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Relations Issoufou / Bazoum : Le Tankataféri continue entre les deux clans

Issoufou BazoumA quatre jours à peine de la sentence de la Cour d'État, dont le délibéré sur la levée de l'immunité de Bazoum Mohamed a été fixé à demain, vendredi 10 mai 2024, la fille du président déchu, Hinda Bazoum, s'est épanchée sur Rfi, la radio française, pour asséner ses vérités sur les évènements du 26 juillet 2023. Des vérités au goût amer pour Issoufou Mahamadou, passé à la trappe d'une histoire qui semble se répéter, Hinda Bazoum désignant l'intéressé comme étant l'inspirateur et le parrain de l'éviction de son père du pouvoir. " Issoufou Mahamadou a trahi mon père de la pire des manières ", a-t-elle dit sans ambages, écartant catégoriquement toute autre hypothèse. Ce qui correspond malheureusement au profil et au caractère dont les Nigériens se font d'Issoufou Mahamadou. Surnommé " Judas " par les partisans de Bazoum Mohamed qui croient dur comme fer qu'il est le maître d'ouvrage du coup qui a emporté le second président de la 7ème République, Issoufou a certainement offert à ceux qui l'accusent d'être coutumier du fait, de nombreux arguments à faire valoir.

Pourquoi Issoufou n'a jamais critiqué le coup d'État alors qu'il le dit contraire à ses convictions politiques ?

On le sait prolixe et très amer face aux pouvoirs militaires dont il n'a jamais auparavant toléré les intrusions sur la scène politique. À l'exception, bien sûr, de celle de 1999 qui a abouti à la mort président Ibrahim Maïnassara Baré et dont le Pnds Tarayya, son parti, s'est ouvertement réjoui par la voix d'un certain Bazoum Mohamed qui confiera au journal Le Démocrate : " Je ne crois pas vous révéler un secret en vous disant que la disparition de la quatrième République dont nous avons toujours récusé la légitimité ne nous cause aucun regret […] Il n'y aurait donc aucun sens que lorsque des militaires viennent rendre possibles toutes les exigences, en vue d'un nouvel ordre démocratique pour notre pays, que nous le combattions ".

En juillet 2023, Issoufou Mahamadou se dit victime puisqu'il s'agit d'abord de la mise à mort du régime incarné par le Pnds Tarayya, son parti et d'un président qu'il a oeuvré à installer au pouvoir. Pourtant, ni au lendemain du coup d'État formalisé avec l'adhésion des autres chefs militaires, ni après, Issoufou n'a jamais condamné, même à mots couverts, l'évènement. Une forme de prise de pouvoir qu'il dit contraire à ses convictions de démocrate et de républicain. Non seulement lui ne le fera pas, mais ses partisans également se sont gardés de le faire. Pire, ils ont tôt fait, dans une indécence qui frise la désaffection et l'insouciance pour le sort de Bazoum Mohamed, ses partisans se sont égosillés à expliquer et à justifier pourquoi l'intéressé est lui-même responsable du coup d'État qui l'a renversé. Une rhétorique osée qui en dit long sur la ligne de démarcation entre partisans d'Issoufou et ceux de Bazoum.

Bazoum Mohamed, une victime de plus d'Issoufou Mahamadou ?

Depuis qu'il a été déposé par l'armée, Bazoum Mohamed n'a pas encore reçu la moindre visite d'Issoufou. Il n'a ni ouvertement milité pour sa libération, ni même entrepris des démarches en vue de le rencontrer. Une perspective qui n'est pas pourtant en dehors de ses cordes, le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (Cnsp) lui ayant consenti une faveur plus grande qu'une simple visite à son camarade et ami politique de quatre décennies. En février 2024, l'intéressé a obtenu le privilège d'aller à Addis Abeba pour prendre part, en qualité de champion de la Zlecaf, au 28ème sommet des chefs d'État et de gouvernement de l'Union africaine. Une sortie qui a fait couler beaucoup d'encre et de salive sur une probable véracité de la thèse avancée par les partisans de Bazoum Mohamed sur l'implication et la responsabilité d'Issoufou dans les évènements du 26 juillet 2023.

