Reformes judiciaires : Ça commence à venir
C’est la phrase fétiche des instructeurs des centres de formation militaire. Quel que soit la prouesse, la beauté des gestes des recrues, principalement en ordre serré, l’encouragement est toujours « ça commence à venir ». Jamais, formidable. Comme d’ailleurs les Romains qui, à une époque, plaçaient un général, vainqueur d’une guerre, sur un char et la foule suit le char en disant au militaire qu’il n’est pas un dieu, il n’est qu’un humain qui n’a gagné qu’une seul bataille. Histoire que ses exploits ne lui montent pas la tête. annonce, la semaine dernière, du ministre de la Justice la création, dans le cadre du travail de la COLDEFF, des tribunaux avec des jurés est une avancée significative dans les nécessaires reformes de la justice dont la conduite, au cours du régime déchu, a profondément divisé les Nigériens. Un verdict des jurés est toujours mieux que celui d’un seul juge qui non seulement, comme tout humain, est faillible et traîne avec lui le poids de la société, de la famille et d’autres considérations qui peuvent interférer dans son jugement.
Un juge peut se réveiller, comme on dit, sur le pied gauche. Sans compter l’élasticité des sciences sociales susceptibles d’interprétation. D’où l’éventualité, quelque fois, de condamnations diversement appréciées. Un jury est composé d’hommes ordinaires qui ne jugent que les faits. Après cette annonce, il est nécessaire de trouver des mécanismes pour la désignation des jurés. Des hommes ordinaires et qui craignent Dieu. Pour s’assurer de la conformité avec l’aspiration des Nigériens d’une justice véritablement indépendante et à leur service, il est aussi important d’agir en amont.
Un procès et une condamnation ne se limitent pas à l’organisation d’une audience au cours de laquelle les droits à la défense sont respectés. Il est l’aboutissement d’une procédure, d’une instruction. Il faut aussi que ceux qui interviennent en amont puisse avoir les qualifications requises. Surtout que depuis l’avènement de la démocratie un nombre important de textes ont été promulgués. Il n’est pas certain que dans la formation des officiers de police judiciaire que tous ces textes ont été intégrés.
La récente interpellation du promoteur du journal l’actualité en est la preuve. Le plaignant voulait connaître la source des informations qui ont été publiées. Et c’est évidement ce que voulait s’avoir l’officier de police judiciaire qui écoutait le prévenu. Pourtant, si connaissait l’ordonnance sur les délits de presse, il ne s’en serait pas préoccupé. Un journaliste ne doit en aucun cas divulgué sa source. C’est comme si on demandait à un policier de divulguer son informateur, son indicateur. Il y a enfin les qualifications fantaisistes. Dans la perspective de contourner les lois particulières, on se donne beaucoup de peine pour trouver des qualifications qui n’ont rien avoir avec les situations. Toujours dans le domaine de la presse, en 2015, un directeur de publication d’un journal privé a été accusé de faux, usage de faux et de recel de document de la police. Le journal avait republié une information paru dans le même journal en 2010 concernant un ministre du régime renversé par Salou Djibo.
L’objectif affiché, c’est d’envoyer le directeur de publication en prison. Quoi qu’on dise du procureur Samna, sur ce coup il a été lucide. Il confiera le dossier un à juge qui inculpera et laissera le journaliste en liberté le temps de l’instruction. Convoqué par le juge, le directeur de publication objectera la qualification. Elle une chose et son contraire. Il relèvera qu’il ne peut être question de faux et usage pour un document qui existe. Le recel aussi consécutif à un autre délit, le vol. Qui a volé le document de la police pour le refiler au journal ? Y a-t-il eu déclaration de vol ? Pour toutes ces raisons, le juge a tout bonnement requalifié les faits. Et le directeur de publication a comparu pour diffamation. Mais il a quand même passé une nuit à la police judiciaire. Toute chose que l’ordonnance proscrit. Dans le domaine, le prévenu comparait libre. C’est pourquoi, la citation directe est utilisée.
Modibo (L'Actualité)