Skip to main content

Refus de deux ministres d’obtempérer à une convocation de l’Assemblée nationale : Le Niger de Bazoum Mohamed, une république bananière ?

Le samedi 4 décembre 2021, c’était le jour que l’Assemblée nationale a programmé pour entendre deux membres du gouvernement à travers deux questions d’actualité qui leur ont été adressées par deux députés de l’opposition. Les ministres de la Défense et de l’Intérieur devaient aller s’expliquer devant les parlementaires sur les faits graves qui se sont déroulés à Téra, le 27 novembre 2021. Ce jour-là, l’armée française a tiré à balles réelles sur les manifestants qui entravaient son passage, tuant deux d’entre eux et blessé 18 autres, dont 11, grièvement.

À l’heure de l’ouverture des travaux, la présidente de séance, la vice-présidente de l’Assemblée nationale, fait simplement constater que le ministre de la Défense et son homologue de l’Intérieur ne sont pas là. Et ces questions d’actualité étant l’unique point inscrit à l’ordre du jour, elle a dû, la mort dans l’âme, se résoudre à lever la séance. Les échanges programmés n’auront pas lieu par la volonté des deux membres du gouvernement qui ont refusé de déférer à la convocation de l’Assemblée nationale.

Selon toute vraisemblance, l’absence des deux ministres n’est pas le fait du hasard. Elle semble même avoir été concertée et décidée quelque part. Où et pour quelle motivation ? On l’ignore pour le moment. Ce qui est plutôt certain, c’est que, manifestement, les deux ont décidé de ne pas répondre à la convocation de l’Assemblée pour ne pas avoir à répondre aux questions qui leur seront posées. Leur acte est constitutif, selon quelques élus qui se sont prononcés sur la question, de mépris pour le parlement dans un régime semi-présidentiel. Ailleurs, ce refus de répondre à l’Assemblée nationale est sévèrement sanctionné par un limogeage systématique. Au Niger, l’affaire est passée comme lettre à la poste. Le Président Bazoum n’a pas encore réagi à cet acte de deux membres de son gouvernement. Quant au parlement, il n’a rien exigé.

Un Bazoum Mohamed qui semble s’accommoder de ces pratiques aux antipodes d’une république démocratique.

Aux yeux de l’opinion nationale, ce refus de deux membres du gouvernement d’obtempérer à une convocation de l’Assemblée nationale n’est pas si surprenant. Il est, pour beaucoup de Nigériens, l’expression d’une conséquence prévisible d’une gouvernance désastreuse qui a été impulsée et entretenue par Issoufou Mahamadou et qui perdure sous Bazoum Mohamed. Un Bazoum Mohamed qui semble s’accommoder de ces pratiques aux antipodes d’une république démocratique. À qui profite la banalisation des institutions, notamment le parlement qui est, en principe, la clé de voûte de l’édifice démocratique sous un régime semi-présidentiel ? Si le refus des deux ministres de ne pas déférer à la convocation de l’Assemblée nationale est inspiré des milieux proches du Président Bazoum, ce dernier, on peut le dire, est alors en train de se tirer une balle dans les P…  Si l’idée procède d’une volonté de saboter Bazoum Mohamed, il faut se rendre à l’évidence que la situation est assez confuse pour ne- s’en inquiéter.

Au-delà de ces deux hypothèses, l’opinion répandue, dans ce contexte pollué de contestations contre la présence militaire française, est que c’est certainement sur injonction de la France que ce débat a été avorté. Le déballage sur les graves faits intervenus à Téra n’est pas pour arranger la position française dont l’armée a démenti avoir tirer sur les manifestants. Il l’est encore moins pour Bazoum Mohamed et son gouvernement qui a sanctionné Alkache Alhada et le commandant de la Gendarmerie nationale, le général Wakasso.., corroborant ainsi la thèse française. Le gouvernement Bazoum a-t-il craint l’éclatement de la vérité, avec des preuves irréfutables, qui mettent en mal les sanctions prises contre Alkache et Wakasso ? L’hypothèse n’est pas à écarter. Quoi qu’il en soit, les épreuves, petit à petit, tendent à donner raison à ceux qui ont toujours estimé que, Issoufou et Bazoum, c’est bonnet blanc, blanc bonnet.

Bazoum Mohamed semble bien jouir des pratiques malsaines impulsées et entretenues par son prédécesseur

Après avoir déclaré et répété à l’envi qu’il ferait de la lutte contre la corruption son cheval de bataille, un engagement qu’il a pris devant les organisations de la société civile, le président actuel est en train de laisser découvrir progressivement un autre visage. Un visage hideux qu’ils connaissent si bien pour en avoir subi les affres.

En 10 ans de gouvernance, Issoufou Mahamadou, l’ancien président de la République, a pratiquement enterré l’âme de ce pays jadis fier. 10 ans de malversations financières, d’impunité pour les auteurs qui, dans certains cas, ont même été décorés et/ou promus à des postes de responsabilité supérieure ; 10 ans, également, de violations des lois et règlements, de corruption, de trafics divers, etc. Une gouvernance démocratique désastreuse dont Bazoum Mohamed semble jouir des bénéfices…dans un heureux étouffement des libertés démocratiques.

Doudou Amadou