ex-président de la République. Certaines sources avancent que le président Bazoum serait excédé par l’attitude encombrante de son ancien mentor politique qui continuerait à protéger encore certains de ses proches gravement impliqués dans des indélicatesses de gestion. C’est ce qui pourrait expliquer que l’engagement présidentiel d’assainir et de moraliser la vie publique nationale peine à se concrétiser, en dehors de quelques menus fretins pris dans les nasses de la HALCIA et de la Justice. On pourrait assister alors à la fin de cette longue complicité entre le président Mohamed Bazoum et Issoufou Mahamadou, un clash à la Tandja/Hama, prophétisent les plus optimistes des analystes nigériens, ou à la mauritanienne, ou encore à l’angolaise. Car, le pouvoir suprême n’est pas ‘’un banc sur lequel peuvent s’asseoir plusieurs personnes’’, avait dit, un jour, Laurent Gbagbo, au plus fort de la crise ivoirienne des années 2000. Tout est possible dans la quête du graal suprême,même les scénarii les plus inimaginables ! Cependant, ce serait vite aller en besogne que de croire que le président Bazoum serait capable d’une telle audace, quand cela ne ressemblerait pas, à certains égards, à la perfidie contre celui par la volonté duquel une grande partie de son destin présidentiel actuel serait arrivée. Récemment encore, lors d’une tournée à l’intérieur, le président Bazoum aurait réitéré sa fidélité à sa fidélité à Issoufou Mahamadou qui représenterait tout pour lui dans la vie. Rien au monde ne pourrait (même la mort, car leur mémoire respective demeurerait devant l’Histoire) les séparer l’un de l’autre, à part un grand événement apocalyptique de ‘’sauve-qui-peut’’ où l’instinct de conservation individuel prendrait le dessus sur toutes autres considérations. Et pour ce jour terrible, il faut, sans doute, espérer avoir la longévité dont avait bénéficié la communauté du Prophète Noé, aurait lâché l’enfant-prodige de Tesker ! C’est dire que c’est désormais une mission impossible dans ce Niger contemporain, et que tous ceux qui aimeraient rêver encore plus seraient autorisés à poursuivre pour leur plus grand plaisir, ou se réveiller d’un cauchemar qui n’aurait que trop duré pour affronter la réalité en face !

Aliou Badara