Situation politique nationale : Mohamed Bazoum, une épine dans le pied du Cnsp ?
Cela fait 17 mois que Mohamed Bazoum a été déchu de son trône par le Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (Cnsp). En juin 2024, son immunité présidentielle a été levée par la Cour d’Etat, ce qui devrait le placer, en principe, dans la situation d’un justiciable ordinaire sans aucun privilège juridictionnel pour ses anciennes fonctions présidentielles. Mais, en dépit de la levée de son immunité présidentielle, Bazoum demeure toujours dans une situation innommable en théorie générale du droit, car poursuivi pour des chefs d’accusation de crime de haute trahison, d’atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat et de tentative d’évasion, mais détenu hors des conditions carcérales habituelles de droit commun. Ce qui se joue là, dans le sort actuel de Mohamed Bazoum, c’est la survie même du Cnsp en tant que pouvoir qui n’accepterait jamais de lâcher la proie pour l’ombre en libérant Mohamed Bazoum contre quoi que ce soit.
Mohamed Bazoum s’est condamné auprès du Cnsp dès le départ par d’actes négatifs très graves contre l’Etat du Niger
Il y a quelques jours, quelques personnalités internationales avaient adressé une pétition appelant à la libération de Mohamed Bazoum. Auparavant, c’était un collectif d’intellectuels et d’anciens Prix Nobel qui faisait le même plaidoyer. Mais, jamais, les soutiens internationaux de Mohamed Bazoum ne se sont interrogés sur les raisons pour lesquelles le Cnsp ne répondrait jamais à leur demande. Aujourd’hui, au regard de ce qui se passe au plan sécuritaire, d’individus se réclamant publiquement de Mohamed Bazoum recourent à la lutte armée pour soi-disant rétablir celui-ci dans ses anciennes fonctions présidentielles. Lui-même, Mohamed Bazoum, avait appelé la Communauté internationale à tout mettre en oeuvre, y compris l’usage de la force, pour le réinstaller sur son trône. Il avait directement appelé au téléphone le président du Nigéria, Bola Ahmed Tinubu, pour lui demander de suspendre la fourniture en énergie électrique au Niger par la NEPA, alors que c’était une convention bilatérale entre ces deux Etats voisins et frères qui préexistait à la Cedeao ! Il avait appelé des chefs terroristes pour leur demander d’entreprendre des actions de déstabilisation contre l’Etat. Tout cela n’est guère de l’affabulation, c’est prouvé et documenté par les enregistrements sonores et les E-mails trouvés sur la multitude de portables trouvés lors des perquisitions des services compétents nationaux ! Aujourd’hui, avec le recul du temps et à la lumière des témoignages récents de Jean-Marie Bockel devant la Commission du Parlement français, qui déclarait que ‘’la France avait été capable de réunir plus de 7.000 hommes, seulement en quelques heures, en Côte d’Ivoire et avec du gros matériel, en vue d’appuyer une intervention militaire de la Cedeao au Niger. Malheureusement pour la France, le Cnsp avait su entrer dans la base de données de la DGSE française et l’avait dévoilée publiquement. Mohamed Bazoum, avant que ses portables lui aient été retirés après sa tentative d’évasion du 19 octobre 2023, avait été régulièrement en contact avec Emmanuel Macron, le président français, qui vantait le fait que Mohamed Bazoum n’avait jamais démissionné. Récemment encore, la défection d’Idrissa Madaki, membre influent du Front Patriotique de Libération (FPL), est venue enfoncer Mohamed Bazoum et qui explique clairement pourquoi le Cnsp ne serait jamais disposé à le libérer, surtout si une telle demande venait de l’extérieur.
Mohamed Bazoum, une ‘’assurance-vie’’ pour le Cnsp ?
