Refondation au Niger : faut-il pardonner les détournements de fonds publics ?
Amères vérités Soit dit en passant, on n’a pas besoin d’une cérémonie pour entamer la mise en oeuvre du rapport des Assises. Comme dit Wolé Sowinka, « le tigre ne proclame pas sa tigritude, il se lance sur sa proie et la dévore ».
Soit dit en passant, on n’a pas besoin d’une cérémonie pour entamer la mise en oeuvre du rapport des Assises. Comme dit Wolé Sowinka, « le tigre ne proclame pas sa tigritude, il se lance sur sa proie et la dévore ». la contre-valeur la mieux partagée au Niger. Le mal, exploité certainement à des fins vénales, touche pratiquement tous les corps sociaux : des acteurs de la société civile aux ulémas en passant par les chefs traditionnels et autres patriotes de la dernière heure, les discours hypocrites sont propagés à profusion et c’est à qui mettrait le plus de zèle à servir les desseins d’une refondation pourtant mal partie. Sur les plateaux de ta télévision nationale, Télé Sahel, il n’est pas rare d’entendre jusqu’à des ulémas tenir des discours alambiqués, tirés par les cheveux pour soutenir que l’on peut et doit refonder sans passer par la justice. Autant dire que l’on peut refonder sur le faux et le mensonge en faisant fi de la corruption et des détournements des deniers et biens publics à coups de centaines de milliards de francs CFA qui ont agenouillé ce pays. Oui, c’est ce discours surréaliste pour les corps qui les tiennent qui est régulièrement servi au Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (Cnsp) qui est mieux placé que quiconque pour savoir que ce sont des hypocrites qui en sont les auteurs ; des individus qui savent que tel est le discours attendu et qui ne se gênent pas du tout, y compris pour leur honneur personnel, pour soutenir que c’est un acte divin que de pardonner et que les Nigériens doivent pardonner pour aspirer à des lendemains meilleurs.
Lorsqu’ils ne soutiennent pas leurs inepties par des préceptes religieux tirés par les cheveux, ils invoquent la lutte contre le terrorisme pour justifier et défendre l’indéfendable. Le pic de l’hypocrisie, c’est qu’ils n’ont aucun traître mot de tout ce qu’ils débitent. En somme, ils jouent pour paraître et peut-être gagner quelques subsides ou strapontins. Mais, ontils conscience qu’ils jouent à un jeu dangereux pour le Niger qui a plus que jamais besoin de vérité et de justice ? Ont-ils conscience qu’ils ne servent nullement leur pays en faisant croire que l’on peut bel et bien tresser sur des poux ? Ont-ils conscience, en prétendant, dans un argumentaire décousu qui étale leur propre gêne, que les Nigériens doivent pardonner et oublier, qu’ils cautionnent les détournements de centaines de milliards, y compris dans le domaine sécuritaire où cela a coûté la vie à des milliers de compatriotes ? En donnant la caution morale à ceux qui sont impliqués dans l’uraniumgate, dans le MDNgate, dans les 1000 milliards d’Eximbank de Chine, dans l’achat de l’avion présidentiel, dans le wassosso à la Soraz, dans le détournement et la vente des 15 000 tonnes de riz basmati pour ne citer que ceux-là, les auteurs de discours hypocrites sur la refondation doivent savoir qu’ils donnent un quitus à des criminels, une prime aux détournements de deniers et biens publics. Qu’ils soient acteurs de la société civile entrevoyant dans cette affaire de refondation mal fondée une opportunité rêvée pour se faire une place au soleil ou ulémas et pasteurs en rupture de ban avec l’intégrité, ceux qui vont sur les plateaux de télévision pour pérorer que la justice n’est une donné fondamentale dans le processus actuel sont des hypocrites qui compliquent la situation du Niger.
La plupart des acteurs sincères et pleins d’idées généreuses pour le Niger qui ont été vus sur les plateaux de télévision ont déserté par peur de se compromettre. Ils ont compris que le plus important dans ces parades n’est pas forcément ce qui est important pour le Niger, mais ce qu’il est convenable de dire, c’est-à-dire expliquer à quel point il est déterminant pour les Nigériens d’oublier ces scandales financiers pour ne s’occuper que de la guerre contre le terrorisme. Un terrorisme qui continue à faire des victimes à l’image des 44 tombées à Fambita, dans le … et qui est, dans une certaine mesure la conséquence des actes irresponsables et antipatriotiques de ceux qu’on demande aux Nigériens de pardonner.
N’est-ce pas en toute lucidité qu’Issoufou Mahamadou a publiquement déclaré que ceux qui militent pour le départ des troupes françaises sont des suppôts du terrorisme ? N’est-ce pas en violant délibérément la Constitution dont il tire ses pouvoirs qu’il a décidé, tout seul, de l’installation des bases militaires occidentales ? Le MDNgate, tout comme l’uraniumgate, l’achat de l’avion présidentiel, les 1000 milliards d’Eximbank de Chine ou encore les 15 000 tonnes de riz basmati sont des affaires intolérables sur lesquelles le Cnsp ne peut se permettre de passer l’éponge sans perdre tout crédit. Les résolutions des Assises le condamnent davantage à rendre justice au peuple nigérien, désormais sur le qui-vive. Entre ceux qui sont convaincus que le Cnsp ne travaille que pour le Niger et ses intérêts et ceux qui doutent de plus en plus, les résolutions des Assises nationales sont là pour clarifier les choses. Si les membres du Cnsp ont à coeur de servir le peuple nigérien et non des individus qui doivent à tous points de vue se retrouver derrière les barreaux pour longtemps, la vérité se trouve dans l’application ou non des résolutions des Assises sur la question de la justice par rapport aux affaires citées. Soit dit en passant, on n’a pas besoin d’une cérémonie pour entamer la mise en oeuvre du rapport des Assises. Comme dit Wolé Sowinka, « le tigre ne proclame pas sa tigritude, il se lance sur sa proie et la dévore ». Le peuple a été invité à dire ce qu’il attend de voir le Cnsp faire, il a parlé sans ambages. Au Cnsp de se mettre à l’ouvrage sans tarder et sans fioritures.
BONKANO (Le Canard en furie)