Transition/Organisation d’élections : Obligation pour le CNSP de refonder la classe politique
Notre malheur, en Afrique francophone en général et en Afrique occidentale francophone en particulier, est la conséquence d’un certain format de cette démocratie, Made in France, importée dans les emballages de la Françafrique pour être plaquée dans les Etats sans tenir compte des réalités spécifiques qui sont les leurs et les besoins légitimes des peuples souverains. La démocratie est ainsi devenue le malheur des peuples africains. Elle a détruit les valeurs et la cohésion sociale et ruiné, par l’esprit de partage et de profit, les économies. Les hommes politiques ont alors réduit l’adversité à de l’inimitié pour se nourrir des rancunes tenaces, et l’on s’est servi de la démocratie pour piller et détourner. L’on a fait ainsi de la culture du clanisme, de la promotion de la médiocrité, du vol, de l’affairisme, de la corruption à grande échelle, l’essence d’une démocratie dévoyée. Depuis la décennie 90 que les africains sont entrés dans cette expérience démocratique, soufflée sur les rivages par le vent d’Est, les Etats n’ont été abonnés qu’à l’éternel recommencement, avec des coups d’Etat qui reviennent sans cesse, interrompant les processus enclenchés, et dans bien de cas, avec des turbulences qui ont entrainé l’instabilité dans les démocraties fragiles. Les hommes politiques, par leurs chamailleries souvent enfantines, leurs guéguerres interminables n’ont pas aidé à avancer et à enraciner la démocratie dans les Etats.
Après le coup d’Etat du 26 juillet 2023, les Nigériens ont fini par comprendre qu’ils ne peuvent pas compter sur leur classe politique pour apaiser les relations politiques dans le pays et humaniser la politique qui est devenue, depuis la démocratie, source de tensions, de conflits infinis, de rancunes irréductibles, de guéguerres puériles. Dynamiter l’échiquier politique pour reconstruire sur ses ruines relève alors d’une autre révolution dont il faut gagner le pari. Les hommes politiques étaient allés loin dans leurs dissensions et servi ainsi le mauvais exemple de la pratique politique aux générations à venir pour qui la politique était devenue mensonge et trahison, coups bas et enrichissement illicite. Il est pourtant possible de faire de la politique avec un minimum de vertu et de morale.
Cette classe ne doit pas revenir. C’est elle qui a valu ces incessants retours des armées dans la scène politique, venant pour mettre fin aux enfantillages et mettre de l’ordre selon un timing que la communauté internationale internationale leur impose, mais puisque n’ayant pas eu le temps suffisant de s’attaquer aux racines des instabilités, on ne faisait que du surplace. Ainsi, les mêmes problèmes auxquels on croyait avoir mis fin, refont surface et l’on tombe dans les mêmes abîmes. Il faut aujourd’hui trouver les moyens de faire le diagnostic du mal de notre démocratie pour trouver, de manière structurelle, les recettes pouvant permettre d’ouvrir la voie à une démocratie fonctionnelle, plus apaisée, plus humaine, plus pérenne, moins bavarde. Mais, comment la transition peut-elle déminer le terrain pour mettre en place une nouvelle démocratie dont les fondations seront faites avec le ciment des valeurs propres aux peuples, avec la foi humaine, fondamentalement africaine ?
Assainir…
La refondation politique du pays ne peut être possible si le CNSP ne peut pas être capable d’assainir le pays, toute chose qui l’oblige à fouiller dans la gestion antérieure dont il a hérité pour en rendre compte aux Nigériens, ce, à travers différents dossiers pour lesquels les Nigériens attendent d’avoir des lumières alors qu’ils le demandaient depuis le premier mandat du régime socialiste resté sourd à de telles revendications légitimes. Tous les Nigériens, qui qu’ils soient, doivent rendre compte, au nom de la Justice et du principe d’égalité entre tous les enfants du pays. C’est prendre des grands risques sur sa réputation que de vouloir couvrir la gestion des différentes Renaissances pourtant trop compromises. En fouillant toute la gestion du système défunt, de l’administration, à l’organisation d’événements, en passant par les projets et programmes, les sociétés d’Etat et la gestion minière, la transition pourra mieux réussir à taire les susceptibilités. Où a-t-on mis, et pour quelles transformations du pays, les 5000 milliards de dette laissée par les socialistes ? Les Nigériens ne le voient pas. Ce n’est donc pas pour rien que certains spécialistes estiment que, pour s’aider à avancer, la transition doit avoir le courage d’auditer la dette et d’en informer le peuple souverain au nom duquel on allait la contracter. Cette action, on ne peut nécessaire, est d’autant urgente qu’elle permettra à la transition de garder le lien avec le peuple dont le soutien, quoi que peuvent penser certaines brebis galeuses qui s’agitent autour d’elle, est vitale pour garder le cap et réussir à tenir les promesses qu’elle lui a faites.