L’on a souvent entendu l’argument du ‘’refus de Bazoum de signer sa démission’’ défendu par ses soutiens et partisans, comme pour dire que cela aurait fait bien les affaires de ses bourreaux. Or, comme on l’avait déjà évoqué tantôt, le Cnsp n’avait jamais semblé embarrassé par la question de la démission ou pas de Mohamed Bazoum, car dans tous les cas, cela n’aurait changé quoi que ce soit fondamentalement dans le sort de l’enfant malheureux de Tesker. Dès les premiers jours de sa chute, Mohamed Bazoum ne s’était pas mis dans de dispositions de trouver une solution à la ‘’Nigérienne’’, en voulant confier sa cause à de forces étrangères. La formation politique à laquelle il appartenait et qui l’avait investi candidat à l’élection présidentielle de 2021, à savoir le Pnds/Tarayya, avait appelé ses militants à accompagner les nouvelles autorités de la transition politique. Mieux, autour du vénérable Kalla Ankaraou, le Secrétaire Général du parti rose, ils avaient dénoncé l’option militaire de la Cedeao contre le Niger. Par contre, lui, Mohamed Bazoum, ainsi que la plupart de ses partisans, avaient manifesté une telle hostilité à l’égard du Cnsp qui bénéficiait, pourtant, d’une forte adhésion populaire dans le pays du fait de tout ce que le régime de la renaissance en tous ses Actes (1 à 4) aura symbolisé de désastreux durant les douze (12) dernières années ! Cette intransigeance de Mohamed Bazoum à l’égard du Cnsp et de son charismatique Président s’était fondée sur une illusion, qui était celle de croire que son salut final viendrait de l’Occident et d’une Cedeao inféodée à cet Occident manipulateur. En mauvais lecteur de Machiavel, Mohamed Bazoum avait semblé ignorer une des célèbres leçons du grand maître florentin, en matière de science politique (ou l’art de la politique), à savoir, l’impératif de la part du prince de compter d’abord sur le soutien de son peuple pour conserver le pouvoir. Contre n’importe quel complot étranger, si le prince jouit du soutien de son peuple, il s’en sortira toujours vainqueur, enseigne ce maxime ! Malheureusement, Mohamed Bazoum n’avait pas compris cet aspect élémentaire de l’exercice du pouvoir suprême pour s’être laissé embarquer dans cette aventure étrangère à laquelle le peuple nigérien qui l’avait porté à la magistrature suprême du Niger n’avait pas été associé. En voulant s’en prendre au Cnsp et à son emblématique Président, il s’était lourdement gouré dans son analyse des événements du 26 juillet 2023.
Le Général Abdourahamane Tiani et ses compagnons d’armes l’ont su, dès les premières de la chute du régime de la 7ème République, et c’est pour cette seule et unique raison qu’ils compteraient le lui faire payer cela chèrement. On dit souvent que la vengeance est un plat qui se mange froid, mais en plus, chez le Cnsp, il s’accompagne souvent d’une bonne boulimie de fruits pour faire digérer le tube digestif des ulcérations gastriques dues à une gargote servie avec beaucoup de précaution culinaire. Dans ce registre impitoyable de l’affirmation de la personnalité, Mohamed Bazoum semble tombé sur un os en la personne du natif de Toukounous, le Général Tiani, un personnage taciturne, difficilement cernable sans un examen approfondi de sa personnalité, et surtout imbu des valeurs chevaleresques de la société nigérienne qu’il sait parfaitement incarner dans ses grandes lignes de fracture. Le Général Tiani veut, aujourd’hui, se poser comme le contre-modèle du dirigeant fantoche téléguidé à partir de l’extérieur, exactement comme l’avaient été Bazoum, et auparavant, son maître, Issoufou Mahamadou.
Aujourd’hui, si le Général Abdourahamane Tiani n’incarne pas, véritablement, au Niger, une figure révolutionnaire classique, de par son âge avancé (60 ans), il n’en est pas moins l’incarnation vivante d’un nouvel héroïsme national qui fouette le patriotisme chez une nouvelle génération de Nigériens décidés de rendre au Niger sa souveraineté et sa dignité !
Par Ali Koma (Le Canard en Furie)