Outre qu'il n'a jamais demandé la libération de Bazoum Mohamed alors que tout porte à croire qu'il pourrait le faire sans dommages pour sa liberté, Issoufou Mahamadou met davantage d'eau au moulin de ceux qui, comme Hinda Bazoum, défendent bec et ongles la thèse de la trahison, en s'affichant publiquement, lors de la fête de l'Aïd El-Fitr, à la mosquée de Niamey aux côtés de leurs ‘’tombeurs’’. Il s'est même offert le luxe insolent d'aller au palais de la présidence, sous les caméras, présenter ses voeux de fête au Général Abdourahamane Tiani, échangeant avec l'intéressé un sourire très éloigné de l'amertume et de la rancoeur. Pour de nombreux Nigériens encore sceptiques, Issoufou Mahamadou venait de corroborer ses excellentes relations avec les autorités de la Transition actuelle. Des rapports sur fond de rumeurs folles qui alimentent les causeries dans les fadas, les réseaux sociaux et les salons feutrés. Aux indices troublants sur le rôle et la position d'Issoufou dans les évènements du 26 juillet 2023 se greffent, tantôt des échos de proches de l'intéressé tendant à rassurer des militants que " rien n'a véritablement changé ", tantôt ceux des partisans de Bazoum expliquant que tout finit par se savoir et que les Nigériens seront profondément choqués de découvrir ce qu'ils ont soutenu avec tant d'ardeur et de sacrifices. Le Niger est aujourd'hui contraint de rembourser des sommes d'argent astronomiques détournées par des individus bien identifiés

Si la famille et les partisans de Bazoum Mohamed soutiennent à tort ou à raison la trahison d'Issoufou, il est de bon ton de rappeler que ce n'est pas la première fois, durant ces trois décennies de vie démocratique ponctuée de parenthèses d'exception comme celle-ci, que l'intéressé est accusé d'avoir trahi ses compagnons et alliés politiques. Ce n'est pas Mahamane Ousmane qui dira le contraire, ni Abdou Labo, son ami et parrain de jeunesse. Encore moins Hama Amadou qui a vécu, durant des années, les affres de la persécution politique ou Saadi Kadhafi, l'enfant de feu le Guide de la révolution libyenne, qui a trouvé refuge à Niamey avant d'être livré à ses bourreaux, en Lybie, par Issoufou Mahamadou.

Un fait marqué du sceau de la trahison, le gouvernement d'Issoufou ayant d'abord évoqué des préoccupations humanitaires avant de le livrer sans état d'âme, poings et pieds liés à Tripoli.

Que dire du peuple nigérien, floué dans ses aspirations et dépouillé presque de tout en une décennie de gouvernance scabreuse. L'ardoise est lourde : une dette publique de 5 200 milliards de francs Cfa, dont un prêt de 1 000 milliards contracté auprès d'Eximbank de Chine, des milliers de milliards détournés, dont des aides financières et alimentaires, une armée démantelée et livrée en sacrifice aux organisations terroristes et à leurs commanditaires, sur fond de détournements des budgets d'armement, des accords militaires anticonstitutionnels ayant abouti à l'installation d'armées étrangères sur le sol national et l'hypothèque de la souveraineté nationale, l'insécurité, l'impunité, l'injustice, etc.

L'ardoise est lourde de conséquences pour le Niger qui a été trahi et ?vendu? par celui qui, le 7 avril 2011, promettait monts et merveilles aux peuple nigérien, la main droite posée sur le Saint Coran. Aujourd'hui, le Niger croupit sous les difficultés financières prévisibles du fait de la corruption et de l'impunité qu'Issoufou Mahamadou a entretenues de façon consciente et assumée. Le Niger est notamment contraint à une levée de fonds énormes de 457, 99 milliards sur le marché financier de l'UEMOA pour faire face à l'encours de la dette dont les échéances sont dépassées. Une dette pour payer des dettes contractées pour la plupart dans des conditions douteuses à l'instar des 1 000 milliards d'Eximbank de Chine. Selon un spécialiste de la question, ce service de la dette constitue le plus grand obstacle à la lutte pour la souveraineté nationale qu'il rend inopérant. Autrement dit, ce sont les conséquences de la politique de surendettement d'Issoufou que le Niger subit de plein fouet aujourd'hui. Pourtant, malgré la haute trahison manifeste dont il pourrait être coupable, l'homme est plus que jamais libre, tranquille et serein tandis que les Nigériens paient pour ses délits et crimes.

Laboukoye (Le courrier)