C’est pourquoi, pour bien d’analystes avertis, les mollesses que l’on observe dans la lutte contre la corruption et les infractions assimilées, ce manque de courage qui ne dit pas son nom pour s’attaquer aux gros dossiers, ne sont pas de nature à faciliter la marche du pays car une telle attitude de sa part qui pourrait trahir ses engagements publics, pourraient plus faire l’affaire de ceux qui veulent l’échec du CNSP et donc qui avaient promis de s’investir – sans s’en cacher d’ailleurs –pour saborder la transition. C’est donc important à le comprendre pour nombre de Nigériens qui estiment que, tant que certaines situations ne sont pas faites, ne sont pas clarifiées et qu’ils auront l’impression que la transition voudrait protéger l’ancienne gestion, l’on ne saurait ne pas voir, quelles que soient les raisons invoquées, de lien entre elle et le régime défait, toute chose qui pourrait, dans certains cas, créditer la thèse de certains milieux qui l’accablent d’être dans des complicités avec l’ancien président Issoufou qui ne peuvent que la compromettre. On ne peut donc pas s’attaquer à de menus fretins pour faire croire que l’on fait de l’assainissement alors que l’on laisse courir les criminels à gros poils qui ont ruiné le pays en menant, de manière impunie, les grands crimes que l’on plaint aujourd’hui, observant impuissant, les gros poissons nager dans l’eau boueuse des marécages de la salissure socialiste.
Ce travail est primordial pour avancer. La dernière marche organisée pour soutenir la transition, par la mobilisation essoufflée que l’on a observée et qu’elle a drainée, pourrait exprimer ces malaises qui traversent la société nigérienne alors qu’elle n’en a pas besoin. Les individus ne doivent pas être plus importants que la nation, que l’intérêt général qui doit, en principe, guider, en tout, le CNSP. On l’a dit et on l’a répété, mais la transition semble ne rien entendre de ce que des hommes et des femmes de ce pays veulent qu’elle réussisse et leurs critiques ne sont que l’expression d’appréhensions légitimes qui ne sont dites que très sincèrement, pas dans un dessein malsain de lui nuire. Il faut souvent avoir, quand on gouverne, la sagesse et l’humilité d’écouter et d’entendre les critiques pour saisir la portée de certains des actes que l’on pose. Un homme, ou un clan qui, plus a mal gouverné, ne peut être plus important que tout un peuple qui crie qu’il ne comprend pas. On voit d’ailleurs revenir depuis des jours les grèves, certaines déclarations qui expriment ces humeurs qui viennent polluer la transition comme si l’on est à la fin du temps de la trêve : il faut remettre de l’ordre pour revenir à la même ferveur, aux mêmes engagements patriotiques qui ne se faisaient pour personne mais pour un idéal commun : le Niger et le Niger seul.
C’est donc pourquoi la classe politique, qui a plongé le pays dans cette situation après des années d’errements démocratiques, doit être congédiée pour ainsi payer pour ses fautes.
Mettre des garde-fous…
La classe politique, à défaut d’être rajeunie, doit être assainie pour que ne reviennent plus les mêmes partis politiques qu’il faut, pensent certains Nigériens, dissoudre pour voir émerger de nouvelles structures, de nouveaux leaderships, dans un cadre désormais quadrillé pour limiter idéologiquement les nouvelles formations politiques afin de mettre fin au grand désordre que l’on a connu avec une multitude de partis politiques qui n’existent que dans les cartables de leurs fondateurs qui ne se battent que pour leur ventre, pour leur promotion, le parti étant devenu un instrument de promotion politique qui sert des intérêts personnels, non pour porter des ambitions nobles pour le pays. C’est pourquoi, après cette transition, les vieux partis et la vieille classe ne doivent plus revenir, en tout cas tous ceux et toutes celles qui se sont compromis en soutenant le désastre que le CNSP est en train de réparer ou toutes celles et tous ceux qui seront reconnus coupables de mauvaise gestion, de vol doivent être mis à l’écart. Les Nigériens doivent comprendre que plus personne, qui se serait comporté d’une manière répréhensible, ne pourrait avoir de place dans le nouveau Niger en construction depuis qu’arrivait au pouvoir le Général Abdourahamane Tiani.
C’est aussi une manière de préserver le choix historique du pays de s’engager aux côtés de ses voisins, le Mali et le Burkina Faso dans le cadre de l’AES, pour gagner la révolution sahélienne entamée qui met en désarroi la force impérialiste.
La logique est simple : on ne peut pas faire du neuf avec la même racaille. Des choix s’imposent ; ils sont difficiles souvent, c’est vrai, mais le devoir d’Etat oblige à les faire et à les assumer. C’est la seule manière de triompher sur les méchants et sur les détracteurs. L’AES est une révélation de ce millénaire commençant ; une chance pour ces générations qui marchent, conscientes des défis de l’époque. Il faut donc résister.
Mairiga (Le Courrier)