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Tribune : Quand sonne le Tocsin

Argumenter, convaincre et séduire, telle semble être la figure de rhétorique que s’est choisie le Président du CNSP, Chef de l’Etat, le Général Tiani pour s’exprimer une deuxième fois en l’espace de quatre mois afin d’éclairer la lanterne des populations nigériennes sur les orientations stratégiques de l’organe dirigeant, ainsi que son appréciation de la situation économique, politique et sociale.

D’un ton calme et posé sans envolée lyrique, ni anathèmes enflammés, le Président du CNSP s’est livré aux jeux des questions réponses se montrant tout au long de l’interview maître de son sujet, fortement imbibé des préoccupations de l’heure des honnêtes citoyens qui, du reste, ont été fortement impressionnés par la clarté, la consistance et la concision des réponses apportées à chacune des questions posées. Convaincus, les Nigériens l’étaient assurément à la fin de l’exercice, mais aussi et surtout rassurés et séduits par la confiance affichée par le Chef de l’Etat, et l’imperturbable sérénité dont il a fait preuve malgré des questions parfois scabreuses qui auraient pu le prendre au dépourvu.

Sur l’ensemble du chapitre, deux domaines ont particulièrement attiré l’attention des téléspectateurs nigériens : il s’agit de l’attitude de la CDEAO après les évènements du 26 juillet et l’Etat de nos relations avec la France.

Sans se départir de son calme habituel, le Chef de l’Etat, après avoir dénoncé les mesures iniques et scélérates prises par l’organisation communautaire à l’encontre de notre pays, a franchi le rubicond en comparant l’application de ces sanctions moyenâgeuses à du terrorisme d’Etat par cette organisation dévoyée, déroutée de ses nobles objectifs de départ et mise en coupe réglée par des chefs d’Etat félons et subversifs. Et le Chef de l’Etat de saluer l’avènement de l’Alliance des Etats du Sahel (AES), une Alliance exemplaire promise à un bel avenir parce que initiée par des dirigeants conséquents, patriotes et sincères vis-à-vis de leurs concitoyens et vis-à-vis de leurs voisins et frères.

Le deuxième point qui a suscité l’enthousiasme des Nigériens est celui relatif à l’Etat de nos relations avec la France. Sans s’embarrasser de précautions diplomatiques, inutiles au demeurant dans l’état actuel des choses, le Général Tiani à mis un nom sur un visage, celui de la France, car dira-t-il, l’incendie terroriste tire son essence du soutien que lui apporte la France. Aujourd’hui les masques sont tombés, et le jeu honni de la France vient d’être dévoilé au grand jour. Aux Nigériens dans leur ensemble d’apporter le soutien nécessaire pour combattre le mal.

Au demeurant, l’aide et les soutiens multiformes apportés par ce pays à tous ceux qui cherchent à nous déstabiliser n’est que la face émergée de l’iceberg ; le domaine de l’exploitation éhontée de nos ressources minières ressemble à s’y méprendre aux relations qui ont caractérisé aux siècles derniers les rapports entre le serf et le seigneur féodal, celui-ci tirant l’essentiel de ses ressources du travail du serf qui en retour, ne reçoit que des miettes poussiéreuses tombées de la table du maitre.

En effet, depuis la colonisation et jusqu’à l’heure où nous écrivons ces lignes, la France s’est toujours comportée de façon malhonnête en signant des contrats léonins qui ne tiennent compte ni de l’intérêt, ni de la dignité de notre peuple. Comment comprendre, s’est indigné le Général, que sous le prétexte fallacieux d’accords de coopération, les entreprises françaises basées au Niger soient exemptées des droits et taxes parce que la réciproque était valable alors qu’il n’existe sur le sol Français même pas une startup de fabrication de sachet d’eau de table….

A la vérité l’exploitation ignominieuse de nos ressources ne date pas d’aujourd’hui.

Pour rafraîchir la mémoire des anciens et documenter celle de la génération montante, faisons un peu d’histoire et rappelons à tous, que c’est à travers l’OCRS (Organisation Commune des Régions Sahariennes) crée en 1957, que le gouvernement français a voulu perpétuer sa domination et son exploitation. Érigé en collectivité territoriale, ce vaste ensemble comprenait une partie de l’Algérie, une partie du Mali et la région la plus septentrionale de notre pays avec les parties nord des cercles de Tahoua et d’Agadez et la totalité de la subdivision de Bilma ; mais le projet fit long feu avec l’indépendance de l’Algérie et la posture révolutionnaire qu’elle devait adopter après la guerre de libération.

Cependant, c’était mal connaitre les responsables politiques français que de penser à la fin de cet épisode, et le Niger est mieux placé que quiconque, pour connaitre l’acharnement quasi maladif et la ténacité de l’ancienne métropole à perpétuer sa domination et son exploitation sur ses anciennes colonies d’Afrique.

Le Président Hamani DIORI l’apprendra à ces dépends, quand en 1974 révolté par les dividendes minables tirés de l’exploitation de notre uranium, il sollicita l’appui des canadiens pour monter un dossier et entrer en rénégociation avec les autorités françaises. Même si ce dossier était au demeurant bien ficelé et techniquement défendable, la France ne comprenant pas qu’un dirigeant d’une ex colonie pût remettre en cause ses intérêts. Elle orchestra sans vergogne le coup d’Etat qui devait l’emporter…… Le journaliste guinéen Siradiou Diallo de Jeune Afrique dira un peu plu tard dans une de ses célèbres métaphores que le Président Hamani Diori avait trébuché contre un fût rempli d’uranate.

Donc ce n’était ni son soutien appuyé au maintien de la Fédération nigériane contre la sécession biafraise malgré les injonctions répétées du Général De Gaule, ni le soutien de l’ancien président nigérien à la Fédération du Canada contre l’indépendance du Québec qui allaient déterminer les autorités françaises à passer à l’action, mais leur gloutonnerie gargantuesque des richesses du sous sol nigérien, même si par ailleurs ces deux situations précitées y ont largement contribué.

Plus près encore et assez vivace dans les mémoires, c’était le putsch contre l’ancien président Tandja Mamadou. Officier des FAN et membre du CMS sous le régime du Général Seini Kountché, le Colonel Tandja avait encore en mémoire la conférence du commandant Sani Souna Siddo alors vice-président du CMS et ministre des mines, une conférence adressée aux jeunes collégiens et lycéens de l’époque, une conférence à travers laquelle il révéla l’existence de gisements d’uranium très importants dans la région d’Imouraren plus importants que ceux d’Arlit et d’Akokan. Le Président Tandja, en patriote convaincu, allait aussitôt après son arrivée au pouvoir demander aux partenaires Français, la mise en exploitation immédiate du Fameux gisement arguant du fait qu’on ne pouvait rester pauvre alors qu’on était assis sur un océan de richesses. ‘’Nous ne pouvons accepter d’être assujettis à un agenda français alors que nous avons besoin de nos ressources pour développer notre pays’’ devait-t-il ajouter….

Comme le président DIORI en 1974, le président Tandja allait être renversé en 2010, par un autre putsch aux relents d’uranium. La France, poussera l’outrecuidance au point de décorer de la légion d’honneur la plus haute distinction française l’auteur dudit putsch pour diront-ils « services rendus à la France ».

Instruits par ces différents soubresauts qui ont jalonné l’histoire politique de notre pays nous n’avons plus droit à l’erreur. Le Général Tiani l’a dit, nous renégocierons tous nos contrats dans l’intérêt de notre peuple et nous maintiendrons le cap, sans restriction, ni défaillance et jusque dans ses conséquences extrêmes. Le plus long voyage, dit un proverbe chinois commence par le premier pas. Ce premier pas le Général Tiani vient de l’accomplir en sonnant le tocsin qui donne l’alarme aux combattants.

A nous tous à présent, de suivre son sillage pour bâtir un Niger décomplexé, un Niger de grandeur, bâti sur un socle de roc, apte à traiter d’égal à égal avec l’ensemble de ses partenaires ; et nous y parviendrons, incha Allah en nous inspirant de l’exemple de nos valeureux devanciers.

Dan Barno Mahamane Machel, Editeur, traducteur